Péripartum
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Clothilde Barde Conférenciers : Thérèse Wauquier, vétérinaire, Heliovet (Oise), VetAgro Sup, Dorothée Ledoux, vétérinaire, VetAgro Sup, UMR Herbivores, Philippe Sulpice, Fédération des éleveurs et vétérinaires en convention (Fevec), et Alice de Boyer des Roches, VetAgro Sup, UMR Herbivores Article rédigé d’après la conférence présentée lors du congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) du 28 au 30 octobre 2020 à Poitiers.
Le bien-être des animaux d’élevage fait l’objet d’une attente sociétale grandissante. Or, la douleur est l’un des facteurs les plus préjudiciables au bien-être et, par le stress qu'elle génère, a un impact négatif sur les performances zootechniques de l'animal. C'est pourquoi son évaluation et son soulagement restent des questions centrales en élevage et en médecine vétérinaire, notamment lors du péripartum. Bien que des études montrent que la douleur a des effets sur la santé des bovins sur le long terme, peu de données sont disponibles à ce jour concernant cette période clé de la vie de la vache laitière. C'est pourquoi, partant du postulat qu'une bonne gestion de la douleur en péripartum pourrait permettre d’améliorer la qualité de vie de l’animal mais aussi sa santé et ses performances, une étude rétrospective a été menée, en collaboration avec la Fédération des éleveurs et vétérinaires en convention (Fevec) pour décrire les pratiques des vétérinaires concernant la gestion de la douleur lors d’interventions obstétricales existantes ainsi que les effets des traitements antalgiques sur les performances ultérieures des animaux. Menée entre février 2018 et avril 2019, elle a porté sur des bovins provenant de 59 élevages situés en région Auvergne-Rhône-Alpes. Les cas cliniques étudiés ont été extraits de la base informatique de la Fevec (1136 cas), puis chaque ordonnance correspondante a été étudiée. Cinq types d’interventions obstétricales ont été intégrées dans l'étude : les torsions utérines (T), les vêlages simples avec assistance (V), les extractions forcées (EF), les césariennes (CESAs) et les prolapsus utérins (PU). L’ensemble des animaux qui a subi une de ces interventions constitue le groupe DOUL (128 animaux) qui a été divisé en un sous-groupe CESA – vache avec césarienne simple (CESAs) ou césarienne suite à une torsion (T+CESA) – et un sous-groupe OBS – tous les animaux ayant subi une intervention autre qu’une césarienne (T, V, EF, PU). Pour chaque vache ayant eu une intervention obstétricale (DOUL), un autre groupe témoin a été constitué (TEM, 91 animaux).
Des performances diminuées
En ce qui concerne les pratiques analgésiques, la sédation (xylazine) a été très rarement utilisée contrairement à l'administration de tocolytique (clenbutérol ou vétrabutine). L’anesthésie locale (lidocaïne ou procaïne) dépendait du type d’intervention : traçante pour les césariennes, épidurale en cas de prolapsus utérins et, rarement, de vêlage par voie basse. Enfin, une vache sur deux a reçu un traitement anti-inflammatoire. Les résultats obtenus révèlent que toutes les vaches du groupe TEM ont débuté une lactation l’année suivante, tandis que parmi le groupe DOUL, elles sont seulement 45 %. De plus, les vaches multipares ayant subi une intervention obstétricale produisaient 3,65 kg de lait (PLmoy) de moins par jour au cours des trois premiers mois de lactation et avaient un intervalle vêlage-vêlage (IVV) significativement plus long de 26,15 jours. Ces résultats confirment donc le mauvais pronostic lié aux interventions obstétricales en péripartum vis-à-vis de la poursuite de la carrière de la vache. D'autres études avaient montré des résultats similaires avec une baisse de production et une diminution de sa qualité (taux protéique et butyreux), proportionnelle à la difficulté du vêlage. Selon les auteurs de l'étude présentée ici, les moins bonnes performances de reproduction des vaches du groupe DOUL par rapport à celles TEM sont sans doute dues à l’inflammation liée aux manœuvres obstétricales.
Des analgésiques aux effets variés
Les chercheurs ont estimé les effets du soulagement de la douleur sur les performances de production et de reproduction suite à ces différentes interventions. Ils ont comparé les vaches DOUL sans anesthésie locale ni anti-inflammatoire à celles sous anesthésie seule, et enfin à celles sous anesthésie et anti-inflammatoires. Il semblerait que la PLmoy était plus faible (-7,06 kg / jour) pour les vaches ayant reçu seulement une anesthésie locale par rapport aux vaches Holstein multipares, dont l’intervention au vêlage a été réalisée sans analgésie ni anesthésie.
Concernant les performances de reproduction, les vaches Holstein ayant subi une anesthésie locale ainsi qu’un traitement anti-inflammatoire avaient un IV-IA1 plus long de 22,43 jours par rapport aux Holstein qui n'avaient pas reçu de traitement analgésique. Lors d'une césarienne, celles ayant reçu un traitement analgésique (anesthésie locale et anti-inflammatoire) avaient une PLmoy plus élevée de 9,19 kg que celle des Holstein n''ayant pas reçu de traitement anti-inflammatoire, même si l’intervalle vêlage-vêlage n’était pas modifié par le protocole analgésique. Enfin, les vaches Holstein du groupe OBS avec un traitement anti-inflammatoire produisaient moins 4,01 kg de PLmoy en comparaison aux vaches Holstein n'ayant pas reçu de traitement analgésique, tandis que leur IV-IA1 était plus court de 18 jours. Les données de la littérature sont actuellement contradictoires à ce sujet.
Ainsi, alors que selon une étude de 2013, l’administration de méloxicam lors de vêlages assistés n'a pas d'effets sur la production laitière, des travaux menés en 2014 ont confirmé les résultats de l'étude présentée ici. Dans celle-ci, les auteurs suggèrent que la flunixine méglumine a un impact négatif sur la fertilité, augmentant le risque de rétention placentaire, et donc le risque de métrite. Par ailleurs, des travaux de 2018 (Shwartz et al., 2018) ont montré que les vaches ayant eu un vêlage dystocique et ayant reçu du meloxicam avant vêlage ont produit un lait de meilleure qualité durant les 15 premières semaines post-partum (matière grasse, protéines et lactose) que celles n’ayant pas reçu de traitement. Concernant les vaches CESA, le résultat obtenu offre une première piste et nécessite des études ultérieures, idéalement prospectives, pour être confirmé. Cette étude confirme donc que lors d’intervention obstétricale, l’utilisation d’anesthésie locale sans anti-inflammatoire dégrade les performances de production et de reproduction, et que lors de césarienne, la combinaison anesthésie locale et anti-inflammatoire serait bénéfique pour la production laitière. Toutefois, pour les autres manœuvres obstétricales, l’utilisation d’un anti-inflammatoire semble dégrader la production laitière mais permettre un retour plus rapide à la mise à la reproduction. De nouvelles études prospectives seront indispensables pour infirmer ou confirmer ces résultats.
Bibliographie :
Le Neindre, P., Guatteo, R., Guémené, D. et coll., Douleurs animales : les identifier, les comprendre, les limiter chez les animaux d’élevage, synthèse du rapport d’expertise réalisé par l’Inra à la demande du ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, 2009.
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Newby N.C., Pearl D.L., LeBlanc S.J. et coll., The effect of administering ketoprofen on the physiology and behavior of dairy cows following surgery to correct a left displaced abomasum, J. Dairy Sci., 2013;96(3):1511-1520. https://doi.org/10.3168/jds.2012-5566