Orthopédie canine
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Maxime Jacqmin, assistant de chirurgie *, Véronique Livet, Dipl. ECVS, Juliette Sonet, Mathieu Harel, dipl. ECVI, Claude Carozzo, Dipl. ECVS*, Eric Viguier, Dipl. ECVS*, Pierre Moissonnier, Dipl. ECVS*, Thibaut Cachon, Dipl. ECVS** VetAgro Sup Lyon
L’échographie est une technique d’imagerie non invasive peu utilisée chez le chien pour l’investigation des affections ostéo-articulaires, contrairement à ce qui se pratique chez le cheval ou l’humain. Chez le chien, bien qu’elle présente des indications dans l’articulation du grasset et de l’épaule, peu d’études sont rapportées pour le coude.
La maladie du processus coronoïde médial (PCM) ou plus largement maladie du compartiment médial (MCM) du coude est fréquente chez les chiens de grande taille et de race géante et est représentée par différents types de lésions, notamment au niveau du PCM (chondromalacie, fissure, fragmentation et érosion du cartilage articulaire). Le diagnostic radiographique et tomodensitométrique peut s’avérer difficile lorsque le PCM n’est pas déplacé ou seulement fissuré, et lorsque peu de lésions arthrosiques sont présentes. La radiographie et le scanner ont respectivement une sensibilité rapportée de 56,7 % et 86,7 % pour détecter une maladie du PCM. L’évaluation arthroscopique de l’articulation est considérée comme le gold standard pour le diagnostic de la maladie du PCM, qui peut être purement cartilagineuse à un stade précoce.
Une étude clinique prospective a été menée à VetAgroSup1 pour déterminer si l’échographie peut compléter les techniques d’imagerie radiographique et tomodensitométrique dans le cadre du diagnostic des MCM, notamment lorsque celui-ci reste douteux.
Matériel et méthode
Étude préliminaire. L’objectif de cette partie est de décrire un protocole d’examen échographique du coude, afin de se familiariser aux images d’un coude sain et de standardiser les différentes coupes. Dix chiens (20 coudes) adultes de grande race âgés de moins de 4 ans sont étudiés. Pour chaque coude, des examens orthopédique, radiographique et échographique sont réalisés. L’observation échographique du PCM est faite en plaçant la sonde avec une orientation longitudinale sur la face médiale du coude, avec le coude en extension à 135°-140° (figure 1). Un chien est inclus dans le groupe sain lorsqu’aucune anomalie n’est constatée aux examens orthopédique et radiographique, de manière bilatérale.
Étude expérimentale prospective. Chaque chien inclus est présenté pour une boiterie d'un membre thoracique uni- ou bilatérale. Des examens clinique et orthopédique complets sont réalisés et une MCM est suspectée sur la base de ces données. Pour chaque chien, trois vues radiographiques, un scanner (membres thoraciques complets) et un examen échographique des deux coudes sont réalisés. Une sonde linéaire à haute fréquence de 12-18 MHz (Aplio 50, Toshiba) est utilisée. Après une légère sédation, l’ensemble des structures musculo-tendineuses et articulaires est évalué. Enfin, les coudes sont explorés par arthroscopie afin de confirmer la MCM et de proposer un traitement chirurgical adapté. Lorsqu’aucune lésion ou seulement des lésions mineures ne permettant pas un diagnostic de certitude de MCM (simple sclérose ulnaire sous-chondrale ou mauvaise définition du PCM) sont détectées à la radiographie et au scanner, le coude est placé dans le groupe A. Lorsque le diagnostic est établi par examens radiographique et/ou tomodensitométrique, le coude est placé dans le groupe B.
Résultats
Ont répondu aux critères d'inclusion 14 coudes (12 chiens), pour le groupe A, et 11 (6 chiens), pour le groupe B.
Pour le groupe A (= groupe « douteux » = groupe d’intérêt principal) :
- Examen orthopédique. La positivité du test de Campbell est la constatation clinique la plus fréquente avec 93 % (13/14) des coudes en rotation externe et/ou interne du carpe.
- Radiographie. Une sclérose ulnaire sous-chondrale en vue médio-latérale en flexion est observée dans 43 % des coudes (6/14), et est la seule anomalie relevée par radiographie.
- Scanner. Les seules lésions tomodensitométriques sont une sclérose sous-chondrale, dans 43 % des coudes (6/14), et une mauvaise définition du PCM dans 50% des coudes (7/14). 36 % des coudes (5/14) ne présentent aucune anomalie.
- Échographie. D'une durée de 15 à 20 minutes, deux principales lésions sont observées : PCM anormal dans 64 % des cas (9/14, [irrégulier (7/9), mal défini (1/9), fragmenté (1/9)]), et épanchement articulaire entre le PCM et l'épicondyle huméral médial dans 64 % des cas (9/14). Dans 86 % des coudes étudiés (12/14), au moins une de ces deux lésions est présente.
Lorsque seul un épanchement articulaire mineur est présent dans le compartiment médial, celui-ci se situe généralement entre le PCM et l'épicondyle huméral médial (figure 2). Lorsque l’épanchement articulaire est plus sévère, celui-ci entoure le PCM (figure 3).
- Arthroscopie. 86 % des coudes (12/14) présentent une fissuration du PCM, et non une réelle fragmentation.
Pour le groupe B, l’échographie révèle dans 91 % des cas (10/11) une anomalie du PCM (82 %, 9/11, fragmentation, irrégularité ou PCM mal défini) et/ou de l’épanchement synovial (73 %, 8/11). Les résultats confirment que l’échographie permet de manière fiable d’établir un diagnostic dans des cas plus évidents.
Discussion
La MCM est une maladie dégénérative, et le diagnostic est généralement établi entre 6 et 18 mois chez le chien. Le défi est d'établir un diagnostic précoce pour prévenir l’apparition d'arthrose.
Chez l'humain, l'échographie permet de visualiser des lésions cartilagineuses et ostéo-articulaires superficielles avant qu'elles ne soient apparentes par examen radiographique. Elle est couramment utilisée pour détecter les premiers stades de l'inflammation et les épanchements articulaires.
Sur la base des résultats obtenus, l'échographie pourrait avoir une importance particulière dans le diagnostic précoce des coudes présentant une fissuration du PCM, pour lesquels la radiographie et le scanner sont moins sensibles, en particulier lorsque la fissuration est purement cartilagineuse. Les résultats de cette étude suggèrent que l'échographie peut apporter des informations complémentaires lorsque les examens radiographique et/ou tomodensitométrique ne révèlent pas de lésion articulaire évidente, afin de renforcer une suspicion clinique de maladie du compartiment médial avant une éventuelle exploration arthroscopique. Une anomalie du PCM et un épanchement articulaire focal sont les deux principales lésions observées à l'échographie. Un protocole échographique standardisé utilisant une sonde linéaire de 12-18 MHz fournit une méthode fiable d’évaluation des tissus mous de l’articulation du coude et du compartiment médial, mais pas du cartilage articulaire.