Éloge de l’imaginaire - La Semaine Vétérinaire n° 1911 du 10/09/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1911 du 10/09/2021

LIVRE

COMMUNAUTE VETO

Auteur(s) : MICHEL BERTROU

Le monde bruissant d’aujourd’hui est hanté par la vision. Voir, être vu est devenu « la nouvelle démarcation entre ce qui existe et ce qui n’existe pas », écrit Gabi Martínez. Montrer est-il la seule manière de raconter le monde ? Le Catalan relève ici le défi opposé. Par le biais des animaux, il voyage pour ne pas voir et, subtilement, démontre que l’invisible est non seulement présent mais qu’il nous détermine. On découvre avec lui que ce qu’on ne voit pas foisonne de vie – même si ce n’est parfois que sous forme de récits – et marque notre identité. Dédié à la quête d’animaux disparus ou sur le point de disparaître, de bêtes cachées que l’on n’entrevoit qu’exceptionnellement ou bien d’animaux de légendes, l’ouvrage relate six voyages, très différents. Sur les traces du bec-en-sabot en Ouganda, d’un aventurier français disparu en recherchant le yéti, du moa de Nouvelle-Zélande, du tigre blanc de Corée, du discret tapir des montagnes vénézuéliennes ou, de manière plus insolite, de la Grande Barrière de corail, « seul organisme vivant visible depuis l’espace », ces récits nous transportent, entre imagination et réel, dans des paysages mentaux qui n’en sont pas moins vrais. Textes fins, sobres et merveilleux, adossés à des animaux rêvés afin d’approfondir la rencontre avec des lieux, des communautés, des individus. Véritables enquêtes de terrain où des espèces « invisibles » et plutôt inattendues dévoilent, au fond, « le mystère fondamental que toute forme de vie oppose à la pensée analytique ».

  • Animaux invisibles de Gabi Martínez, traduit par Éric Reyes Roher, éditions Le Pommier, 14 x 21 cm, 308 pages, 21 €.