Conférence
ANALYSE MIXTE
Auteur(s) : Par Clothilde Barde
Le 21 septembre dernier, la sécurité sanitaire et alimentaire était au centre des débats organisés par le Syndicat national des vétérinaires conseils (SNVECO). Des pistes ont été évoquées pour assurer la résilience des filières aux crises sanitaires et définir la future place du vétérinaire dans la gestion de la santé.
« Vers quelles évolutions des relations entre vétérinaires, éleveurs, opérateurs et État faudra-t-il aller demain ? » s’est interrogé Guillaume Lhermie, directeur du centre Simpson d’étude des politiques agricoles (Simpson Centre for Agricultural and Food Innovation and Public Education) et professeur associé d’économie de la santé animale à l’université de Calgary, ainsi que les différents intervenants réunis le 21 septembre dernier lors d’une réunion du Syndicat national des vétérinaires conseils (SNVECO). La résilience des filières rurales, et plus particulièrement porcine et aviaire, est mise à mal depuis de nombreuses années, et ce, d’autant plus avec les diverses crises sanitaires récentes. Dans un tel contexte, la place du vétérinaire dans la gestion de la santé des élevages doit évoluer. "Aujourd’hui, le modèle économique des cliniques repose sur le médicament, ce qui permet au vétérinaire de conseiller les éleveurs de sa clientèle dans le cadre de ses prestations sans le facturer. Or, avec le développement de l’antibiorésistance et les crises sanitaires actuelles, ce modèle est fragilisé et devra évoluer pour le rendre pérenne" a indiqué Guillaume Lhermie.
A l’occasion de la survenue d’un choc sanitaire en élevage, l’effet premier est le choc puis sa propagation dépend ensuite notamment de l’étendue du milieu et de la densité en élevage. Comme l'a ajouté le Dr Lhermie, « en termes de commerce international, une seule maladie affecte un grand nombre de marchés, car la variabilité d’un marché se répercute sur les autres secteurs par un effet de saturation ou de contraction de la demande. » Ainsi, en 2020, en Chine, l’épidémie de peste porcine africaine (PPA), maladie infectieuse mono-espèce, a conduit à de fortes pertes sanitaires directes et indirectes en filière porcine mais aussi à de gros bouleversements sur le marché mondial de la viande. De plus, les crises sanitaires conduisent à des modifications des comportements alimentaires sur le long terme telles que la chute de consommation de viande de bœuf qui a suivi la crise de la vache folle dans les années 1990.
Un système de santé animale coûteux
Pour contrôler, éliminer ou éradiquer ces maladies, la prévention est essentielle (zootechnie, biosécurité, vaccination, etc.) mais elle a un coût. C’est pourquoi une analyse économique du service médical rendu a été menée en filière volaille dans un contexte de réduction de l’usage des antibiotiques, en considérant que la provision de services et de produits vétérinaires permet d’améliorer la profitabilité de l’élevage et que les interventions vétérinaires et la prévention permettent de réduire l’usage des antibiotiques. Les résultats de cette étude révèlent que les éleveurs qui n’ont pas recours aux antibiotiques sur une bande d'animaux sont 50 % plus rentables que ceux qui en utilisent une fois et que la marge diminue avec la hausse de consommation. De plus, seuls 30 % des éleveurs utilisent la majeure partie des antibiotiques, il est donc nécessaire que « que le vétérinaire adresse ses messages d’accompagnement technique à ces éleveurs » selon Guillaume Lhermie. Par ailleurs, comme l’indiquent les résultats d’une autre étude franco belge menée en élevages porcins sur deux ans, la réduction de l’usage d’antibiotiques permet d'augmenter le profit de l'élevage de 1,23 euro en moyenne par an et par truie. La prévention vaccinale semble à cet égard être une piste alternative intéressante pour augmenter les performances économiques d’un élevage.
Des activités régionalisées
En parallèle la question du revenu des vétérinaires des filières porcs et volailles se pose. Selon Guillaume Lhermie, « la clinique vétérinaire est une entreprise comme les autres dont il faut maximiser le profit. Or, comme les recettes se font sur les actes et les ventes, se pose donc la question de savoir comment le praticien doit répartir son activité pour que celle-ci soit rentable. » Une enquête menée en 2021 dans 96 cliniques vétérinaires mixtes, dont on a collecté le pourcentage du chiffre d’affaires (% CA) en fonction de la surface de la clinique et des caractéristiques individuelles des vétérinaires, a révélé que le facteur qui influence le plus le %CA est le ratio activité canine par rapport à l’activité animaux de rente. Une autre étude menée en 2019 révèle que le taux de marge nette est plus élevé sur la vente de médicaments que sur les actes en canine ou en rurale. Toutefois, ces données ne sont qu’en partie extrapolables aux filières porcs et volaille. Par ailleurs, au-delà des missions de soins, les vétérinaires libéraux sont également (en collaboration avec les vétérinaires officiels, les pharmaciens d’officine, les techniciens et les vétérinaires des groupements), garants de la gestion des maladies infectieuses. Or, la démographie vétérinaire tend à diminuer. Pour faire face à ce déclin, plusieurs scénarios d’avenir ont été évoqués : l’arrêt total de la production animale (consommation végétarienne exclusive) ; la disparition du statut de vétérinaire porc ou volaille libéral au profit de celui de fonctionnaire ; le soutien des vétérinaires libéraux dans leur activité par des subventions ou la mise en place d’un partenariat gagnant-gagnant avec des contrats entre les éleveurs, les vétérinaires et l’État. Comme l'a conclu le Dr Lhermie, "une réflexion doit donc être menée mais l'on constate actuellement quand même un retour en grâce du vétérinaire pompier dont la "valeur de non-usage" (mission de protection) devra être évaluée. Pour que le maillage vétérinaire soit maintenu afin de pouvoir "encaisser un choc sanitaire quand il survient", les enjeux porteront sur la mutualisation pour trouver le bon modus vivendi entre différents acteurs des ces filières".