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ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Par Tanit Halfon
Pour les membres de la nouvelle association Vétérinaires homéopathes de France, les récentes annonces de l’Ordre sur l’homéopathie reflètent une ignorance de la réalité de leurs pratiques. Ils dénoncent une remise en cause de leur liberté d’exercice vétérinaire.
En octobre dernier, faisant suite à l’avis de l’Académie vétérinaire de France sur l’homéopathie vétérinaire, le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires déclarait que les pratiques médicales non conventionnelles ou non reconnues relevaient au mieux, en l’état actuel des connaissances, d’un effet contextuel. Par voie de conséquence, il a été acté que la formation continue associée ne pouvait donner lieu à la délivrance de crédits de formation continue et que les appellations de « vétérinaire homéopathe » et « exercice exclusif en homéopathie » n’étaient pas autorisées.
En réponse, les vétérinaires pratiquant cette discipline ont créé une association1, Vétérinaires homéopathes de France, pour défendre leur pratique. Entrevue.
Que pensez-vous de la position actuelle vis-à-vis de l’homéopathie vétérinaire ?
Nous ne nous attendions pas à être attaqués par des confrères. Certains pensent que nous ne ferions pas de diagnostic clinique, ce qui est faux. Nous sommes d’abord vétérinaires. Après, il y a un autre diagnostic qui est lié à la technique et qui complète le diagnostic classique. Il nous est indispensable pour prescrire dans les techniques non conventionnelles. Avec l’homéopathie, nous avons une corde supplémentaire à notre arc thérapeutique, que nous employons si nécessaire et dans l’intérêt de l’animal.
Le texte de l’Ordre dépasse le seul cadre de l’homéopathie et intéresse la liberté de choix à la fois des grands organismes de formation qui font notre profession mais aussi notre liberté d’exercice en tant que vétérinaires, en toute connaissance et conscience, dans l’intérêt de l’animal et en accord avec les propriétaires. C’est un réel péril pour la pensée, pour notre liberté de praticien.
Le rapport de l’AVF est très clair sur la question de l’efficacité de l’homéopathie : il n’y a pas, à ce jour, de preuves scientifiques suffisantes pour soutenir son efficacité. L’Ordre suit les conclusions du rapport en déclarant que les pratiques non conventionnelles, dont l’homéopathie, ne peuvent prétendre, au mieux, qu’au seul effet contextuel. Que répondez-vous à cela ?
L’avis de l’Académie est biaisé du fait de la présence dans sa commission de deux vétérinaires membres des Zétérinaires. De plus, nous avions porté à sa connaissance de nombreuses publications nationales et internationales, dont certaines sur la médecine vétérinaire collective, qui montraient des résultats positifs. Nous avions aussi organisé une journée de recherche pour présenter un état des lieux des connaissances. Nous pensions que sa conclusion serait plus mitigée, en expliquant qu’il fallait continuer la recherche, même si on ne comprenait pas tout en homéopathie, car il se passait probablement quelque chose. Or, il en ressort un rapport dont la première partie est extrêmement hostile à l’homéopathie quand la seconde est plus dans le compromis. L’Ordre n’a retenu que la première partie. De plus, l’avis de l’AVF a été publié la même semaine qu’un avis2 de l’Académie de médecine disant d’une part qu’il fallait effectivement poursuivre la recherche, mais d’autre part qu’il fallait enseigner l’homéopathie dans les facultés de médecine.
Rappelons aussi qu’une méta-analyse effectuée par le Conseil national australien de la santé et de la recherche médicale (NHMRC pour National Health and Medical Research Council) est arrivée à une conclusion positive vis-à-vis de l’homéopathie. En 2015, un rapport avait été rendu public et associé dans les médias à la conclusion que l’homéopathie en médecine humaine était inefficace. Or, le NHMRC a finalement publié en 2019 une première version de ce rapport qui faisait état, au contraire, de résultats encourageants pour certains troubles de santé (voir note 3 de bas de page). Sa non prise en compte relève d’une malhonnêteté scientifique et intellectuelle.
Souhaiteriez-vous engager des projets de recherche, éventuellement en association avec les ENV ?
Bien sûr, c’est évident ! Mais est-ce que les ENV sont prêtes à s’engager sur ce genre de projets ? Il faut de plus une réelle volonté politique. Il y a aussi un problème financier, il faut trouver des crédits. Rappelons tout de même que la recherche en homéopathie vétérinaire existe, c’est trop facile d’affirmer le contraire. On peut aussi constater que dans les écoles, l’homéopathie peut être tolérée pour améliorer le bien-être animal dans les cas de nervosité, de troubles de comportement… Réduire l’homéopathie au soulagement de la souffrance psychologique ou comportementale est réducteur.
Est-ce que l’avis de l’Académie et la déclaration de l’Ordre peuvent changer vos pratiques et relations avec vos clients ? L’Ordre indique, en effet, que « le client doit être informé qu’en l’état actuel des connaissances, l’efficacité du traitement relève au mieux d’un effet contextuel. » De plus, il indique que « ces pratiques ne doivent pas se substituer à un traitement médicamenteux dès lors qu’il est nécessaire ».
Nous invitons l’Ordre à venir avec nous sur le terrain, notamment en élevage. Nous n'imposons pas une thérapeutique aux éleveurs, mais ce sont eux qui la réclament. C’est la réalité du terrain, y compris dans des filières d’élevage très organisées. C’est le cas par exemple en filières avicoles où des groupements nous sollicitent pour former les éleveurs et mettre en place des programmes d’élevage en homéopathie.
Ceci dit, si la conclusion de l’examen est que la situation nécessite une autre thérapeutique, nous adaptons notre traitement au mieux pour l’animal et le propriétaire. Supprimer la pratique vétérinaire de l’homéopathie ne supprimera pas l’homéopathie dans nos élevages. Elle sera prescrite par d’autres personnes qui n’ont ni la formation ni les compétences vétérinaires. C’est précisément là qu’il y aura une perte de chance pour les animaux.
Le véritable danger n’est pas un manque d’efficacité thérapeutique, ni une perte de chance liée à une médecine. Nous sommes face à une société marquée par la défiance vis-à-vis de la médecine conventionnelle et qui va chercher des alternatives. C’est là qu’il faut être présent car ces dernières n’existent pas, le choix de la thérapeutique dépend de la clinique. Il n’y a qu’une seule médecine.
Il est probable que les responsables nationaux aient perdu contact avec le terrain, et le texte de l’Ordre reflète bien une ignorance de nos pratiques.