One Health
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Propos recueillis par Marine Neveux
Jean-Luc Angot, chef du corps des inspecteurs de santé publique vétérinaire (ISPV), a été nommé par l’Élysée envoyé spécial pour le projet Prezode. Lancée lors du One Planet Summit en janvier 2021, cette initiative internationale vise à prévenir les risques de zoonoses, et à y riposter.
Les enjeux du projet Prezode, Preventing Zoonotic Diseases Emergence, sont de taille. Pouvez-vous nous les détailler ?
Cette initiative de trois instituts de recherche a été annoncée en janvier dernier par le président de la République et portée par plusieurs ministères (lire encadré). Emmanuel Macron a souhaité qu’il y ait un envoyé spécial pour sensibiliser les pays à cette initiative, lui donner plus d’ampleur et assurer la gouvernance et le suivi du programme, qu’il place dans les enjeux prioritaires des années à venir (lire verbatim). En effet, la vocation de Prezode est de cibler les maladies potentiellement zoonotiques et les pandémies afin de prévenir leur apparition. Soixante millions d’euros ont été attribués par la France. L’objectif est qu’un plus grand nombre de pays rejoignent cette initiative, car on ne pourra prévenir une pandémie que si un maximum de pays sont moteurs. Il convient ainsi de mettre en place un cadre opérationnel avec la recherche et les pouvoirs publics, et de développer une mise en commun des connaissances à travers une plateforme. Nous souhaitons axer les efforts sur la prévention, la détection des signaux faibles, l’identification des risques, dont ceux liés à la faune sauvage.
Quels sont les objectifs des semaines à venir ?
D’ici à octobre, nous voulons mettre en place une gouvernance de Prezode avec un comité institutionnel qui réunit autour de la table les différents pays signataires. Une fois la gouvernance en place, des équipes opérationnelles passeront le relais aux équipes de recherche pour mettre en commun les connaissances.
Quelles sont les premières concrétisations ?
Plusieurs ateliers régionaux ont été organisés en Afrique et en Asie. Actuellement, 1 000 chercheurs sont impliqués dans 50 pays. Beaucoup d’initiatives ont été lancées, il faut maintenant une coordination. Nous souhaitons une implication politique forte. En outre, trois pays viennent de signer la déclaration d’intention : le Mexique, la Belgique et le Vietnam.
Vous avez participé au congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui vient de se clore à Marseille. Quel bilan en dressez-vous ?
Le Congrès mondial de la Nature a été l’occasion de rencontrer les pays intéressés. L’interface santé humaine, santé animale et équilibre des écosystèmes est essentielle pour éviter la dissémination des agents pathogènes. Nous percevons aussi une évolution des mentalités, le souci de préserver les ressources. Les avancées passeront notamment par la sensibilisation et l’éducation des jeunes générations.
Comment s’articule Prezode avec les initiatives déjà engagées au niveau international ?
Prezode peut être complémentaire à d’autres initiatives comme celles autour du commerce illégal des espèces sauvages, des fraudes, etc. Il convient aussi de veiller à assurer une complémentarité avec le One Health High Level Expert Panel (OHHLEP) mis en place par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).
Percevez-vous une meilleure prise en compte des problématiques impliquant l’ensemble du vivant, dont la santé animale ?
Cela s’améliore. La récente intervention du ministre de la Santé, Olivier Véran, sur le One Health en témoigne. Il y a une prise de conscience des rôles des vétérinaires au carrefour des différentes santés. Demain, on aura de bons réflexes, une habitude à travailler ensemble, on sera plus opérationnel. Jusqu’à la pandémie du Covid-19, on constatait des approches en silo. Prévenir les prochaines crises, notamment en coordonnant les programmes de recherche, c’est le moment !
Prezode : les points clés
Le One Planet Summit est un sommet consacré à la biodiversité. Il s’est tenu à Paris le 11 janvier 2021. Emmanuel Macron y a dévoilé les quatre axes de sa politique en faveur de la protection de la biodiversité, parmi lesquels la prévention des risques d’émergences zoonotiques et de pandémies.
Prezode s’appuie et renforce les coopérations existantes avec les régions du monde qui sont le plus confrontées à des risques d’émergences zoonotiques. Son objectif : renforcer les réseaux de santé humaine, animale et environnementale, en phase avec le concept One Health (Une seule santé).
Sous l’égide de la France et initié par trois instituts de recherche français – l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et l’Institut de recherche pour le développement (IRD) – en concertation avec une dizaine d’autres organisations de recherche, en France, en Allemagne et aux Pays-Bas, Prezode regroupe déjà plus d’un millier de chercheurs.
Ce projet repose sur 5 piliers : l’analyse des risques zoonotiques ; la réduction de ces risques ; la détection précoce et l’évaluation des impacts socio-économiques ; le système de surveillance internationale des risques zoonotiques ; l’engagement des parties prenantes et le codéveloppement des réseaux régionaux de santé et de biodiversité.