DOSSIER
Auteur(s) : PAR CHANTAL BÉRAUD
"Practice manager", directeur de clinique, manager de proximité ou encore responsable des formations et du bien-être au travail : en parcourant l’organigramme de certaines structures vétérinaires, des emplois aux consonances managériales, encore quelque peu méconnus, sont parfois mentionnés. Que "cachent" ces titres et à quoi cela sert-il de professionnaliser davantage une direction de clinique ?
De plus en plus de vétérinaires et d'ASV se détachent – totalement ou partiellement – de la pratique pour se consacrer à des tâches spécifiques plus poussées de management au sein de certaines structures vétérinaires. Pourquoi un tel mouvement ? « Tout simplement parce qu’une clinique vétérinaire est une entreprise comme les autres ! », répond Cyril Chovet (N 05), "practice manager" au sein des cliniques vétérinaires CaduVet à Lille (Nord) et Pontcharra (Isère). Et d’ajouter : « Mon poste a existé dès notre création, en 2007. J’ai en effet toujours eu un temps dédié (au début une demi-journée par semaine) pour l’exercer ». En quoi consiste ce travail ? « À mon sens, répond-il, un "practice manager" a pour principale fonction de permettre à l’ensemble des membres d’une équipe de travailler dans les meilleures conditions possibles. Ce poste comprend bien entendu une part de gestion financière – avec la gestion des comptes clients et fournisseurs – et une part importante et croissante consacrée aux ressources humaines (RH). Avec une écoute et une prise en charge des problématiques de chacun pour arriver à formuler des solutions communes ». Ensuite, il faut accompagner la mise en place desdites solutions…
Une structuration nécessaire en cas de développement
Cyril Chovet se consacre aujourd’hui à temps plein à l’exercice de ce métier, pour une équipe de 15 personnes. « J’ai juste gardé en plus quelques fonctions techniques vétérinaires en orthopédie ou endoscopie, précise-t-il. Le développement de mon poste a suivi celui de l’accroissement du personnel. Mon travail doit permettre de répondre aux attentes de nos équipes, qui sont fortes en termes de qualité de vie au travail ». Car, évidemment, la nécessité de mettre en place un management réellement professionnel se fait particulièrement sentir en cas de croissance de toute entreprise – quel que soit son secteur d’activité – ou lorsqu’il y est mené un travail sur plusieurs sites géographiquement indépendants ou bien encore lorsque la clinique adhère à un réseau…
Pour faire aussi mieux face au casse-tête du recrutement
Pour sa part, Virginie Ferri (non-vétérinaire de formation), directrice de la clinique Sainte-Anne, à Sorgues (Vaucluse), met en avant d’autres facteurs qui contribuent également à cette professionnalisation du management vétérinaire. « C’est parce qu’elles sont à la fois dopées par une forte croissance à deux chiffres, mais dans le même temps confrontées à des difficultés de recrutement de praticiens vétérinaires, que certaines structures vétérinaires sont quasiment forcées à devenir innovantes en matière de management ! », avance-t-elle. Et de poursuivre : « Du coup, elles se rapprochent de plus en plus des autres formes d’entreprises traditionnelles, en développant à leur tour différents postes tels que directeur de site, responsable RH, commercial, etc. ».
Des exemples concrets d’actions
Comment aide-t-elle concrètement les dirigeants vétérinaires de sa structure ? « J'ai été recrutée parce qu’ils souhaitaient se décharger de toute la partie gestion administrative, financière et des ressources humaines, explique la directrice. Par exemple, je prépare leurs dossiers de façon à ce que cela facilite leur prise de décision. Ce qui se traduit ensuite par moins d’inertie et une plus grande capacité d’adaptation aux situations tendues. Mon poste permet également de créer du liant entre le technique et la gestion d’entreprise. En fait, ils ont pris l’habitude de m’appeler leur "couteau suisse" ! En bref, je suis une touche-à-tout, qui a à cœur de mettre sa multi-potentialité au service de l’entreprise ». Avec quels résultats à la clef ? « La création de mon poste, en janvier 2016, a d’abord permis d’apporter un conseil, un soutien, un accompagnement au quotidien pour les associés et les collaborateurs (praticiens vétérinaires et assistantes). Cette même première année de mon arrivée, nous avons constaté une croissance de notre chiffre d’affaires hors taxes de 26 % et nous avons doublé les effectifs. Dès la deuxième année, nous avons commencé à acquérir des sites secondaires ».
A qui sont confiées ces tâches ?
Grâce à son Diplôme d’Études Comptables et Financières (DECF), Virginie Ferri estime qu’être directrice d’une clinique vétérinaire correspond bien à son cœur de métier. Ce poste lui plaît aussi parce qu’elle pense également être autodidacte et parce qu’elle adore la pluriactivité. Pourtant, elle sait aussi qu’elle fait partie d’un cercle restreint, car peu de non-vétérinaires exercent un tel emploi. « L’avantage de mon genre de profil, conclut-elle, c’est que j’apporte à une structure vétérinaire toute mon expérience acquise auparavant dans d'autres entreprises. J’essaie d’avoir une vision globale et transversale, de faire preuve de pédagogie, de patience, tout en sachant rebondir et m’adapter à des situations exceptionnelles. Il y aura je pense à l’avenir encore beaucoup à faire, des opportunités à saisir, de belles occasions pour continuer d’évoluer, d’apprendre et d’échanger ».
Néanmoins, ces nouvelles tâches managériales sont généralement plutôt confiées à un praticien vétérinaire qui se détache de son exercice pour s’y consacrer. C’est le cas de Cyril Chovet, associé dans sa structure. « Ce n’est pas impératif, mais je pense cependant que ma double casquette d’associé et de docteur vétérinaire a été une facilité pour devenir "practice manager", analyse-t-il. Cette double qualité me permet d’avoir une légitimité vis-à-vis de l’équipe mais aussi une liberté dans les choix managériaux et dans l’organisation du travail ». Comment s’y est-il préparé ? « Sans aucune formation initiale en la matière, je dédie désormais l’ensemble de ma formation continue à ce domaine, principalement au sein de l’association Ergone1, dont je suis le secrétaire ». Quel regard porte-t-il sur son fonctionnement actuel ? « Je pense que notre organisation est efficace et que le temps plein que je peux consacrer à cette fonction de "practice manager" - dont le rôle est clairement identifié - me permet d’être disponible dès que cela s’avère nécessaire. Cependant, l’un des points que je souhaiterais améliorer à l’avenir serait de parvenir à mieux partager ces fonctions. Il est en effet facile de concentrer de nombreuses tâches sur soi-même ! Mais trouver des relais (vétérinaires, ASV, voire même d’autres profils...) qui seraient capables de travailler avec moi sur ces sujets serait un plus. Ne serait-ce que pour pouvoir me remplacer en cas d’absence ou d’indisponibilité ». Enfin, pour conclure, il est intéressant de noter que le temps de travail de tous les associés au sein de CaduVet est rémunéré au même niveau, qu’il s’agisse d’une activité en clientèle ou d’un travail administratif.
« Le management ne s’invente pas, il s’apprend ! »
ENTRETIEN AVEC ÉLODIE CRESTEY ASV au plateau technique de chirurgie à la clinique Saint-Roch de La Rochelle (réseau AniCura)
Pourquoi avez-vous été nommée manager de proximité en plus de votre poste d’ASV ?
Comme nous sommes une structure en phase de croissance (avec actuellement 19 vétérinaires et 25 ASV), un besoin s’est fait sentir de permettre à tout le monde de se connaître, d’être capable de mettre un nom sur un visage ! Rien que dans mon service, nous sommes 7 ASV. En outre, l’équipe comporte des profils différents, depuis l’ASV non diplômée jusqu’à moi-même, qui suis considérée comme senior. À seulement 35 ans, j’ai en effet déjà quinze ans d’ancienneté derrière moi. Je suis donc là pour faire du liant, mais aussi pour faire remonter d’éventuels problèmes : il peut encore arriver qu’il y ait une certaine peur des ASV vis-à-vis de leur hiérarchie vétérinaire.
Quels sont vos rôles et sous quel statut ?
Salariée en CDI à 35 heures, je peux consacrer trois heures par semaine à ce rôle de manager de proximité. Pour ce faire, j’ai notamment suivi deux formations, pour savoir comment devenir manager et aussi pour être en phase avec les aspirations des nouvelles générations de recrues. J’assiste en effet aux entretiens d’embauche. Quant à mes rôles, ils sont multiples : je dois par exemple aider à la mise en place de vraies valeurs d’équipe grâce à ma bonne connaissance de tous les collaborateurs. J’ai aussi un rôle de soutien et d’écoute. J’ai en effet appris à aborder un même problème sous différents angles, de manière à m’adapter au caractère de chacun ! Et si jamais je me rends compte qu’il se pose soit un problème répété d’attitude - ou trop d’erreurs régulièrement produites - je vais essayer de comprendre ce qui ne convient pas à la personne, et quelles solutions peuvent éventuellement lui être proposées pour revenir à une forme de bien-être, et non de mal-être, au travail.
Avez-vous un rôle dans la formation ?
Oui. Par exemple, toute la clinique suit deux heures par mois un petit-déjeuner scientifique, que je suis en charge de préparer. En fonction du thème préalablement sélectionné par le comité directeur, je recherche quel praticien libéral, quel laboratoire ou quel formateur individuel va intervenir.
Quelle est l’une de vos dernières « réussites » ?
Étant actuellement absente, je suis contente de constater que j’ai réussi le passage de relais. En effet, j’ai reçu des messages qui montrent que tout fonctionne bien à la clinique sans moi ! Cela fait en effet partie du rôle des ASV les plus expérimentées de partager leurs connaissances en formant les plus jeunes, toutes ces ASV que je nomme affectueusement « mes petites nouvelles ».
« J’ai l’impression grisante de travailler à partir d’une feuille vierge ! »
ENTRETIEN AVEC CYRILLE NICOLAS, directeur adjoint à AniCura LorraineVet, à Ludres (Meurthe-et-Moselle)
Pourquoi avez-vous été recruté comme directeur adjoint ?
Notre structure (qui travaille en partenariat avec d’autres vétérinaires clients qui lui réfèrent des cas) rassemble aujourd’hui une cinquantaine de personnes, dont 18 praticiens, 28 ASV et quatre standardistes. Ce sont trois associés vétérinaires qui l’ont créée en 1991. Au printemps 2019, après avoir intégré AniCura, ils ont eu à correspondre avec des interlocuteurs du réseau davantage formés au management qu’ils ne l’étaient eux-mêmes. Ils ont alors décidé de créer un nouveau poste de directeur adjoint pour s’occuper à la fois des ressources humaines (recrutement, accompagnement des équipes, formation), de l’aspect financier (bilan mensuel, tenue d’une comptabilité analytique) ainsi que de leur communication (gestion des réseaux sociaux, relations avec les propriétaires et les vétérinaires référents). Cette nouvelle organisation leur permet au final de se concentrer davantage sur leur cœur de métier : les soins vétérinaires.
Pourquoi avez-vous été le candidat retenu ?
Les associés recherchaient un candidat très polyvalent, une sorte de « couteau suisse » ! Je les ai donc rejoints à 51 ans, après 28 ans de management dans d’autres types de structures. Je ne suis donc nullement vétérinaire de formation, mais je trouve que grâce à cela, je peux mettre en place des projets, des stratégies à six mois ou à un an, avec moins d’affect qu’un praticien qui serait par ailleurs davantage intégré dans la clinique.
Être manager dans une structure vétérinaire, en quoi est-ce différent ?
Comme les structures vétérinaires ont un management relativement peu développé, quand on se met à y travailler, c’est grisant car on a un peu l’impression de partir d’une feuille vierge ! Mes autres amis managers qui sont employés dans divers autres secteurs d’activité ont en effet à respecter un cadre beaucoup plus figé. Un an après mon arrivée ici, j’éprouve pour ma part une satisfaction à me dire que je ne m’y suis pas ennuyé un seul instant. Y travailler représente donc pour moi un challenge épanouissant.
« Le management ne s’invente pas, il s’apprend ! »
ENTRETIEN AVEC ÉLODIE CRESTEY ASV au plateau technique de chirurgie à la clinique Saint-Roch de La Rochelle (réseau AniCura)
Pourquoi avez-vous été nommée manager de proximité en plus de votre poste d’ASV ?
Comme nous sommes une structure en phase de croissance (avec actuellement 19 vétérinaires et 25 ASV), un besoin s’est fait sentir de permettre à tout le monde de se connaître, d’être capable de mettre un nom sur un visage ! Rien que dans mon service, nous sommes 7 ASV. En outre, l’équipe comporte des profils différents, depuis l’ASV non diplômée jusqu’à moi-même, qui suis considérée comme senior. À seulement 35 ans, j’ai en effet déjà quinze ans d’ancienneté derrière moi. Je suis donc là pour faire du liant, mais aussi pour faire remonter d’éventuels problèmes : il peut encore arriver qu’il y ait une certaine peur des ASV vis-à-vis de leur hiérarchie vétérinaire.
Quels sont vos rôles et sous quel statut ?
Salariée en CDI à 35 heures, je peux consacrer trois heures par semaine à ce rôle de manager de proximité. Pour ce faire, j’ai notamment suivi deux formations, pour savoir comment devenir manager et aussi pour être en phase avec les aspirations des nouvelles générations de recrues. J’assiste en effet aux entretiens d’embauche. Quant à mes rôles, ils sont multiples : je dois par exemple aider à la mise en place de vraies valeurs d’équipe grâce à ma bonne connaissance de tous les collaborateurs. J’ai aussi un rôle de soutien et d’écoute. J’ai en effet appris à aborder un même problème sous différents angles, de manière à m’adapter au caractère de chacun ! Et si jamais je me rends compte qu’il se pose soit un problème répété d’attitude - ou trop d’erreurs régulièrement produites - je vais essayer de comprendre ce qui ne convient pas à la personne, et quelles solutions peuvent éventuellement lui être proposées pour revenir à une forme de bien-être, et non de mal-être, au travail.
Avez-vous un rôle dans la formation ?
Oui. Par exemple, toute la clinique suit deux heures par mois un petit-déjeuner scientifique, que je suis en charge de préparer. En fonction du thème préalablement sélectionné par le comité directeur, je recherche quel praticien libéral, quel laboratoire ou quel formateur individuel va intervenir.
Quelle est l’une de vos dernières « réussites » ?
Étant actuellement absente, je suis contente de constater que j’ai réussi le passage de relais. En effet, j’ai reçu des messages qui montrent que tout fonctionne bien à la clinique sans moi ! Cela fait en effet partie du rôle des ASV les plus expérimentées de partager leurs connaissances en formant les plus jeunes, toutes ces ASV que je nomme affectueusement « mes petites nouvelles ».
« J’ai l’impression grisante de travailler à partir d’une feuille vierge ! »
ENTRETIEN AVEC CYRILLE NICOLAS, directeur adjoint à AniCura LorraineVet, à Ludres (Meurthe-et-Moselle)
Pourquoi avez-vous été recruté comme directeur adjoint ?
Notre structure (qui travaille en partenariat avec d’autres vétérinaires clients qui lui réfèrent des cas) rassemble aujourd’hui une cinquantaine de personnes, dont 18 praticiens, 28 ASV et quatre standardistes. Ce sont trois associés vétérinaires qui l’ont créée en 1991. Au printemps 2019, après avoir intégré AniCura, ils ont eu à correspondre avec des interlocuteurs du réseau davantage formés au management qu’ils ne l’étaient eux-mêmes. Ils ont alors décidé de créer un nouveau poste de directeur adjoint pour s’occuper à la fois des ressources humaines (recrutement, accompagnement des équipes, formation), de l’aspect financier (bilan mensuel, tenue d’une comptabilité analytique) ainsi que de leur communication (gestion des réseaux sociaux, relations avec les propriétaires et les vétérinaires référents). Cette nouvelle organisation leur permet au final de se concentrer davantage sur leur cœur de métier : les soins vétérinaires.
Pourquoi avez-vous été le candidat retenu ?
Les associés recherchaient un candidat très polyvalent, une sorte de « couteau suisse » ! Je les ai donc rejoints à 51 ans, après 28 ans de management dans d’autres types de structures. Je ne suis donc nullement vétérinaire de formation, mais je trouve que grâce à cela, je peux mettre en place des projets, des stratégies à six mois ou à un an, avec moins d’affect qu’un praticien qui serait par ailleurs davantage intégré dans la clinique.
Être manager dans une structure vétérinaire, en quoi est-ce différent ?
Comme les structures vétérinaires ont un management relativement peu développé, quand on se met à y travailler, c’est grisant car on a un peu l’impression de partir d’une feuille vierge ! Mes autres amis managers qui sont employés dans divers autres secteurs d’activité ont en effet à respecter un cadre beaucoup plus figé. Un an après mon arrivée ici, j’éprouve pour ma part une satisfaction à me dire que je ne m’y suis pas ennuyé un seul instant. Y travailler représente donc pour moi un challenge épanouissant.
ANNE LOZACH (N07)
Praticienne « ambassadrice chats », à Rennes (Ille-et-Vilaine)
« Notre management mise sur l’atout chat ! »
L’an passé, afin de décrocher le label « Cat Friendly Gold », nous avons légèrement transformé la clinique. Nous disposions déjà de deux chatteries avec des cages en résine (qui ne sont pas froides ou bruyantes comme du métal). En complément, nous avons décidé de consacrer deux salles de consultation aux seuls chats, ainsi qu’une salle d’attente. Nous diffusons également des phéromones dans l’atmosphère. Les assistantes et les vétérinaires ont appris des techniques pour manipuler les chats différemment, de manière à ce que l’équipe de soins comme les animaux aient moins de stress ! Ainsi, nous parvenons désormais le plus souvent à leur poser des cathéters sans même avoir à les tranquilliser… En définitive, je suis donc devenue "ambassadrice chats" ! Nous sommes fiers de pouvoir proposer ces services nouveaux, alignés sur notre volonté d'offrir des soins de qualité qui valorisent notre pratique auprès de notre clientèle. Il s’agit donc d’un angle de management différenciant, sur lequel il est intéressant d'avancer.