Nutrition
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Charlotte Devaux
Censés être plus sains car jugés plus naturels par leurs adeptes, les régimes crus regorgent pourtant de risques sanitaires, études scientifiques à l’appui.
Dans une étude sur les motivations des propriétaires à donner un régime cru à leur animal, la deuxième était « pour donner au chien une alimentation plus saine »1. Pourtant, cette croyance est loin d’être fondée. La viande crue est avant tout un aliment contaminé. Durant la vie de l’animal, le muscle est stérile mais, lors de l’abattage, l’étape d’éviscération et de retrait de la peau répand des bactéries superficiellement sur la carcasse, contaminant la viande. Lorsque celle-ci est broyée, les bactéries sont disséminées dans tout l’aliment. C’est pourquoi les viandes hachées sont considérées comme des produits fragiles à consommer rapidement et cuites à cœur. Le cru à destination des animaux de compagnie n’y échappe pas.
Les rations BARF, même maison, sont contaminées
Trois études2,3,4 sur les aliments à base de viande crue pour chiens et chats ont révélé des contaminations massives en enterobactéries, souvent multirésistantes (bêta-lactamases à spectre étendu). Des salmonelles, Clostridium toxinogènes, staphylocoques et Campylobacter ont aussi été retrouvés. Le BARF (pour Biologically Appropriate Raw Food) “maison” n’est pas épargné, avec 80 % des rations de ce type contaminées par des salmonelles5. 70 % des échantillons de viande de poulet vendus au détail pour la consommation humaine analysés sont contaminés par des Campylobacter et 4 % par des salmonelles6.
Le pH gastrique ne détruit pas les bactéries
Contrairement à une idée couramment répandue parmi les propriétaires nourrissant leur animal avec des aliments crus, l’acidité gastrique ne permet pas de détruire les bactéries ingérées. 90 % des chats consommant des aliments crus excrètent des entérobactéries résistantes dans leurs selles contre 6 % des chats consommant des croquettes7. 30 % des chiens consommant du BARF maison excrètent des salmonelles dans leurs selles contre aucun de ceux mangeant un aliment industriel8. Les chiens nourris avec du cru ont 30 fois plus de risques d’être porteur de salmonelles que les autres9. Il a été montré que des chiens d’assistance nourris avec du cru (20 % des chiens étudiés) ou recevant des oreilles de cochon étaient plus à risque d’héberger des salmonelles et des Escherichia coli10.
Les animaux peuvent tomber malade
En 2003 aux Etats-Unis, deux chats nourris au BARF maison sont morts d’une septicémie à cause d’une salmonelle retrouvée dans la viande de bœuf crue utilisée pour les nourrir11. En 2018, une épidémie de polyradiculonévrite aigüe se déclenche en Australie12. 96 % des chiens ayant déclenché la maladie (pouvant être provoquée par Campylobacter) ont consommé du poulet cru contre 26 % des chiens témoins. Les chiens ayant eu une polyradiculonévrite étaient 9,4 fois plus susceptibles d'être positifs pour Campylobacter par rapport aux chiens témoins. La même année au Royaume-Uni, 47 chats ayant consommé un aliment à base de gibier cru contractent la tuberculose. 83 autres chats sont diagnostiqués atteints mais ne développent pas de symptômes13. En 2019 aux Etats-Unis, un chiot meurt d’une entérocolite bactérienne due à une salmonelle retrouvée dans son aliment cru. Deux chatons persans meurent après qu’un aliment cru contenant trois sérovars différents de Salmonella a été introduit dans l’élevage14.
Le BARF est-il plus contaminé que les croquettes ?
Dans une étude, le taux de contamination des croquettes était de 0,3 contre 35 % pour les aliments crus1. Si les croquettes ne sont pas sans agents pathogènes, le BARF est tout de même 100 fois plus contaminé….
1. Sarah M. Nemser et al., Investigation of Listeria, Salmonella, and Toxigenic Escherichia coli in Various Pet Foods, Foodborne Pathogens and Disease 11, no 9 (1er septembre 2014) : 706‑9, https://doi.org/10.1089/fpd.2014.1748.
Quels risques pour les humains ?
Les souches de bactéries multirésistantes ingérées sont retrouvées dans l’urine des chiens, dans leur bouche, leur gamelle, sur le sol de leurs pièces de vie et sur la porte du réfrigérateur. Cela provoque alors la contamination de l’entourage humain, qui devient porteur des mêmes bactéries multirésistantes1. Dans une étude, 35 % des chiens nourris avec du cru étaient en contact avec au moins une personne à haut risque d'infection (moins de 5 ans, plus de 65 ans, personne immunodéprimée ou femme enceinte)2. Pourtant, malgré cela, peu de cas de transmission aux humains sont rapportés. Une étude récente3 souligne que les aliments, même crus, sont perçus comme sûrs et ne sont pas envisagés comme source potentielle d’infection. Les tests ne sont donc pas réalisés et les cas non déclarés, ce qui augmente encore l’impression de sûreté. Pourtant, au Royaume-Uni, en 2018, quatre propriétaires (et une vétérinaire) ont contracté la tuberculose à cause de leur chat contaminé par un aliment cru à base de gibier4.
1. Liliana Raquel Leite Martins et al., Common Phenotypic and Genotypic Antimicrobial Resistance Patterns Found in a Case Study of Multiresistant E. Coli from Cohabitant Pets, Humans, and Household Surfaces, Journal of Environmental Health 75, no 6 (février 2013) : 74‑81.
2. Viegas et al., Fecal Shedding of Salmonella Spp., Clostridium Perfringens, and Clostridioides Difficile in Dogs Fed Raw Meat-Based Diets in Brazil and Their Owners’ Motivation.
3. Nicole Renee Cammack, Ryan Michael Yamka, et Vicki Jean Adams, Low Number of Owner-Reported Suspected Transmission of Foodborne Pathogens From Raw Meat-Based Diets Fed to Dogs and/or Cats, Frontiers in Veterinary Science 8 (2021) : 1165, https://doi.org/10.3389/fvets.2021.741575.
4. O’Halloran et al., Feline Tuberculosis Caused by Mycobacterium Bovis Infection of Domestic UK Cats Associated with Feeding a Commercial Raw Food Diet.