PANDÉMIE
ANALYSE
Auteur(s) : LUCIEN SAHL
Pour aider les professionnels de santé dans la lutte contre le Covid-19, le député Loïc Dombreval propose au Gouvernement de se tourner vers les vétérinaires pour intensifier sa campagne de vaccination, comme on peut l’observer outre-Atlantique.
Alors que le système de santé français est mis à rude épreuve depuis plus d’un an par le Covid-19, le Gouvernement veut intensifier la campagne de vaccination. Or, pour cela, il faut des doses. Et des bras ! Pour les doses, la question est encore loin d’être résolue. Côté bras, anticipant le manque de moyens humains, le député et vétérinaire Loïc Dombreval vient de rappeler à Olivier Véran, ministre de la Santé, les compétences et l’engagement des vétérinaires pour accompagner l’effort vaccinal dans un courrier du 8 mars 2021 (voir encadré). Maîtrisant l’acte vaccinal – 42 millions d’animaux sont vaccinés chaque année1 –, ils constituent un corps de professionnels de santé aptes à participer à l’effort national.
Les vétérinaires français ne sont pas les seuls à anticiper potentiellement le manque de bras pour vacciner contre le Covid.
Dans certains pays, ceux que l’OMS considère comme des agents de santé primaires, participent même à l’action. Ainsi en Argentine, la province de La Pampa incorpore au sein de sa campagne de vaccination des vétérinaires depuis décembre. Néanmoins, Dante Cerutti, président du Collège de médecine vétérinaire de cette province, regrette l’absence de ses confrères au sein du comité de gestion de la crise. « À cet égard, je pense que les vétérinaires ne sont pas suffisamment pris en compte en matière de santé publique. Je crois que chaque comité de pandémie, que ce soit au niveau municipal, provincial ou national, doit comporter des experts en médecine vétérinaire », déclare-t-il dans un article de la revue InfoCampo.
Le Canada aussi a autorisé par un arrêté du ministre de la Santé les vétérinaires à vacciner la population. Avec d’autres corps de métier comme les chiropracteurs, les dentistes, les acupuncteurs ou encore les audioprothésistes, les vétérinaires peuvent réaliser l’injection après une formation variable selon l’expérience. Cette participation est bien perçue par la profession comme l’indique Michel Pépin, président de la fédération des associations francophones de vétérinaires pour animaux de compagnie (Fafvac) : « Il est logique de se tourner vers d’autres professionnels de santé, de vacciner, pour alléger la charge de travail de ceux qui sont au front. » Au Québec, c’est même une vétérinaire, Christine Vézina, qui a effectué une courte présentation lors de la récente visite d’un centre de vaccination par Chantal Rouleau, ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal, et Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec. La participation des vétérinaires est rémunérée. Elle reste toutefois limitée à cause de leurs faibles effectifs –environ 10 000 vétérinaires pour 38 millions d’habitants –, conjugué à une importante charge de travail lié au retard accumulé et à une vague de nouveaux propriétaires qui doivent entre autres vacciner leurs animaux de compagnie. Pour ces raisons, la majorité des vétérinaires participants sont des retraités.
Du côté des États-Unis, depuis la communication officielle sur la stratégie nationale de lutte contre le Covid-19 du 11 mars 2021 par le président Joe Biden, les étudiants vétérinaires, les vétérinaires et ceux n’exerçant plus depuis moins de cinq années se trouvent sur la liste des personnes pouvant réaliser l’acte vaccinal. L’association de médecine vétérinaire américaine (AVMA, American Veterinary Medical Association) salue cette décision.
Avant cette annonce concernant l’ensemble du territoire, des États comme le Connecticut, le Colorado, la Pennsylvanie et le Nevada avaient déjà fait le choix d’intégrer les vétérinaires dans la vaccination. Pour Tom Vilsack, secrétaire à l’Agriculture, ces actions sont une réponse au manque de moyens humains mais aussi à la difficulté d’accès à des professionnels de santé en zones rurales.
Et dans l’Hexagone, les praticiens vétérinaires reçoivent cette annonce de façon contrastée. Interrogé sur la situation française, Jean-Pierre Jégou, président de l’Académie vétérinaire française (AVF), rappelle que l’AVF souligne depuis mars 2020 la nécessité d’associer les vétérinaires à la gestion de crise du Covid-19. Ils disposent d’une connaissance fine des coronavirus et sont compétents en matière de gestion de crise sanitaire étant confrontés à une crise majeure tous les cinq ans.
1. Source : syndicat de l’industrie du médicament et du diagnostic vétérinaires (SIMV).
Si nous devions être confrontés à un manque de professionnels pour vacciner, faire appel aux vétérinaires volontaires parmi la réserve sanitaire permettrait de répondre à la volonté affichée par le Gouvernement d’accélérer la campagne vaccinale. Le Canada, l’Argentine et certains États américains ont déjà pris cette décision pragmatique. »
« Cette implication est le signe de leur volonté d’engagement et du lien étroit de solidarité qui lie les professionnels des santés humaine et animale. »
« L’histoire de la vaccination et de la prophylaxie implique très largement les vétérinaires qui sont familiers de cet acte médical. Ils pratiquent la vaccination quotidiennement, sur des espèces animales très variées et permettent ainsi de contenir de nombreuses épizooties. »