Conférence
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Clothilde Barde CONFÉRENCIER VINCENT BOUIN, vétérinaire dans les Vosges, membre de la commission qualité du lait de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) Article rédigé d’après la conférence présentée lors du congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) du 28 au 30 octobre 2020 à Poitiers.
Dans la majorité des cas en élevage bovin laitier, les mammites sont prises en charge par les éleveurs qui suivent les recommandations ainsi que les conseils (téléphonique ou au comptoir) des vétérinaires responsables de leur protocole de soins. Cependant, les mammites de grade 3, qui représentent 5 à 10 % des mammites cliniques, requièrent la visite du praticien dans l’élevage. Il est important que l’éleveur les identifie rapidement car elles ont des conséquences économiques importantes (taux de mortalité et de réforme élevés). Ainsi, la modification de l’aspect du lait (grumeaux, cidre, bière), le gonflement de la mamelle, associés des symptômes généraux comme une forte hyperthermie (> 39,8 °C), la perte d’appétit, l’absence de rumination, la diarrhée, la difficulté voire l’impossibilité de se relever sont des éléments caractéristiques d’une mammite de grade 3. Pour évaluer le pronostic vital et établir un protocole de traitement, un examen clinique approfondi (évaluation du degré de déshydratation) doit être réalisé. Selon la gravité de la mammite de grade 3 (état de déshydratation, état de choc), le traitement le plus adapté pourra être mis en place (antibiothérapie, anti-inflammatoire, fluidothérapie, traitements complémentaires et nursing).
Une antibiothérapie adaptée
Selon les études, Escherichia coli et autres Gram négatifs représentent 50 à 80 % des germes identifiés lors de mammites de grade 3 et les autres germes rencontrés sont le plus souvent des bactéries Gram positif, en particulier Streptococcus uberis et beaucoup plus rarement des Staphylococcus aureus ou coagulase négatif1,2. Toutefois, connaissant les risques de complications des infections aiguës à coliformes 3, l’identification du germe responsable étant difficile, une antibiothérapie à large spectre (Gram + et Gram -) devra être mise en place par voie générale et intra mammaire. Sur le terrain, il est essentiel de distinguer les mammites de grade 3, qui ont des répercussions sur l’état général de l’animal, des « mammites colibacillaires », infection mammaire subclinique, bénigne, modérée ou sévère. Selon les données de la bibliographie, il semblerait que lors d’une mammite sévère à entérobactéries, l’usage d’un antibiotique par voie générale à visée Gram négatif et uniquement actif dans le sang permet de lutter contre la bactériémie4. L’antibiothérapie peut alors se faire avec des « triméthoprime-sulfamides » (TMPS) ou avec l’association « ampicilline-colistine ». Le praticien prescrit ces associations dans des conditions hors AMM, et donc avec des délais d’attente minimum forfaitaires de 7 jours pour le lait et de 28 jours pour la viande. Il est à noter que si le praticien utilise en première intention des fluoroquinolones (enrofloxacine, marbofloxacine ou danofloxacine), antibiotiques d’importance critique avec AMM pour les mammites aiguës, il doit réaliser une analyse bactériologique associée à un antibiogramme. Par voie intra mammaire, le praticien choisira une spécialité à large spectre Gram + et Gram -, destinée à combattre l’infection du quartier en tenant compte du risque d’infection par un Gram + et/ ou à prévenir un éventuel choc endotoxinique lié à la prolifération d’entérobactéries dans le lait. En pratique, le choix des antibiotiques se portera alors sur des associations β-lactamine-aminoside, colistine-cloxacilline, amoxicilline-acide clavulanique, bacitracine-néomycine-tétracycline3.
Surveiller l’inflammation et l’état d’hydratation
En ce qui concerne le traitement anti-inflammatoire, il existe un consensus pour considérer que, outre l’inflammation de la mamelle, les mammites aiguës et suraiguës sont des phénomènes très douloureux5. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (carprofène, kétoprofène et méloxicam) sont donc indiqués, par voie générale en début d’infection3, pour le traitement symptomatique des mammites cliniques avec des symptômes généraux. Ils présentent moins d’effets négatifs sur l’immunité que les anti-inflammatoires stéroïdiens (AIS), administrés par voie générale. Ces derniers sont indiqués en cas de persistance de l’œdème local sans atteinte de l’état général. Par ailleurs, l’infection par les bactéries Gram - et Gram + étant souvent responsable d’un choc endotoxémique et/ou d’infection, il est indispensable de veiller à l’état d’hydratation de l’animal. Pour éviter tout risque de déshydratation rapide, le vétérinaire devra mettre en place une fluidothérapie systématiquement. Diverses études montrent qu’en général le praticien considére que la vache est plutôt en alcalose métabolique et qu’une grande majorité des bovins déshydratés sont hyponatrémiques, hypochlorémiques et/ou hypokaliémiques. En pratique, une perfusion IV réchauffée de chlorure de sodium 7,2 % (3 litres) peut être administrée sur 4 minutes minimum. Si dans les 5 minutes suivant la perfusion, l’animal n’a pas bu 20 litres d’eau, un drenchage doit alors être effectué avec 20 à 40 litres d’eau.
Traitements complémentaires
En cas de choc endotoxinique, un apport en potassium et en calcium est nécessaire. Le potassium peut être apporté par voie orale (60 g) et le calcium par voie orale ou sous-cutanée en plusieurs points. De plus, pour compenser les pertes énergétiques importantes et limiter l’hypothermie, un apport de glucose direct ou indirect doit être envisagé1. En pratique, la perfusion au chevet du malade de glucose et l’administration de propylène glycol, dans les jours qui suivent, sont conseillées. En outre, il faut agir avec prudence, car la traite fréquente du quartier ou l’utilisation de l’ocytocine, pour favoriser la vidange du quartier, peut limiter fortement l’efficacité du traitement intramammaire mis en place. C’est pourquoi, en pratique, une traite du quartier malade toutes les 6 à 8 heures le premier jour avec renouvellement du traitement intramammaire semble être un bon compromis. Enfin, un isolement de l’animal du reste du troupeau, sur un sol souple et non glissant (aire paillée par exemple), un accès à l’eau de boisson tempérée et à une nourriture appétente ainsi qu’un changement fréquent et régulier du côté de décubitus de l’animal sont importants pour le rétablissement.