Élevage avicole familial
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Marie Souvestre, DVM, PhD, et Laureen Guichard, étudiante A5 École nationale vétérinaire de Toulouse Article rédigé d’après un travail de thèse universitaire, Étude du statut sanitaire des élevages avicoles familiaux et de loisir et évaluation de leur rôle à l’interface avec les élevages avicoles commerciaux en France, Marie Souvestre, École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT), 2021.
Ce texte est le premier d’une série de deux articles.
Dans un contexte d’essor des poulaillers familiaux en France, une étude menée au sein de la chaire de biosécurité aviaire de l’École nationale vétérinaire de Toulouse s’est intéressée aux caractéristiques des poulaillers familiaux et à leur rôle éventuel dans la circulation de certains agents pathogènes. Dans ce cadre, une enquête en ligne a été diffusée par les réseaux sociaux sur le territoire national et au sein de cabinets vétérinaires et jardineries-animaleries de Toulouse et agglomération sur une période de deux ans (2018-2020), afin d’étudier les pratiques et motivations des détenteurs de poules. Le questionnaire a permis d’aborder six thématiques différentes : les caractéristiques du propriétaire, celles du poulailler, les mesures de biosécurité, les pratiques, les mouvements d’animaux et la santé du poulailler. Cela a conduit à l’analyse de 1 160 retours de propriétaires répartis de façon homogène sur le territoire national.
5 profils de détenteurs de poules
Il ressort une grande diversité de profils de basses-cours et poulaillers, avec 5 profils types qui ont pu être identifiés :
- Les poulaillers « urbains » avec un petit effectif (moins de 3 poules) et les poulaillers récents (moins de 2 ans) : leur motivation principale, en plus d’avoir des œufs, est le recyclage des déchets ;
- Les basses-cours « traditionnelles » : ces basses-cours anciennes en milieu rural présentent souvent un mélange d’espèces (poules et palmipèdes) ;
- Les poulaillers « d’étudiants » : ces poulaillers de jeunes propriétaires partagent les mêmes motivations que les propriétaires des poulaillers urbains ;
- Les poulaillers « de compagnie » : leur motivation, qui les distingue des autres, est la détention de poules comme animal de compagnie. Ce sont des poulaillers assez récents présentant un effectif de plus de 3 poules, avec des introductions d’animaux fréquentes ;
- Les élevages « de poules de race et d’ornement » : comme les basses-cours traditionnelles, ils sont majoritairement en milieu rural et présentent un mélange d’espèces. Ces élevages présentent des effectifs et flux d’animaux importants.
De manière générale, la consommation des œufs (93,3 % de réponses positives) et le recyclage des déchets (72,4 %) sont les deux principales raisons justifiant la présence de poules dans les jardins (figure 1).
Des marges de progrès pour la biosécurité
L’analyse des pratiques d’élevage (figure 2) montre une proportion importante de propriétaires qui font des dons d’œufs à la famille et/ou aux proches (86,6 % de réponses positives), ce qui peut augmenter le risque potentiel de toxi-infections alimentaires (les salmonelles par exemple) par la consommation d’œufs dont le statut sanitaire n’est pas contrôlé dans les élevages familiaux. De plus, les résultats indiquent que 13,5 % des propriétaires lavent leurs œufs avant leur consommation ce qui n’est pas une pratique recommandée pour leur qualité sanitaire. Cette pratique a surtout été observée en milieu urbain. Ces résultats indiquent l’importance que doivent jouer les vétérinaires dans la sensibilisation des propriétaires aux risques sanitaires associés à la présence de poules dans un cadre familial, ainsi qu’à la consommation des œufs. De plus, le contact avec d’autres propriétaires de poules est assez fréquent, avec 68,9 % des propriétaires concernés et 28,6 % ayant réalisé une visite dans un autre élevage familial. Plus de la moitié des propriétaires indiquent aussi disposer dans leur jardin de mangeoires pour les oiseaux sauvages, soulignant les contacts potentiels entre faune sauvage et oiseaux de basses-cours pouvant conduire à la transmission de virus influenza aviaire. Ces différents facteurs peuvent être également à l’origine d’une transmission rapide d’agents infectieux dans un contexte de crise sanitaire.
Une consultation vétérinaire non systématique
Dans l’étude, 37,5 % (435/1160) des propriétaires ont déclaré avoir observé des signes cliniques chez leurs poules et 23,8 % consulter un vétérinaire, indiquant que la consultation vétérinaire n’est pas systématique en présence de signes cliniques.
Parmi les poulaillers familiaux présentant des signes cliniques, le syndrome respiratoire a été le plus souvent observé par les propriétaires avec 34,3 % des basses-cours concernées. Les troubles digestifs et cutanés ont été détectés dans 21,2 % et 17 % des cas ; 13,4 % des propriétaires ont observé des signes cliniques sur leurs poules sans pour autant pouvoir en affirmer leur nature (figure 3). Parmi les personnes interrogées, les propriétaires de poulaillers « de compagnie » et les propriétaires « de poules de race et d’ornement » sont ceux ayant observé le plus de signes cliniques, par rapport aux autres types de poulaillers. Les hypothèses d’introduction d’animaux plus fréquentes (et souvent d’origine différente) et d’effectifs plus importants pourraient être des facteurs explicatifs possibles.
En ce qui concerne la prise en charge associée, un propriétaire sur deux environ (47,7 %) a déclaré effectuer des « traitements » au moins une fois par an sur ses poules.
Parmi les traitements utilisés par tous ces propriétaires, on retrouve, par ordre décroissant d’importance : les antiparasitaires externes (46 %), les produits alternatifs ou produits à base de plantes (42,1 %), les vermifuges (41,8 %), les vitamines ou autres compléments minéraux (41,1 %) et enfin les antibiotiques (9,6 %). Les propriétaires ont indiqué s’approvisionner en produits en premier lieu en animalerie (39,2 %) puis en cabinet vétérinaire (26,8 %) et enfin sur Internet (10,2 %) ou en pharmacie (7,2 %) ; 17 % des propriétaires ont indiqué s’approvisionner ailleurs que dans ces quatre endroits, avec notamment l’utilisation de produits « faits maison » (1,7 %) ou directement auprès d’agriculteurs (0,9 %) ou en coopérative agricole (0,7 %).
Enfin, en ce qui concerne la connaissance des maladies réglementées ou zoonotiques, les propriétaires de basses-cours connaissaient presque tous l’influenza aviaire (96,7 %), ce qui n’a pas été le cas pour d’autres maladies telles que la salmonellose (79,1 %) ou la campylobactériose (18,6 %) ; 41,6 % des propriétaires ont indiqué connaître la maladie de Newcastle, majoritairement des détenteurs de poules de race et d’ornement ce qui semble indiquer une meilleure connaissance technique et professionnelle.