L'intégration financière, un passage obligé pour les structures vétérinaires ? - La Semaine Vétérinaire n° 1921 du 19/11/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1921 du 19/11/2021

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Tanit Halfon

Le contexte actuel est à la consolidation du marché vétérinaire français, c’est-à-dire à l’intégration d’établissements de soins, en particulier en canine, à des groupes. À ce jour, treize groupes, dont trois étrangers, sont présents dans l'Hexagone. La tendance est à l’accélération de la hausse du nombre de structures intégrées.

Charles Facon (T 02)

Vétérinaire en filières avicoles et membre de l'association Ergone

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L’avenir le dira

Aujourd'hui, on assiste à une véritable boulimie d’achats de parts de marché vétérinaire, avec des groupes qui n'hésitent pas à proposer des prix déconnectés de la réalité. J'ai l'exemple d'une clientèle canine qui a été rachetée à plus de quatre fois son chiffre d’affaires ! En Angleterre, certains praticiens témoignent aussi d'une guerre des prix, avec des groupes qui peuvent se permettre de réduire leurs tarifs sur une zone donnée pour étouffer la concurrence. Face à cet emballement, certaines entreprises n’auront peut-être, à terme, plus d'autre choix que d'envisager une intégration, au moins partielle, pour résister à ce phénomène. Difficile aussi pour des jeunes vétérinaires de s'aligner sur ces prix afin de s'associer. De plus, il ne faut pas être dupe : accepter une intégration totale implique de perdre son pouvoir décisionnaire. Je ne suis pas contre la finance ni les investisseurs mais contre l'intégration totale qui aliène notre ADN de profession libérale.

Christophe Hugnet (L 93)

Vétérinaire en canine à La-Bégude-de-Mazenc (Drôme), membre des Structures et établissements vétérinaires indépendants de France (Sevif)

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Il faut créer un statut de lanceur d’alerte

À mon sens non, dans la mesure où il n’y a pas de difficultés particulières pour financer son activité auprès des banques. L’activité canine va bien, avec des perspectives de croissance importante, ce qui explique l’intérêt des financiers. Si tout le monde ne va pas adhérer à ce système, ceux qui le feront doivent être conscients de son caractère irréversible. Je les invite aussi à bien lire l’intégralité du contrat, surtout la partie confidentielle non transmise à l’Ordre, au risque de s’exposer à un certain nombre de déboires, comme des engagements financiers non respectés, l’abandon de la clientèle rurale, etc. Il y a aussi des cas où les salariés ne restent pas dans la structure, ce qui fait que les associés minoritaires se retrouvent à travailler plus qu’avant pour un salaire moindre. Ces exemples montrent qu’il pourrait être pertinent de réfléchir rapidement à la création d’un statut de lanceurs d’alerte pour ces vétérinaires praticiens intégrés.

Laurent Perrin (L 84)

Président du Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral (SNVEL)

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C’est un choix

Les entreprises vétérinaires en France ont les capacités à se financer sans intégrer un réseau ou un groupe. Notre secteur est rentable et les banques ne rechignent pas à suivre des projets bien construits. Les structures de référés demandent des investissements plus lourds, pour répondre à la demande de détenteurs d’animaux toujours plus exigeants. Elles atteignent des tailles critiques et peuvent estimer avoir besoin d’un apport de capitaux extérieurs et d’accompagnement dans les fonctions supports. L’intégration financière n’est pas contrainte, c’est un choix lié à la pyramide des âges, au désamour des jeunes vétérinaires pour la gestion d’entreprise, à la recherche d’un équilibre vie privée/professionnelle, à la surcharge de travail liée aux difficultés de recrutement et alimenté par l’afflux “no limit” de capitaux extérieurs sur notre secteur. Certains observateurs prédisent que 50 % des structures auront rejoint un groupe d’ici 2025. Il est à craindre des réveils difficiles une fois la lune de miel passée et les fonds actuels vendus et revendus à d'autres toujours plus avides de rentabilité.