« Les critiques sur la santé animale sont des critiques indirectes portées à la profession vétérinaire » - La Semaine Vétérinaire n° 1913 du 24/09/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1913 du 24/09/2021

One Health

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Par Céline Gaillard-Lardy

Jean Louis Hunault, réélu pour trois ans à la tête du Syndicat de l’industrie du médicament et diagnostic vétérinaires (SIMV), revient pour nous sur les événements récents qui ont marqué la profession – crise du Covid, menace européenne sur l’antibiorésistance. Il évoque les projets du SIMV et le rôle de la filière dans le One Health.

Le Parlement a finalement rejeté la motion déposée par le député Martin Haüsling, membre des Verts, concernant l’acte délégué du règlement sur les antibiotiques. La partie est-elle gagnée ?

Les élections allemandes ont servi de scène à cet épisode, et cela doit nous alerter. Les prochaines échéances électorales en France pourraient entraîner le même type de manifestations, même si le calendrier des textes d’application du règlement est différent. Des leçons doivent être tirées : la motion de Martin Haüsling est un fidèle catalogue des critiques faites à notre filière. J’ai prévu d’y répondre très concrètement, point par point, car nous risquons d’avoir les mêmes critiques en France. Ainsi, la métaphylaxie est un concept technique, qu’il faut expliquer. Les politiques arrivent parfois avec une position dogmatique pour discréditer la profession vétérinaire. Parce que les vétérinaires sont les seuls responsables de la bonne conduite et de la maîtrise des élevages, toutes les critiques sur la santé animale sont des critiques indirectes portées à la profession vétérinaire. C’est injuste et révoltant. L’industrie et la profession doivent prévoir de mettre en place une vraie pédagogie, car les éleveurs ne sont pas en mesure d’assurer cette réponse. Les vétérinaires, en tant que responsables des produits et des traitements administrés, sont les seuls à devoir assurer cette prise de parole.

L’un des amendements à la motion, déposé par Peter Liese, du groupe PPE, proposait les mêmes exigences sur la réduction des antibiotiques en médecine humaine qu’en vétérinaire. Qu’en pensez-vous ?

Effectivement, il est facile de constater que l’effort concernant la diminution du recours aux antibiotiques n’a été fait que du côté vétérinaire, il suffit de regarder les chiffres. Ces dernières années, il n’y a pas eu d’évolution de la consommation d’antibiotiques en santé humaine. Peter Liese a raison de renvoyer la médecine humaine à ses propres responsabilités. On ne peut pas surveiller uniquement la santé animale ! Je connais mal le contexte allemand, mais en France, le rapprochement entre les deux médecines, engagé par le gouvernement depuis plus de dix ans, nous a permis de nous parler et de nous connaître. Les critiques ne sont pas aussi nettes en France, et pas sous cette forme. Il y a vingt-cinq ans, nous avons commencé à échanger avec les professeurs Jacques Acar et Antoine Andremont, porte-parole de la question de l’antibiorésistance. Ils connaissaient nos familles de molécules et ont pu assurer le lien entre nos deux médecines.

L’échange et la collaboration entre ces deux médecines sont quelques-uns des enjeux du One Health ?

Oui, le One Health au sens de la réflexion commune autour des santés de l’homme, de l’animal, de l’environnement, mais aussi de l’économie. Ce concept nécessite que les deux médecines se connaissent, se parlent. Optimiser ce que nous avons en commun est aussi important que la prise en compte de nos différences, car il y en a. Faut-il, comme on semble s’y orienter, que le plan Écoantibio 3 soit fusionné avec un plan concernant la médecine humaine ? Je pense que le succès des premiers plans tient en partie au fait que toutes les composantes vétérinaires étaient rassemblées dans un même texte. Je redoute plus une intégration dans une structure où nous serions noyés que le maintien d’une gouvernance qui fonctionnait bien. Dans ce One Health, nous avons également l’obligation de montrer ce que nous savons faire, ce qu’est la science vétérinaire. Ainsi, il y a huit ans, nous avions 32 000 foyers de fièvre catarrhale ovine. Deux ans après, la France était de nouveau indemne. Pourtant, cela n’a eu aucun écho en santé humaine, pas un article. Nous avions quand même démontré de manière extraordinaire notre capacité à développer des tests extrêmement rapidement et à mettre en place la qualité et la quantité de vaccins nécessaires. Tout le monde avait trouvé cela presque normal. Nous nous sommes endormis, nous avons fait ça de notre côté, et personne n’a vraiment compris que nous étions capables de telles performances. Nous en avons pâti, puisqu’avec le coronavirus, il a encore fallu démontrer que le secteur vétérinaire pouvait apporter sa pierre, dans la fabrication des tests comme dans les analyses biologiques. Nous sommes repartis quasiment à zéro. Autre exemple : des vaccins à ARN messager sont utilisés en production de volailles depuis des années, pourtant, personne n’est venu nous consulter sur le sujet, alors qu’en santé humaine, c’était une révolution. Tout ce que la science vétérinaire peut apporter reste confidentiel et limité au discours vétérinaire et au monde académique. Quand l’Académie nationale de médecine et l’Académie vétérinaire de France se parlent, elles se comprennent, mais la communication en aval est difficile.

Comment débloquer la situation ?

Une partie de la réponse doit être apportée par la profession vétérinaire, en clarifiant son positionnement par rapport à la santé : les vétérinaires ne sont pas considérés comme des professionnels de santé, mais demandent à être vaccinateurs. En outre, ils ne sont pas soumis à l’obligation du pass sanitaire. Tant qu’ils seront classés d’un côté ou de l’autre de cette frontière en fonction du contexte, leur appartenance à la santé globale ne sera pas claire. Cela nécessite un positionnement plus visible de la part de la profession, mais aussi de notre industrie et de la filière en général. L’arrivée de Thierry Lefrançois, [directeur du département Systèmes biologiques du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad)], au comité scientifique Covid-19 est une bonne nouvelle, mais le bilan est maigre ! La crise du Covid n’a pas permis d’élever énormément le niveau de compréhension du concept One Health. Il a certainement été le starter d’une réflexion gouvernementale, mais nous restons dans notre domaine de confort, à savoir la recherche sur les zoonoses ou les maladies infectieuses. Notre feuille de route est loin d’être terminée, et ce dossier n’est pas le seul.

Quels sont les autres axes de travail du SIMV pour votre présidence ?

Le SIMV participe à des réflexions, notamment sur la promotion de la vaccination. Avec le prix Écoantibio, nous souhaitions documenter la diminution mécanique du recours aux antibiotiques grâce à la vaccination. Nous commençons maintenant à avoir des travaux indépendants montrant que la vaccination est un instrument du One Health. Cela pourrait certainement aussi inspirer la médecine humaine. Autre sujet : l’innovation. Notre marché en progression nous permet d’investir à hauteur de 10 % du chiffre d’affaires et de porter nos innovations. Ces trois dernières années, nos industriels ont proposé environ dix nouveaux médicaments par an. Dans les trois ans qui viennent, nous devons prendre un virage important : passer d’une offre de médicaments à une offre de résultats, c’est-à-dire de produits et de services très variés. C’est une réflexion que nous menons au sein du SIMV. Nous avons d’ailleurs ouvert nos statuts pour capter de nouveaux adhérents dans ce domaine. Ce nouveau concept doit être intégré dans la feuille de route du SIMV, véritable interface collective avec l’écosystème vétérinaire, et c’est ce que je vais m’efforcer de faire.