La bientraitance animale - La Semaine Vétérinaire n° 19 du 15/12/2016
La Semaine Vétérinaire n° 19 du 15/12/2016

DÉONTOLOGIE

ÉCO GESTION

Auteur(s) : MARINE NEVEUX 

Les vétérinaires ont déjà poussé loin la réflexion sur le bien-être animal et différentes dispositions récentes sont venues renforcer leur rôle dans ce domaine. Quelles sont les obligations du vétérinaire en la matière ? Comment opère-t-il ?

Le bien-être animal est une préoccupation dans l’exercice quotidien du vétérinaire », explique Ghislaine Jançon, membre du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, en préambule de la journée d’enseignement postuniversitaire (EPU) de l’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise (AFVE) qui s’est tenue à Lyon (Rhône), le 14 octobre 2016. Le vétérinaire traitant est tenu par ses obligations déontologiques, il a un rôle de conseil, de sentinelle et éventuellement de lanceur d’alerte.

Le Code de déontologie vétérinaire du 15 mars 2015 a intégré les préoccupations sociétales en matière de sensibilité animale. L’article R.242-33-VIII rappelle que « le vétérinaire respecte les animaux ». Auparavant, cet alinéa était noyé dans un ensemble d’obligations. Là, il a été isolé pour lui donner une forme particulière. L’article R.242-48 mentionne aussi l’atténuation de la souffrance, et l’article R.242-44 explique que la prescription doit être guidée par ce respect de l’animal.

Les dispositifs d’habilitation et de mandatement sanitaires ont aussi renforcé la place du vétérinaire dans la surveillance de la bientraitance animale. Ce sont deux processus qui ont fait entrer en force le bien-être animal dans la surveillance organisée par l’État : aujourd’hui, la santé publique englobe la protection animale. Par ailleurs, une modernisation récente du dispositif du vétérinaire sanitaire prend en compte cette nouvelle définition de la santé publique. Ainsi, chaque vétérinaire sanitaire est en charge de la surveillance du bien-être animal.

« L’ordonnance du 31 juillet 2015 a élargi les missions de l’Ordre vétérinaire de façon notable. Celui-ci peut notamment participer à toute action dont l’objet est d’améliorer la santé publique vétérinaire, y compris le bien-être animal », précise Ghislaine Jançon.

L’article L.203-6 du Code rural et de la pêche maritime comporte un article fondamental : les vétérinaires sanitaires informent sans délai l’autorité administrative des manquements à la réglementation relative à la santé publique vétérinaire. « C’est une disposition fondamentale, car elle est législative et permet de lever le secret professionnel », poursuit Ghislaine Jançon.

Les maltraitances animales

Les maltraitances animales ont fait l’objet d’une première classification par Munro. Elles sont de divers ordres : « les négligences (qui peuvent être passives ou actives), les abus physiques (le fait d’infliger activement aux animaux des actes tels que coups, blessures, brûlures, noyade, asphyxie, etc.), les abus psychologiques (actions ou omissions de la part du détenteur de l’animal qui, de façon délibérée ou non intentionnelle, va perpétrer un état émotionnel de stress), les abus sexuels (toute pratique sexuelle avec un animal, qu’elle soit ou non associée à une violence physique) », développe notre consœur Dominique Autier-Dérian, vétérinaire conseil en comportement et bien-être animal. Il existe aussi le cas particulier de Münchhausen par procuration, c’est-à-dire l’invention ou la falsification d’une pathologie.

La réflexion portée par les vétérinaires

Dominique Autier-Dérian développe trois exemples qui illustrent le fait que les vétérinaires ont déjà poussé loin la réflexion. Le premier est la recherche. « Les directeurs d’études, de projets doivent choisir parmi les méthodes qui infligent le moins de douleur à l’animal. Des guides de recommandations existent, qui permettent d’évaluer le degré de gravité d’une procédure ». Les notions de douleur, de stress, de souffrance, d’angoisse, de dommages durables infligés à l’animal ont un seuil qu’il importe de ne pas dépasser. Et s’ajoute celle de “cumulé”.

Le programme Welfare Quality®, initié par la France, est financé par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et la Communauté européenne. Il est mis en place depuis 2004 sur les vaches laitières.

Le Shelter Quality®, quant à lui, s’applique aux carnivores domestiques.

Détecter la maltraitance

En ce qui concerne l’identification de la maltraitance, Dominique Autier-Dérian observe que « certaines situations sont sans ambiguïté, tandis que d’autres sont sujettes à réflexion ».

Dans les négligences, il importe de tenir compte des dommages durables, qu’il va falloir apprécier en tenant compte de l’état de santé physique de l’animal (score de douleur, de souffrance, notes d’état corporel, etc.). « J’encourage toujours à avoir les grilles les plus simples possible (l’outil doit être fonctionnel et permettre à son utilisateur d’être efficace). » Il convient par ailleurs de considérer l’état de santé à la fois physique et mentale de l’animal. Chez le chien, l’appréciation des mimiques faciales – signes de son état de santé mentale – est compliquée, car les variations physiques sont multiples dans cette espèce. « L’appréciation d’une douleur aiguë est plus aisée que celle d’une douleur chronique. » Enfin, il ne suffit pas d’évaluer l’état de santé physique et mentale de l’animal, le facteur environnement doit aussi être considéré.

La question des abus physiques involontaires a également été soulevée et illustrée d’exemples concrets. Lorsqu’un chien de travail devient sourd pour avoir exercé à balles réelles, y a-t-il maltraitance ? Lorsqu’un chien dysplasique continue à pratiquer le ring, sommes-nous dans une situation de maltraitance ?

Concernant les abus psychologiques, il convient de s’intéresser à la fois à l’état mental de l’animal et à l’attitude du détenteur, en gardant à l’esprit que l’animal s’adapte.

« Cette expertise ne peut s’inscrire que dans une conduite bien définie. » La détection tient compte de l’appréciation de la lésion ou de la maltraitance, mais aussi, avec elle, d’autres indicateurs du propriétaire, de l’histoire, de l’environnement, etc.

La question de l’autopsie a également été abordée. Cette médecine s’est déjà développée dans d’autres pays, où des experts savent dater la mort de l’animal, l’âge de la lésion, monter le dossier de preuve, etc.

L’animal est une sentinelle des maltraitances humaines. « Il faut se mettre au travail, en tenant compte de tout ce qui existe dans d’autres secteurs », a conclu notre consœur.

Le vétérinaire face à la maltraitance : quid du secret professionnel ?

« Le secret professionnel est mentionné dans le Code de déontologie », détaille Denise Remy, professeur de chirurgie et enseignante d’éthique à VetAgro Sup. L’article 226-13 du Code pénal détaille aussi que la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui est dépositaire soit par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Toute violation du secret professionnel peut amener à des sanctions pénales, déontologiques et civiles.

Les professionnels disposent cependant de dérogations légales.

Des déclarations obligatoires pour les vétérinaires figurent dans le Code rural et de la pêche maritime : les dangers sanitaires de 1re et 2e catégories (liste fixée par arrêté du 29 juillet 2013), qui doivent être signalés au maire et au préfet, et le cas des chiens dangereux (loi du 20 juin 2008 ; attention, la question des chiens dangereux n’a rien à voir avec le mandat sanitaire), avec déclaration des morsures et transmission du compte rendu d’évaluation comportementale au maire.

L’article L.203-6 impose au vétérinaire d’informer sans délai l’autorité administrative.

« Je constate un assouplissement du secret professionnel. Dans une société qui fait état de la transparence, je pense que le secret professionnel va avoir tendance à se diluer », estime Denise Remy.

Lors de révélation de maltraitance animale, le vétérinaire s’expose à une violation du secret professionnel. C’est alors à la direction départementale de la protection des populations (DDPP) que ce cas de maltraitance doit être confirmé. Si c’est un simple signalement, l’anonymat est respecté. Cependant, aucun inspecteur de santé publique vétérinaire (ISPV) ne dressera de procès-verbal (PV) sans avoir constaté les faits. Si l’ISPV dresse un PV, inéluctablement, il demande au vétérinaire d’établir un certificat détaillé en complément. « L’anonymat n’est plus possible, mais c’est normal. » La DDPP peut aussi mandater le vétérinaire qui va effectuer les constatations.

Réflexion sur le secret professionnel

« Le secret professionnel est indispensable, c’est la condition sine qua non du respect de nos clients. Par ailleurs, il est la source de la relation de confiance avec nos clients. Il crédibilise notre fonction. Ce secret professionnel a aussi une mission d’intérêt publique. Il est donc essentiel d’un point de vue éthique. » Il ne s’agit pas de “couvrir” en respectant le secret professionnel, mais de permettre au professionnel de s’exprimer. Garder le secret est difficile d’un point de vue moral.

Est-ce qu’une plainte, une procédure judiciaire, même menée à son terme, est toujours la bonne réponse ? « Personnellement, je n’en suis pas toujours sûre. Il importe d’agir, mais pas toujours en signalant. Il faut informer l’éducation est essentielle et annoncer que s’il n’y a pas d’amélioration, la maltraitance pourra être signalée. Bien entendu, dans les cas graves, le signalement doit être immédiat, il ne faut pas attendre » , poursuit Denise Remy.

Dans presque tous les cas de maltraitance animale, il y a une misère humaine, bien plus qu’une procédure judiciaire. Une prise en charge globale est nécessaire.

« Dans une future version du Code de déontologie, est-ce que notre immunité sera garantie si l’on s’est trompé et qu’il s’agit de simples suspicions ? Organiser une prise en charge pluridisciplinaire des maltraitances… Le Code envisagera-t-il d’y inclure la levée lors de cruauté ? », interroge Denise Remy.

Notre confrère Éric Da Silva, de la direction départementale de la protection des populations de Haute-Savoie, témoigne de ses expériences. « Il convient d’accompagner les éleveurs en grande difficulté et pallier le défaut de soins. » La prévention et la détection précoce des difficultés sont essentielles, via des cellules opérationnelles départementales, par exemple. « On essaie autant que possible de trouver des solutions. » Il convient d’améliorer le délai de prise en charge des animaux. Une synergie intra et interprofessionnelle est indispensable.

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