Appareil digestif
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Tarek Bouzouraa
Les cas de pancréatite chez le chat ne sont pas aussi rares qu’il y paraît en pratique courante et le diagnostic de pancréatite est de plus en plus fréquent. Une équipe d’experts vétérinaires de l’American College of Veterinary Internal Medicine (ACVIM) a souhaité rappeler le cadre pour diagnostiquer et prendre en charge une pancréatite chez le chat. Leur consensus a été publié dans le Journal of Veterinary Internal Medicine1 en février dernier.
Lien entre histologie et clinique
Une étude histologique en nécropsie menée à l’université de Californie à Davis sur 115 chats décédés de causes variables révèle l’existence d’une pancréatite dans 66,1 % des cas, dont 50,4 % atteints d’une forme chronique, 9,6 % d’une atteinte mixte (chronique et aiguë) et 6,1 % d’une forme aiguë. Les auteurs remarquent que 45 % des chats sains ont des témoins histologiques de pancréatite. Cependant, ils se demandent si beaucoup de chats souffrent de formes subcliniques méconnues des cliniciens ou s’ils ne surdiagnostiquent pas une pancréatite sur des critères purement histologiques. Ces observations les ont conduits à revoir la définition et les types de pancréatite chez le chat.
Classification et étiologie
Une pancréatite aiguë se distingue d’une forme chronique sur le plan cytologique ou histologique, plutôt que sur le plan clinique. En effet, une pancréatite chronique peut se réactiver en une forme aiguë, similaire à un premier épisode de pancréatite aiguë. Le plus souvent sur le plan clinique, une pancréatite aiguë est grave, tandis qu’une pancréatite chronique se réactivant est associée à des signes cliniques plus modestes. L’information la plus importante est que la pancréatite chez le chat est idiopathique dans 95 % des cas. Chacune de ces formes s’associe à des lésions (inflammation, ischémie, nécrose), des complications (pseudo-kystes, abcès, phlegmon) et un pronostic spécifiques.
Contrairement au chien, le surpoids n’est pas un facteur prédisposant aux pancréatites chez le chat. Il était envisagé auparavant que les manipulations ou des prélèvements opératoires de tissus pancréatiques (cytoponction ou biopsie) pouvaient augmenter le risque de pancréatite et de décès, mais c’est plutôt l’hypotension et l’hypoperfusion tissulaire engendrée lors de l’anesthésie générale qui en serait la cause. Il n’existe pas de lien évident entre les maladies infectieuses générales (rétrovirales, parasitaires, hémopathogènes) et tumorales (pancréatiques, hépatiques ou autres) et le déclenchement d’une pancréatite chez le chat. Cependant, les accidents de la voie publique et les chutes peuvent entraîner une ischémie et des conséquences sur l’intégrité du pancréas. L’emploi de certains médicaments augmenterait le risque de pancréatite sans que cela n’ait fait l’objet de recherches particulières. Les pancréatites peuvent également s’associer à des maladies intercurrentes, comme le diabète sucré, les maladies inflammatoires chroniques intestinales, les affections hépatiques (lipidose, cholangite), rénales, voire l’anémie hémolytique à médiation immune (AHMI).
Expression clinique
Le tableau résume les signes cliniques, quand ils sont présents, et les anomalies à l’évaluation lors de pancréatite chez le chat.
Anomalies à l’imagerie et à la biologie
La sensibilité de l’échographie abdominale pour la détection d’images de pancréatite aiguë chez le chat varie grandement en fonction de sa gravité, de l’expertise de l’imageur et de l’appareil employé (11-67 %). Les anomalies échographiques les plus fréquentes lors de pancréatite aiguë sont une augmentation de taille du pancréas, une hypoéchogénicité du parenchyme et un épanchement focal péripancréatique essentiellement. Le duodénum peut présenter un iléus, une dilatation, voire un aspect crénelé. Lors de pancréatite chronique, l’échographie est moins performante avec des anomalies peu documentées, telles qu’un parenchyme hyperéchogène ou hétérogène, un conduit biliaire dilaté, une irrégularité des bordures pancréatiques, bien que certaines de ces anomalies soient partagées avec celles d’une pancréatite aiguë.
Le bilan biologique de base indique variablement une majoration de l’activité des Alat2, des Pal2, voire des Asat2, tandis qu’une hypocalcémie, une hypokaliémie et des variations de la glycémie peuvent être rencontrées lors de complications. Lors d’état de choc, une azotémie est possible.
La lipase pancréatique spécifique est l’enzyme à évaluer lors de suspicion de pancréatite. Plusieurs méthodes d’évaluation existent, parmi lesquelles la Spec fPL (Idexx) et la méthode au 1,2-o-dilauryl-rac-glycero glutaric acid- (6’-methylresorufin) ester (ou DGGR) récemment documentées, étudiées et comparées.
Lors de pancréatite aiguë, une étude auprès de 275 chats avec atteintes viscérales (dont des cas de pancréatite) révèle que la Spec fPL a une valeur prédictive positive de 90 % et une valeur prédictive négative de 76 % lors de pancréatite aiguë. Une étude a révélé une correspondance entre les données cliniques et morphologiques et les résultats de la Spec fPL (seuil de 5,3 μg/l) et de lipase par méthode DGGR (seuil de 26 U/l) correcte avec un coefficient κ, respectivement de 0,681 et 0,70. Cependant, la corrélation entre les valeurs biologiques et l’échographie abdominale est faible, avec respectivement un coefficient κ de 0,22 et 0,26.
Ces informations révèlent surtout le défi diagnostic d’une pancréatite chez le chat, qui nécessite le cumul des indicateurs cliniques, biologiques généraux, biologiques plus spécifiques et échographiques pour une conclusion globale.
Aspects morphologiques
L’analyse cytologique n’est pas représentative de l’ensemble des lésions pancréatiques, mais apporte des indications sur le processus inflammatoire aigu en cours (polynucléaires neutrophiles, macrophages et débris cellulaires majoritairement) et les anomalies cytomorphologiques des cellules épithéliales pancréatiques. Les cellules acineuses peuvent présenter des critères de dysplasie variables, parfois difficiles à distinguer d’une tumeur pancréatique. Lors de pancréatite chronique, le prélèvement est souvent peu cellulaire et enrichi en lymphocytes ou plasmocytes.
Prise en charge thérapeutique
En hospitalisation, le traitement fait appel à une fluidothérapie avec rééquilibrage des désordres acido-basiques et électrolytiques, des antiémétiques, une analgésie opioïde, des stimulants de l’appétit et un soutien diététique. Ce dernier consiste en une réalimentation précoce avec une formulation énergétique et hyperprotéique permettant une régénération des microvillosités intestinales via la synthèse de facteurs trophiques, assurant le maintien d’un équilibre du microbiome intestinal. Contrairement au chien, le chat atteint de pancréatite ne nécessite pas de réduction de l’apport de lipides.
Les antibiotiques et les corticoïdes ne sont pas recommandés. La plupart du temps, une intervention chirurgicale n’est pas indiquée lors de pancréatite, même si une nécrose mésentérique ou une obstruction biliaire peuvent motiver ce type de prise en charge, à réserver aux cas graves, et surtout après stabilisation préopératoire.