GASTRO-ENTÉROLOGIE CANINE
PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC
Auteur(s) : TANIT HALFON
Si les études cliniques manquent encore pour valider cette pratique, des premiers résultats montrent déjà son intérêt pour la parvovirose canine. Sa mise en œuvre repose avant tout sur des critères précis de sélection du donneur.
En médecine humaine, la transplantation du microbiote fécale fait partie des soins courants. Cette pratique est ainsi devenue depuis les années 2010 le traitement de référence de la colite pseudomembraneuse due à Clostridium difficile, avec des publications montrant une efficacité de plus 80 %, en comparaison avec des patients traités aux antibiotiques. En pratique, on l’envisage au-delà d’un deuxième échec d’une antibiothérapie ciblée. En médecine vétérinaire, les connaissances sur cette pratique découlent principalement d’expériences individuelles de spécialistes en gastro-entérologie, et il existe encore peu d’études cliniques, de bonne qualité méthodologique de surcroît, a expliqué Juan Hernandez, enseignant-chercheur en médecine interne à Oniris, lors du dernier congrès Afvac. Parmi les publications existantes, une étude1 de 2018 de qualité s’est penchée sur l’effet de la transplantation de microbiote fécale chez 60 chiens atteints de parvovirose. Les résultats sont prometteurs. Un premier groupe a suivi un traitement standard (S), quand le deuxième a suivi un traitement standard associé à une transplantation (ST), tous les animaux ayant reçu une antibiothérapie systémique. Il en est ressorti une mortalité de 36 % dans le groupe S et 21 % dans l’autre, sans que cette différence ne soit statiquement significative. En revanche, ont été observés de manière significative une résolution plus rapide de la diarrhée et un temps d’hospitalisation plus court pour les chiens du groupe ST.
Au vu de ces bons résultats, cette indication peut être admise en soin courant et pratiquée par les vétérinaires généralistes ou spécialistes, estime Juan Hernandez. « Pour les autres situations cliniques – entéropathie répondant au métronidazole mais rechutant, entéropathie répondant aux immunosuppresseurs, etc. –, elles ne font pas l’objet de validation et ne peuvent donc pas être recommandées en soins courants, mais doivent être considérées comme expérimentales, et donc être pratiquées dans le cadre d’essais cliniques encadrés et validés ». En pratique, comment procéder ? Juan Hernandez détaille le protocole appliqué à Oniris, qui mène deux essais cliniques à ce sujet (voir encadré). Il faut d’abord sélectionner le donneur. En médecine humaine, cette sélection repose sur un contrôle de l’absence de plusieurs agents pathogènes2. La liste est longue, et donc le coût important. En médecine vétérinaire, il y a d’une part des critères cliniques : animal entre 1 et 10 ans ; vaccination à jour ; alimentation équilibrée et cuite ; animal non obèse et non maigre ; absence de maladies dans les 6 derniers mois ; absence de maladies digestives, d’atopie, de maladies immunitaires ; absence d’antibiothérapie dans les 12 derniers mois. Et d’autre part des critères biologiques : sérologie leishmaniose en zone d’endémie ; analyse coprologique par flottation ; test Giardia ; recherche de bactéries entéropathogènes par PCR (salmonelles, campylobacter) +/- index de dysbiose3 inférieur à zéro lorsqu’il sera disponible.
Tous les critères cliniques sont essentiels puisqu’ils visent à obtenir un microbiote de qualité, sans perte de diversité microbienne. « Les tests de dépistages des donneurs potentiels doivent être réalisés au plus proche du jour de la transplantation en tenant compte du délai d’obtention des résultats mais aussi du risque de positivité, précise Juan Hernandez. À titre d’exemple, sur une trentaine de chiens d’étudiants vétérinaires dépistés à Oniris, seul un quart était négatif à la totalité des agents dépistés. En pratique, je recommande de dépister 15 jours avant le jour de la transplantation pour se laisser le temps de chercher un nouveau donneur si le premier s’avérait positif. » Par ailleurs, difficile en pratique courante d’envisager la création d’une banque de microbiome fécale. Les selles doivent, en effet, être congelés à - 80 °C. De fait, la transplantation se fera forcément avec des selles fraîches. Dans ce cadre, quelques précautions sont à connaître : prélever les selles dans les 6 heures avant la transplantation, sur défécation spontanée ; préserver l’intégrité de la selle pour préserver l’anaérobie à l’intérieur de la selle au risque de détruire les bactéries sensibles à l’oxygène et donc d’appauvrir le microbiote ; mixer les selles, avec un ratio de 25 grammes de selles pour 100 ml de solution isotonique de Ringer Lactate ; filtrer avec une compresse tissée pour enlever les grosses particules. Par la suite, il est conseillé de réaliser un lavement avant transplantation, puis d’administrer 10 ml de suspension fécale par kilo, soit par voie endoscopique à la jonction iléo-colique, soit à l’aveugle le plus loin possible. Il faudra aussi garder l’animal 2 à 3 heures sous sédation pour qu’il conserve le transplant.
Cela dit, il faut bien garder en tête que la transplantation de microbiote fécale est une option parmi d’autres, pour agir sur le microbiome. En tête de liste, c’est l’alimentation qui apparaît comme l’outil probablement le plus performant. Il y a également les antibiotiques, mais les études commencent à mettre en avant leurs limites. Une étude récente a par exemple évalué l’effet du métronidazole chez le chien sain. Pendant toute la durée du traitement, a été constatée une perturbation du microbiote, avec un appauvrissement de certaines bactéries, puis un retour progressif et partiel à la normale. Enfin, il y a les pré et probiotiques, qui constituent une option intéressante puisqu’ils permettent de préserver le microbiote. Un bémol : il manque à ce jour des preuves d’efficacité des probiotiques, avec la plupart des études qui sont des séries de cas.
1. Pereira G.Q., Gomes L.A., Santos I.S. et coll., Fecal microbiota transplantation in puppies with canine parvovirus infection, J Vet Intern Med, 2018 Mar ; 32 (2) : 707-711. www.bit.ly/3rI6tR8
2. En médecine humaine, il est à noter que le transplant est considéré comme un médicament et donc soumis à une réglementation spécifique qui permet de sécuriser son usage.
3. Il existe un index de dysbiose, basé sur une analyse fécale, et qui est pour l’instant utilisé dans les expérimentations. Cet outil pourrait être disponible prochainement pour la pratique courante
À Oniris, deux essais cliniques sont en cours, menés par Juan Hernandez et Amandine Drut, spécialistes en médecine interne et enseignants-chercheurs. L’objectif est de comparer l’efficacité de la transplantation fécale à un placebo, dans le cas de maladies inflammatoires du chien (essai MICI), mais aussi d’entéropathies répondant au métronidazole (essai ARE). Il est toujours possible de participer à ces essais, et les conditions d’inclusion des chiens sont les suivantes : Votre patient sou re de diarrhée chronique, vomissements, borborygme, douleurs abdominales et/ou de perte de poids.
1. Vous avez constaté une régression des signes avec l’administration de métronidazole mais n’arrivez pas à interrompre. L’essai clinique ARE vise à déterminer l’intérêt de la TMF dans ce contexte.
2. Vous suspectez une MICI car les changements alimentaires et le traitement métronidazole ne résolvent pas les signes. L’essai clinique MICI vise à clarifier l’intérêt de la TMF dans cette indication.
Pour connaître les détails des protocoles en cours et vérifier que l’animal est un bon candidat, envoyer un mail à : medecine-ac@oniris-nantes.fr