Diagnostiquer les maladies endocriniennes - La Semaine Vétérinaire n° 1924 du 10/12/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1924 du 10/12/2021

Médecine interne

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : PAR MARION BOIDOT

Dans le cadre du cycle de formation proposé en ligne par l’Association vétérinaire équine française (Avef), Marianne Depecker (CHVE Conques) a présenté, le 14 octobre dernier, une webconférence sur les méthodes diagnostiques des principales maladies endocriniennes du cheval intitulée : « Fourbure, syndrome métabolique et DPIH : comment interpréter les tests endocriniens… ou comment ne pas soigner une prise de sang ! »

Les vétérinaires rencontrent principalement le syndrome métabolique équin (SME) et le dysfonctionnement de la pars intermedia de l’hypophyse (DPIH), ou syndrome de Cushing équin.

DPIH

L’affection est directement liée au vieillissement et touche environ 20 % des équidés de plus de 15 ans (âge moyen de diagnostic à 19-20 ans). Elle concerne toutes les races et espèces équines, avec une nette prédisposition pour les races dites rustiques.

Physiopathologie

Le DPIH est causé par une dégénérescence des neurones dopaminergiques entraînant une baisse de la sécrétion de dopamine, avec pour conséquence une baisse de l’inhibition de la pars intermedia de l’hypophyse, et donc une hyperplasie fonctionnelle (adénome) de l’hypophyse. Cette hyperplasie fonctionnelle est à l’origine de l’augmentation des sécrétions contrôlées par la pars intermedia, notamment les proopiomélanocortines (POMC).

Clinique

La présence et la sévérité des signes cliniques dépendent des signes histologiques. Le DPIH est subclinique dans environ 50 % des cas. Les signes peuvent être : hirsutisme (pathognomonique mais pas systématique, parfois très subtil en début d’évolution), retard de mue, léthargie, redistribution graisseuse avec amyotrophie dorsale, abdomen pendulaire, hyperhidrose, susceptibilité augmentée aux infections, retard de cicatrisation, dégénérescence des ligaments suspenseurs, fourbure (la plus fréquente et la plus grave des complications). Un syndrome PUPD peut apparaître, notamment si un diabète de type II se développe de façon secondaire. Par ailleurs, le DPIH peut coexister avec un syndrome métabolique.

Tests

Lors de suspicion clinique, les tests recommandés sont le dosage de l’ACTH basal et le test de suppression à la dexaméthasone avec dosage du cortisol :

– Dosage de l’ACTH basal : prélèvement sur tube EDTA centrifugé et réfrigéré dans les 3h, récupération du plasma sur tube sec et envoi sous couvert du froid dans les 24h. Il existe des faux négatifs, en début d’évolution, et des faux positifs : variation saisonnière (augmentation à l’automne) et interindividuelle (augmentation chez les chevaux gris et races rustiques). L’ACTH est également plus élevée lors d’affection chronique ou en cas de mauvaise condition physique. L’interprétation est délicate et doit toujours s’appuyer sur la suspicion clinique et épidémiologique ainsi que sur les seuils d’interprétation propres à chaque laboratoire. Il est fortement déconseillé de traiter un cheval sur la base d’un résultat positif s’il ne présente pas de signes cliniques.

– Test de suppression à la dexaméthasone avec dosage du cortisol : injection de 40mg de dexameéthasone à T0 puis dosage du cortisol 24 heures plus tard. Les chevaux sont normaux à 0mg/dl. Il existe une zone grise entre 0,5 et 1mg/dl. De faux positifs peuvent être détectés si le test est réalisé pendant l’automne (entre juillet et novembre). Ce test présente une prise de risque sur les chevaux déjà fourbus.

En seconde intention, lorsque les résultats des tests ne permettent pas de conclure ou lorsqu’un test de suppression à la dexaméthasone n’est pas souhaitable, un test de stimulation à la TRH avec dosage de l’ACTH peut être réalisé, mais uniquement en milieu hospitalier.

Dans l’éventualité où aucun test n’est envisageable, ou si une suspicion clinique forte n’est pas étayée par des tests concluants, un diagnostic thérapeutique peut être envisagé en commençant un traitement au pergolide (Prascend), la réponse clinique étant attendue sous 2 à 6 semaines.

Syndrome métabolique équin

Le syndrome métabolique équin (SME) est un dysfonctionnement métabolique et hormonal, concernant plus spécifiquement certaines races d’équidés rustiques, à l’âge adulte. Il se caractérise par une obésité générale ou des dépôts graisseux régionaux, liés à un dérèglement de l’insuline caractérisé par une insulinorésistance et une hyperinsulinémie.

Cycle normal et physiopathologie

Les races rustiques sont adaptées à une alternance d’abondance et de raréfaction de la nourriture, cette adaptation métabolique leur permettant d’alterner des phases anaboliques et cataboliques pour survivre. Lorsque la nourriture est abondante (été), les repas conduisent à une hyperinsulinémie post-prandiale qui favorise l’assimilation du glucose par les tissus et inhibe la gluconéogenèse. L’effet anabolique favorise l’apparition et le maintien des réserves adipeuses menant à l’obésité. Il contribue également au développement d’une insulino-résistance, qui ne permet plus l’assimilation du glucose et entraîne une mobilisation des réserves pour la néoglucogenèse (effet catabolique).

Lorsque la nourriture est rare ou lorsque l’activité physique augmente, l’animal peut mobiliser des réserves graisseuses et perd du poids. Cela permet aux tissus de retrouver leur sensibilité à l’insuline avec un effet anabolique de stockage des graisses. Lorsque les phases cataboliques disparaissent (abondance de nourriture même en hiver, inactivité physique…), une insulinorésistance persistante apparaît, à l’origine du développement du syndrome. Par ailleurs, l’insulinorésistance et l’hyperinsulinémie favorisent l’apparition d’un DPIH. Le développement de cette insulinorésistance est d’autant plus facile que l’alimentation est riche en sucres simples, en amidon et en fructanes (herbe).

Dérèglement

Chez les chevaux atteints de SME, l’insulinorésistance est à l’origine d’une hyperglycémie (du fait de la diminution de l’absorption du glucose) qui stimule la sécrétion d’insuline, augmentant par là même l’hyperinsulinémie, ce qui normalise la glycémie tant qu’un diabète de type II ne s’est pas développé.

Parallèlement, l’insulinorésistance est à l’origine d’une hypertriglycéridémie du fait de la suppression de la lipolyse, qui peut être aggravée par la mise à jeun secondaire à la douleur ou à l’inflammation. Cela peut conduire à une hyperlipémie, notamment chez les ânes, qui y sont particulièrement prédisposés.

Signes cliniques

Les signes cliniques observés sont des dépôts adipeux localisés pouvant aller jusqu’à l’obésité, et la fourbure endocrinienne.

Tests

Toute fourbure inexpliquée doit faire suspecter une cause endocrinienne et donner lieu à des tests :

– Dosage de l’insuline plasmatique. Prélèvement : sérum sur tube sec ou plasma hépariné sur cheval à jeun ou n’ayant reçu qu’un repas de foin (pas d’enrubanné !). La sensibilité est faible et les faux négatifs très fréquents, mais la spécificité est forte. Valeur diagnostique : > 20µIU/ml à jeun, > 30µIU/ml si repas de foin

– Test de tolérance au glucose oral. Insulinémie à jeun T0 puis à T0 + 2h : prélèvement sur tube sec ou plasma hépariné.

– Administration de glucose : paille hâchée + 0.5-1g glucose/kg poids vif (valeur diagnostique : insuline > 68-80 µIU/ml), Karo Syrup à la seringue : 0,15 ou 0,45ml/kg poids vif (valeur diagnostique : insuline > 45µIU/ml ou 110µIU/ml) ou glucose 1g/kg PV + 2l d’eau par sondage naso-gastrique sans sédation sur animal non stressé (valeur diagnostique : insuline > 110µIU/ml)

- Test de tolérance combiné insuline/glucose IV : injection de 150mg/kg poids vif de glucose IV et de 0,1UI/kg d’insuline et mesure de glycémie et insulinémie T0, T45min et T75min. Chez les chevaux sains, on observe une courbe biphasique hyperglycémie puis hypoglycémie avec retour à la norme à T45min. L’insulinémie doit rester < 20µIU/ml à T0 et T45min. Lors de dérèglement de l’insuline, l’hyperinsulinémie et l’hyperglycémie sont persistantes.