Thérapeutique
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Tanit Halfon
Développé et commercialisé par Zoetis, Solensia est un anticorps monoclonal indiqué pour soulager la douleur associée à l’arthrose chez le chat. Pour le praticien, l’enjeu sera avant tout d’adopter une démarche clinique rigoureuse pour mettre en place le traitement le plus adapté pour l’animal.
Après le Librela chez le chien1, le laboratoire Zoetis lance un traitement par anticorps monoclonal (frunévetmab) anti-NGF (pour nerve growth factor, ou facteur de croissance nerveuse) pour la gestion de la douleur arthrosique chez le chat. Ce nouveau médicament, le Solensia, a été présenté lors d’un « déjeuner Frégis » le 7 septembre dernier, par les vétérinaires Thierry Poitte, fondateur du réseau CapDouleur, et Guillaume Ragetly, coresponsable du service de chirurgie du CHV Frégis. Membres du conseil scientifique du laboratoire, tous deux testent le médicament au sein de leur clientèle dans le cadre du Programme révolution antidouleur arthrosique (Prada), qui étudie une série de cas de terrain. Comme le Librela, il s’agit d’inhiber l’action de la neurotrophine NGF au niveau ostéo-articulaire. Le NGF est produit en excès au niveau synovial dans un contexte d’arthrose chronique. Par sa liaison spécifique avec le récepteur TrkA, il va participer au phénomène d’hypersensibilité douloureuse périphérique et centrale. Le Solensia permet donc une action antalgique lors de douleur arthrosique. L’action anti-inflammatoire n’est, à ce stade de connaissances, pas encore clairement établie.
Une bonne tolérance pour l’espèce féline
Le métabolisme des anticorps monoclonaux rassure quant à son usage chez l’espèce féline, particulièrement concernée par les comorbidités. En effet, il s’agit d’une protéine qui sera éliminée par les voies normales de dégradation des protéines. Il n’y a pas de métabolisation par les enzymes du cytochrome P450, donc peu de risque d’interactions avec des médicaments concomitants substrats, inducteurs ou inhibiteurs de ces enzymes. Il n’y a pas de métabolisation par des enzymes traditionnelles dans le foie ou les reins, donc les interactions médicamenteuses sont rares, et les anticorps ne sont pas transformés en métabolites réactifs ou toxiques. Il n’y a pas d’excrétion urinaire : à ce sujet, des études ont montré l’absence d’effets secondaires2 chez des chats insuffisants rénaux stades IRIS 1 et 2.
Quant au risque de fibrosarcome, hors l’acte d’injecter en tant que tel, le risque est a priori minime : d’une part, il n’y a pas d’adjuvant particulier ; d’autre part, les anticorps ne persistent pas au site d’injection, minimisant le risque d’effet inflammatoire local.
Dans les études cliniques, aucun effet secondaire n’a été rapporté y compris avec des doses élevées (jusqu’à 5 fois la dose).
Un risque de sous-diagnostic
En pratique, chez le chat, probablement encore plus que chez le chien, l’enjeu pour le praticien sera déjà de pouvoir identifier une situation d’arthrose. Selon les études, la maladie est très fréquente et on estime que 90 % des chats de plus de 12 ans sont touchés, et 34 % des individus de 2 mois à 18 ans. Des douleurs y sont associées dans 45 % des cas, ce qui ne se manifeste pas forcément par des boiteries, mais notamment par des douleurs à la manipulation. Cette forte prévalence n’empêche pas le sous-diagnostic : en effet, l’expression clinique est quelques fois fruste, ainsi seuls 4 à 16,7 % des chats arthrosiques présentent une boiterie. D’autres expressions cliniques telles que la baisse de l’activité ne pourront être mises en évidence qu’à condition de poser la question au propriétaire. Par ailleurs, l’arthrose féline est une maladie pluri-articulaire qui touche le squelette axial (32 %), le squelette appendiculaire (39 %) ou les deux (28 %) : coude, hanche, genou surtout. Il est à noter qu’un chat avec une maladie arthrosique bilatérale pourra présenter une démarche normale. Un examen orthopédique complet apparaît donc impératif dans cette espèce animale. De plus, face à une boiterie, il est essentiel d’exclure toutes les autres causes possibles, qui pourraient nécessiter une approche chirurgicale plutôt que médicale. Chez le chat, la radiographie est un examen particulièrement intéressant avec des lésions généralement bien visibles.
Un traitement personnalisé et multimodal
Comme pour le Librela, à ce stade, il n’y a pas de recommandation particulière pour le schéma thérapeutique : il peut être utilisé en première intention, notamment chez le chat avec comorbidités, ou en seconde, entre autres en cas d’impasse thérapeutique. Selon les études cliniques, et l’expérience terrain des deux praticiens, l’état d’équilibre est atteint après 2 doses. Il n’y a pas de contre-indication à utiliser le traitement sur le long cours, à raison de 1 injection 1 fois par mois. Suivant l’évolution de l’état clinique du patient, un ajustement de la fréquence des injections pourra être envisagé. De fait, le suivi de l’arthrose est central pour juger de l’efficacité du traitement et l’adapter si besoin, et les conférenciers conseillent d’utiliser l’outil CSOM (pour client specific outcome measures) pour des mesures qualitatives. Il n’y a pas de données sur l’utilisation avec des anti-inflammatoires non stéroïdiens chez le chat, mais selon Thierry Poitte et Guillaume Ragetly, une combinaison transitoire des deux pourrait être envisagée suivant la situation clinique : par exemple, dans le cas d’animal hyperalgique.
Le Solensia n’est évidemment pas à utiliser seul, l’arthrose nécessitant une prise en charge multimodale : perte de poids, adaptation de l’environnement (éviter les chocs, stimuler les déplacements), aliment spécifique, physiothérapie, etc. Sans oublier l’implication du propriétaire : dans ce cadre, le Solensia aura l’avantage de faciliter l’observance du traitement, dans la mesure où seul le vétérinaire peut réaliser les injections.
Une injection par mois
La dose à injecter est de 1 flacon (7 mg/ml) pour les chats de 2,5 à 7kgs ; et 2 flacons pour les chats de 7,1 à 14 kg – le contenu des 2 flacons doit s’administrer en une fois (une seule seringue). Le mode d’administration est le même que pour le chien : 1 injection 1 fois par mois par voie sous-cutanée réalisée uniquement par un vétérinaire, ce qui le rend particulièrement intéressant pour le chat et l’observance du traitement.
Attention pour les praticiennes : le NGF jouant un rôle dans le développement neuronal du fœtus, les femmes enceintes, essayant de concevoir ou allaitantes doivent prendre toutes les précautions d’usage pour l’utiliser.
Le Solensia est déjà disponible dans les centrales d’achat vétérinaire.
Source : http://www.bit.ly/3mcpjyS