Médecine interne
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Tarek Bouzouraa
Parmi les thèmes du dernier congrès européen des spécialistes en médecine interne, organisé en ligne du 1er au 4 septembre, l’impact du Covid-19 sur les animaux de compagnie et les recherches sur la transplantation fécale ont occupé une place de choix.
Le dernier congrès de l’European College of Veterinary Internal Medicine (ECVIM) s’est tenu en ligne pour la seconde année consécutive, du 1er au 4 septembre. Il a permis de balayer l’ensemble des points clés des nouveautés de l’exercice des spécialistes.
Le Sars-CoV-2, transmission de l’humain à l’animal de compagnie
Le thème du Covid-19 et son impact sur l’humain, le vétérinaire et l’animal de compagnie a largement été abordé via un poster, deux sessions plénières et deux courtes communications. L’une d’elles synthétisait les travaux d’une équipe pluridisciplinaire lyonnaise, notamment composée des cliniciens du service de médecine interne. Les données présentées ont conforté l’idée d’une transmission possible mais rare de l’humain à l’animal de compagnie (généralement dans moins de 5 % des cas). Cependant, les auteurs ont insisté sur la nécessité de ne pas négliger les mesures de précaution lors de la manipulation des animaux de compagnie provenant d’un foyer où l’un des propriétaires a été testé positif. La pathogénicité du virus Sars-CoV-2 semble généralement discrète à modeste chez le chien et le chat, en l’absence de comorbidité. De rares cas de formes graves respiratoires ont été répertoriés chez des chats coinfectés par le FIV ou atteints de lymphome.
La prise en charge des atteintes digestives chroniques
La société de gastro-entérologie a proposé un retour complet sur le rôle de la prise en charge diététique des diarrhées chroniques chez le chien.
Aarti Kathrani (Royal Veterinay College de Londres) a présenté les résultats préliminaires prometteurs de deux études, qui confortent l’intérêt de l’aliment hydrolysé et de l’aliment hyperdigestible enrichi en fibres insolubles dans la maîtrise des signes cliniques lors d’entéropathie chronique. La prise en charge diététique permet le maintien de l’immunotolérance locale via l’apport de peptides moins immunogènes (aliment hydrolysé) ou la synthèse d’agents bénéfiques tels que le butyrate (aliment enrichi en fibres insolubles agissant comme des prébiotiques), qui réduit le stress oxydatif et l’inflammation locale, contribue à l’harmonisation du péristaltisme issu des contractions de la musculature lisse pariétale, et optimise l’absorption hyposodée, l’excrétion de bicarbonates et de potassium.
Une courte communication a été présentée par une équipe nord-américaine, qui a détaillé les résultats de la transplantation de microbiote fécal chez des chiens souffrant de maladie inflammatoire chronique intestinale. Compte tenu du faible nombre de cas inclus (13), il a été impossible de préciser l’apport de la technique aux soins usuels (aliment hydrolysé, corticothérapie immunosuppressive, supplémentation en cobalamine). L’apport de la transplantation de microbiote fécal lors d’entéropathie chronique a également été abordé dans deux conférences plénières, tout d’abord en pathologie comparée avec les données issues de la médecine humaine par Harry Sokol (hôpital Saint-Antoine, Paris), puis par Silke Salavati (université d’Edimbourg). La procédure de soin a déjà démontré ses bénéfices dans la prise en charge des gastroentérites aiguës parvovirales chez le chien, mais il a également été démontré qu’elle joue un rôle positif sur le microbiome et réduit les risques de dysbiose, en comparaison avec l’administration de métronidazole. Des travaux préliminaires non publiés indiqueraient que la transplantation de microbiote fécal est également bénéfique lors de diarrhée chronique, dans l’objectif de « réinitialiser » la flore fécale. Les conférenciers ont cependant souligné qu’actuellement les sélections des candidats à ces soins et de leur donneur n’étaient pas parfaitement définies. Ils ont ainsi sensibilisé l’auditoire à la nécessité de recourir à une sélection du donneur, à une méthode de transfert de matériel fécal et à une gestion du suivi idéalement harmonisée. Les futures études prospectives permettront d’accorder les spécialistes sur une procédure consensuelle à suivre. Ainsi, il sera possible d’envisager son utilisation, notamment en substitution d’une antibiothérapie. En se basant sur les données issues de la médecine humaine, il sera également pertinent d’envisager une sélection de certaines souches issues du matériel fécal, par enrichissement et culture, préalablement au transfert de selles.
Les habitudes face à un cas d’hypercorticisme
Un projet utile en pratique a été présenté par Vanessa Carvalho (praticienne à Lisbonne), dont la présentation a résumé les pratiques des vétérinaires généralistes face à une suspicion d’hypercorticisme chez le chien. Environ 2000 questionnaires ont été obtenus dans 8 pays – Italie, Portugal, France, Espagne, Belgique, Suisse, Luxembourg et Pays-Bas. Face à une suspicion d’hypercorticisme, une forte proportion de praticiens (80 %) réalise un hémogramme en amont d’une exploration fonctionnelle. Environ 60 à 65 % des vétérinaires réalisent une analyse urinaire, une échographie abdominale ou un ionogramme. Une analyse biochimique est demandée dans environ la moitié des cas, tandis qu’une mesure de pression artérielle (18 %) et une culture urinaire (8 %) sont plus rarement réalisées. Dès lors que la suspicion est renforcée par les examens de première ligne, 99 % des vétérinaires évaluent la fonction surrénalienne, tandis qu’environ 1 % tente une épreuve thérapeutique. Les vétérinaires réalisent systématiquement le même test d’évaluation fonctionnelle dans 66 % des cas, tandis que le tiers restant adapte le test en fonction de la situation épidémio-clinique. Les tests habituellement demandés incluent la stimulation à l’ACTH (33 %), la freination à la dexaméthasone à dose faible (33 %), le rapport cortisol/créatinine urinaire (5,5 %), leur combinaison (25 %) et d’autres explorations. En l’absence de restriction budgétaire pour les propriétaires, 67 % des vétérinaires avouent toujours tenter de différencier l’origine de l’hypercorticisme, tandis que 21 % ne le font jamais et 12 % le font parfois. Les tests incluent l’échographie abdominale (83 %), un second test fonctionnel (56 %), un examen d’imagerie en coupe (18 %), un dosage de l’ACTH endogène (11 %). Presque 70 % des vétérinaires proposent de référer à un spécialiste certains cas complexes, représentant environ 20 % du total des cas consultés. Ces données s’avèrent utiles pour comprendre comment optimiser les échanges entre les spécialistes et leur référent, tout comme pour mieux appréhender l’étendue et les limites des exercices de chacun.