Conférence
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Clothilde Barde CONFÉRENCIERS Amélie Barnay, vétérinaire à Decize (Nièvre) Jocelyn Amiot, vétérinaire à Épinac (Saône-et-Loire) Raphaël Guatteo, professeur de médecine bovine à Oniris (Nantes) et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) Article rédigé d’après la conférence qui s’est tenue lors du Congrès national de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) du 28 au 30 octobre 2020 à Poitiers.
Une enquête a été menée en France auprès de vétérinaires praticiens ruraux afin de décrire leurs perceptions et leurs pratiques vis-à-vis de la prise en charge des arthrites septiques mais aussi de comprendre les contraintes terrains auxquelles ils sont confrontés et de déterminer si leurs caractéristiques professionnelles influencent la prise en charge des arthrites septiques. Pour ce faire, un questionnaire, auquel 97 vétérinaires ont répondu (jeunes vétérinaires principalement), a été diffusé en 2019. En parrallèle, une étude pilote a été menée pour évaluer l’intérêt d’administrations intra articulaires d’antibiotiques.
Des traitements probabilistes
Les premiers résultats ont montré que la plupart des arthrites étant septiques chez les veaux, car issues d’un foyer primaire qui s’est disséminé1,2, les vétérinaires effectuent fréquemment un traitement probabiliste à l’aide d’antibiotiques – seuls 16 % des 97 répondants effectuaient un antibiogramme. De plus, l’imagerie est assez peu utilisée par les vétérinaires : 9 % échographient les articulations et environ 29 % effectuent des radiographies. Les traitements sont d’ailleurs peu diversifiés et les éleveurs tentent très souvent de traiter leur animal eux-mêmes avant d’appeler le vétérinaire. Ainsi, 70 % des praticiens déclarent intervenir après que l’animal a déjà reçu un traitement. Pourtant, 71 % d’entre eux conseillent à leurs éleveurs de les appeler dès l’apparition d’une boiterie ou d’un gonflement articulaires caractéristiques d’une arthrite3 car le traitement des arthrites doit être long et rapide pour éviter l’apparition de lésions irréversibles. En ce qui concerne la durée du traitement antibiotique, il existe très peu de données dans la littérature mais il est recommandé, de façon empirique, de faire entre 3 et 4 semaines d’utilisation. Dans cette enquête, en raison des contraintes de contention pour les éleveurs, seuls 20 % des vétérinaires placent les veaux 15 jours ou plus sous traitement antibiotique et ils sont 6,2 % à utiliser des macrolides à longue durée d’action. Par ailleurs, pour contrôler le mécanisme inflammatoire délétère présent lors d’arthrite septique et limiter la douleur de l’animal, un anti-inflammatoire non stéroïdien complète pour environ 80 % des vétérinaires le traitement antibiotique.
Des traitements à évaluer
En plus du traitement par voie générale, des traitements locaux sont utilisés. À cet égard, les lavages articulaires sont les plus employés (50 %) pour obtenir une « meilleure réussite au traitement » et 37 % des répondants injectent des antibiotiques en intra-articulaire, principalement de la gentamicine4. En ce qui concerne les chirurgies, l’absence de motivation des éleveurs peut s’expliquer par un manque d’habitude à effectuer ces interventions et par le coût supplémentaire engendré. Enfin, 21,6 % des vétérinaires interrogés ajoutent des anti-inflammatoires, notamment des corticoïdes, très controversés théoriquement du fait de la dégradation potentielle du cartilage et de la diminution du métabolisme des chondrocytes et des ostéocytes qu’ils peuvent induire. Toutefois, ce risque n’est pas renseigné chez les bovins. Les réussites annoncées aux différents traitements sont à prendre avec précaution puisqu’elles reposent sur la seule estimation des vétérinaires et aucune différence significative n’a pu être mise en évidence entre les protocoles. Toutefois, à l’instar de ce qui est rapporté dans la littérature, il semblerait que les meilleurs résultats soient obtenus avec une utilisation quasi systématique d’antibiotiques et d’AINS en systémique.
Des résultats conformes à la bibliographie
Dans cette enquête, une étude terrain a été menée en parallèle sur 10 cas d’arthrite avec pour objectif d’évaluer l’efficacité clinique de l’administration intra-articulaire de gentamicine 4 % en complément de l’association lincomycine et spectinomycine par voie systémique ainsi que d’un lavage articulaire au inger lactate chez des veaux allaitants atteints d’arthrite septique. Après la retranscription de l’anamnèse et des commémoratifs des cas, un examen clinique complet a ensuite été réalisé avec une description de l’arthrite. Une ponction puis une analyse du liquide articulaire (couleur, turbidité, présence de fibrine, concentration en protéines totales) ont également été effectuées le premier jour de visite, puis un même traitement a été mis en place sur tous les animaux. Le score clinique du gonflement articulaire alors obtenu était en accord avec les données de la littérature5, de même pour le score de boiterie, avec 7 veaux sur les 10 qui ont retrouvé un appui normal avant la fin du traitement.
Des travaux à poursuivre
En ce qui concerne la réussite du traitement, plusieurs critères ont été définis : plus aucune séquelle due à l’atteinte, rentabilité économique des animaux atteints, plus de signes cliniques d’arthrite locaux, absence de mortalité. Six animaux sur les 10 n’ont présenté aucune séquelle clinique suite à leurs arthrites, et pour les trois indicateurs cliniques, le score des animaux inclus dans le lot avec injection intra-articulaire est toujours plus important que le score du lot ne recevant pas d’injection intra-articulaire. Les traitements effectués semblent donc tous deux adaptés au traitement des arthrites, conformément aux données observées dans la littérature. Par ailleurs, les 4 animaux ayant présenté des séquelles locales ou générales possédaient un mauvais état général au premier jour de visite. L’état général étant significativement lié à la réussite dans cette étude, celle-ci peut donc constituer un facteur pronostique selon les auteurs de l’étude. Une étude complémentaire en augmentant la taille de l’échantillon pourrait d’ailleurs être réalisée afin de confirmer ces résultats car, bien qu’il soit impossible de tirer des conclusions uniquement sur la base de ces deux travaux, les résultats obtenus en convergence avec des études antérieures confirment : l’importance d’une prise en charge la plus précoce possible, le caractère indispensable des antibiotiques par voie systémique, l’intérêt sans conteste du lavage articulaire lorsque réalisable. Enfin, l’administration intra-articulaire mériterait d’être investiguée de façon plus rigoureuse.