Médecine féline
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Tarek Bouzouraa
La transfusion sanguine est de plus en plus employée en médecine vétérinaire et permet la prise en charge des patients en état critique. Cette pratique nécessite une rigueur non seulement lors de l’administration du produit sanguin, mais également dans la décision de transfuser et la sélection du donneur adapté. L’International Society of Feline Medicine (ISFM) a publié à ce sujet un consensus1.
L’importance du groupage sanguin
Le groupage sanguin s’avère essentiel. Le système AB est le plus employé dans l’espèce féline. Le groupe A est le plus fréquent (rencontré chez tous les siamois), tandis que les groupes B (rapporté chez les british shorthair, sacré de Birmanie et devon rex) et AB (ragdoll) sont plus rares. Les chats du groupe B présentent des allo-anticorps naturels fortement immunogènes dirigés contre l’antigène A. Par conséquent, une transfusion de sang provenant d’un donneur A à un chat B peut induire une réaction hémolytique fatale. Les chats du groupe A présentent des allo-anticorps naturels faiblement immunogènes et en faible quantité dirigés contre l’antigène B. Ainsi, une transfusion de sang provenant d’un donneur B à un chat A n’induit généralement pas de réaction hémolytique fatale mais peut réduire la durée de vie des globules rouges transfusés et diminuer l’efficacité de la transfusion. Les chats du groupe AB ne présentent pas d’allo-anticorps naturels dirigés contre les antigènes A et B.
D’autres systèmes sanguins, dont le système Mik, responsables de réactions indépendantes du système principal sont encore en cours d’étude. Ainsi, 5 antigènes érythrocytaires indépendants du système AB ont été mis en évidence chez le chat.
Le test de réaction croisée, ultime précaution
Bien que le groupage sanguin soit indispensable, le test de réaction croisée (ou cross-match) permet d’évaluer la compatibilité sanguine. Chez le chat, il est conseillé lorsque le groupage sanguin n’est pas disponible, lors de transfusions multiples et avant une première transfusion. Son principe repose sur la mise en évidence d’une auto-agglutination. Le cross-match majeur évalue la réaction entre les allo-anticorps présents dans le sérum du receveur et les antigènes présents à la surface des hématies du donneur. Le cross-match mineur évalue la réaction entre les allo-anticorps présents dans le sérum du donneur et les antigènes présents à la surface des hématies du receveur. Ce dernier a une importance moindre, surtout lors de transfusion de concentré globulaire ne contenant peu, voire pas de plasma du donneur.
Sélectionner un donneur idéal
Le donneur idéal doit être en bonne santé, être âgé de 1 à 8 ans et peser au moins 4,5 kg. Il doit être correctement médicalisé, devrait idéalement vivre strictement en intérieur et doit présenter un tempérament favorable aux manipulations répétées (prélèvements sanguins, hospitalisation et suivi).
Chez le donneur félin, la recherche (annuelle pour les donneurs réguliers) d’une antigénémie au virus leucémogène félin, d’une séropositivité au virus du sida (tests FeLV, FIV respectivement), d’un portage d’hémoplasmes au frottis sanguin (ou par PCR) est indispensable. Si la situation clinique l’indique, un portage de coronavirus (PCR et/ou sérologie) sera également considéré. Le donneur doit être prélevé au maximum tous les 2 mois pour un don du sang. L’hématocrite du donneur doit être supérieur à 30 %.
La transfusion en pratique
Le plus souvent, une sédation associant de la dexmédétomidine (0,01 mg/kg) et du butorphanol (0,2 mg/kg) en injection intramusculaire est employée. Une alternative est l’emploi de kétamine (10 mg in toto) et diazépam (0,5 mg in toto) en intraveineuse. L’utilisation de propofol est déconseillée car elle peut entraîner une dépression cardiorespiratoire sensible du donneur et également engendrer un stress oxydatif et la formation de corps de Heinz.
Le tube de prélèvement est enrichi en anticoagulant de type citrate-dextrose (ACD), citrate-phosphate-dextrose (CPD) ou CPD adénine-1 (CPDA-1) avec un rapport de 1 ml d’anticoagulant pour 7 ml de sang. L’héparine n’est pas recommandée. Les systèmes de prélèvements sont multiples. Ceux ouverts permettent un stockage du sang entre 1 et 6 °C pour une durée de 4 à 24 heures idéalement, tandis que les systèmes clos permettent un stockage pour une durée maximale de 35 jours.
Le produit sanguin est administré au travers d’un filtre spécifique, afin de réduire le risque de micro-agrégation augmentant le risque thrombotique. Auparavant les auteurs ne recommandaient pas l’emploi de pompes à perfusion, mais des études récentes indiquent que leur utilisation améliore le suivi du débit de transfusion sans augmenter le risque d’hémolyse.
Le volume à perfuser peut se calculer de différentes manières. En règle générale, entre 40 et 60 ml de sang total sont transfusés, sauf si le receveur est de petit gabarit, auquel cas il sera envisagé de lui perfuser 10 ml/kg de produit sanguin.
Anticiper les complications
Les réactions transfusionnelles peuvent être immédiates ou retardées et d’origine immunologique ou non immunologique. Leur connaissance permet d’adapter la prise en charge et le suivi transfusionnel en hospitalisation.