Antibiorésistance
PHARMACIE
Auteur(s) : Par Céline Gaillard-Lardy
L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a organisé le 15 novembre dernier une conférence de presse pour présenter les excellents résultats concernant le suivi de l’antibiorésistance et de la consommation d’antibiotiques en santé animale.
Si la France a longtemps été un mauvais élève, en termes de consommation d’antibiotiques en santé animale, les plans Ecoantibio 1 et 2 ont été l’objet d’une « mobilisation exemplaire » des vétérinaires et du monde de l’élevage, selon les propres mots de Gilles Salvat. Le directeur général délégué pour la recherche à l'Anses explique ce succès par l’implication des praticiens et l’efficacité du système de surveillance, ayant permis la mise au point d’indicateurs en passe de faire référence au niveau européen.
Diminution de la consommation en France
En effet, les résultats 2020 confirment la diminution de la consommation d’antibiotiques en santé animale, avec une réduction de 3 % du tonnage total et un degré d’exposition des animaux aux antibiotiques (ALEA) en baisse de 0,6 % par rapport aux données de 2019. Cette diminution est surtout marquée par celle du recours à la voie orale, essentiellement dû aux prémélanges médicamenteux. La consommation continue de baisser chez les volailles et les porcs, mais montre une certaine stabilité chez les bovins et les lapins. En revanche, une légère augmentation est constatée chez les carnivores domestiques, sans doute liée à une plus forte médicalisation de cette catégorie, en raison de la situation sanitaire.
Baisse spectaculaire des antibiotiques critiques
Côté antibiotiques critiques, les résultats vont au-delà des objectifs, avec une réduction de 94 % de l’utilisation des céphalosporines de 3e et 4e génération depuis 2013, une baisse particulièrement notable chez les bovins, et de 87 % des traitements par fluoroquinolones, également depuis 2013. Les objectifs de diminution de l’emploi de la colistine, en raison du regain d’intérêt pour cette molécule en santé humaine, étaient de 50 %. Depuis 2014, elle dépasse les 66 %, avec une baisse notable chez les animaux de rente.
La France bon élève
Si cette tendance à la diminution de la consommation des antibiotiques en santé animale est mondiale, -34 % entre 2015 et 2017 selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), il existe cependant de grandes disparités, au niveau européen et extra-européen. La France, longtemps considérée comme un mauvais élève, a rejoint le groupe de tête puisque les indicateurs européens disponibles montrent une consommation d’antibiotiques moyenne de 88 mg/kg en Europe, alors qu’en France, ce chiffre est estimé à 56 mg/kg. De même, la diminution de la consommation française d’antibiotiques critiques en santé animale depuis 2013 est sans comparaison avec celle de la moyenne européenne, estimée à 13 % pour les fluoroquinolones et à 33 % pour les céphalosporines de dernière génération (contre près de 90 % en France dans la même période pour ces deux familles).
Recul de l’antibiorésistance
Ceci s'explique en partie par le système de surveillance national, qui fait aujourd’hui figure de référence au niveau européen, à la fois pour le suivi de la consommation et de l’exposition des animaux aux antibiotiques, sur la base de données déclarées volontairement par les industriels, mais aussi pour la surveillance de la résistance aux antibiotiques par le biais du Résapath (réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales). Ce dernier, fondé sur le volontariat, permet la surveillance de pathogènes isolés sur des animaux malades. En 2020, ce réseau a pu analyser les résultats de plus de 50 000 antibiogrammes, recueillis auprès de 71 laboratoires contributeurs. Et les résultats sont très encourageants : les bactéries isolées montrent le recul de la multirésistance et une progression de la pansensibilité. Les antibiotiques dits critiques ne sont pas en reste : la résistance aux C3C4G, ainsi qu’aux fluoroquinolones, est en baisse, avec des taux de résistance inférieurs à 8 %, toutes espèces confondues. Le niveau de résistance vis-à-vis des antibiotiques non critiques est également en baisse constante chez les animaux de rente, même si une marge de progrès existe chez les chiens, les chats et les chevaux : une légère augmentation des taux de résistance est en effet à noter dans cette catégorie depuis 2 ans.
Surveillance européenne en abattoir
Jean-Yves Madec, directeur scientifique sur l’antibiorésistance et responsable du Résapath, a également présenté les résultats de la surveillance européenne réglementaire de l’antibiorésistance, effectuée par le laboratoire national de référence de l’Anses à partir de prélèvements en abattoir. Trois bactéries sont surveillées dans le cadre de ce programme : les salmonelles et Campylobacter, responsables de toxi-infections alimentaires majeures, ainsi que Escherichia coli, bon indicateur de la résistance aux antibiotiques. Chez les salmonelles, la résistance aux antibiotiques, et notamment aux antibiotiques critiques, est très rare. En revanche, il existe une forte résistance, non expliquée à ce jour, de Campylobacter, à la fois aux tétracyclines et aux fluoroquinolones. Cela n’a pas réellement de conséquences, d’autres traitements étant disponibles. Enfin, E. coli est de plus en plus sensible à tous les antibiotiques, à l’exception des germes isolés chez le porc.
Perspectives d’avenir
L’année 2022 verra la mise en place du prochain plan Ecoantibio, toujours en cours de préparation. En effet, l’échéance du deuxième plan, initialement prévue en 2021, a été repoussée afin d’avoir un lancement commun des plans destinés à la santé animale et à la santé humaine.
Enfin, ces prochaines années devraient permettre d’avancer sur le projet d’un « Résapath » européen, sur le modèle du réseau français.