LA QUESTION EN DÉBAT
EXPRESSION
Auteur(s) : Propos recueillis par Chantal Béraud
Pourquoi les vétérinaires semblent-ils relativement peu audibles dans les débats publics, même sur des thématiques dont ils sont a priori des experts, voire pour des sujets sur lesquels ils œuvrent au quotidien ? Début de réponse.
JACQUES GUÉRIN (N 88)
Président du Conseil national de l’Ordre vétérinaire
À chacun d’être acteur de notre profession !
Quand on me demande si notre corps de métier devrait ou non s’exprimer davantage dans la vie de la cité, je rappelle d’abord que l’histoire d’une profession ne peut s’infléchir pas un simple claquement de doigts ! Les mutations demandées à la profession vétérinaire étant importantes, elles demandent naturellement du temps pour se traduire dans les faits. Par ailleurs, nous appartenons numériquement à une petite profession qui ne dispose pas de moyens illimités pour s’exprimer et se positionner dans la vie de la cité. Notre important capital sympathie et notre excellente image auprès des Français sont certes des atouts importants, mais qui restent insuffisants sans engagement des vétérinaires dans les mandats politiques ou professionnels. En conséquence, soyons chacun acteur de notre profession, et non simple consommateur d’un droit à exercer. Il convient aussi sans doute d’envisager nos interactions avec une plus grande diversité de ministères que le seul ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.
LOÏC DOMBREVAL (A 91)
Député des Alpes-Maritimes
La profession œuvre au quotidien mais s’exprime peu
Pourquoi ne serait-ce pas le rôle des vétérinaires de participer à la vie de la cité ? Il est vrai que même sur des thématiques qui les concernent directement et sur lesquelles leur parole est attendue, ils participent peu. Cette absence de prise en main des débats publics peut s’expliquer par des raisons historiques : il y a encore quelques années, l’Ordre réglementait de façon très rigide la communication des vétérinaires, ce qui ne les incitait pas à prendre la parole. D’autres facteurs entrent en ligne de compte : le faible nombre des vétérinaires, si on le compare aux autres professions médicales, leur grande variété d’exercice professionnel et, peut-être – mais c’est une opinion très personnelle –, un manque de confiance en soi, une forme de complexe de celui et celle qui ne soignent « que » des animaux. Si cette opinion est avérée, elle me désole. Les études vétérinaires devraient aussi être là pour donner cette fameuse confiance en soi, en l’avenir, et offrir de façon obligatoire un élargissement du champ de vision aux sciences humaines, sociales et politiques.
ÉLISA BOHIN (L 20)
Auteure de La place du vétérinaire dans le débat public sur le BEA
Développons une culture du débat public !
Pour ma thèse, j’ai travaillé sur la manière dont les vétérinaires engagés dans des mandats politiques et des organisations professionnelles appréhendaient et investissaient le débat public sur le bien-être animal (BEA). Il m’a semblé qu’ils le considéraient parfois comme un phénomène nouveau, les mettant en confrontation avec des acteurs qu’ils avaient souvent du mal à comprendre, en particulier ceux issus du monde associatif. L’investissement des vétérinaires dans le débat public doit passer par la formation : l’acquisition de notions en sciences sociales et communication leur permettrait de dépasser certains discours normatifs et paternalistes. Cela n’est pas inné, une connaissance du BEA et des acteurs politiques du débat est la clé pour mieux se saisir de ces questions. La profession a cependant déjà fait beaucoup de progrès, avec notamment un rôle moteur de la chaire de BEA. À l’avenir, il faudrait que la profession prenne l’habitude de communiquer sur des sujets moins politiques et qu’elle dispose de plans de communication de crise préétablis.