L’hyperflexion : alerte ! - La Semaine Vétérinaire n° 1924 du 10/12/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1924 du 10/12/2021

Collectif Pour les Chevaux

TRIBUNE LIBRE

Auteur(s) : Cécile Bérault, vétérinaire, dirigeante d’un centre équestre en Mayenne et enseignante d’équitation

L’hyperflexion est une attitude, imposée par le cavalier, où le cheval a l’encolure rouée, le chanfrein en arrière de la verticale. Ce n’est pas du tout naturel pour le cheval, perturbe son équilibre, sa vision et sa respiration, et lui procure de nombreuses souffrances physiques et mentales.

Cette méthode de travail est pourtant largement répandue car elle donne des allures spectaculaires et met le cheval dans une situation d’hypersoumission.

Environ un vétérinaire équin français sur deux ne connaît pas la pratique du Rollkur (Santosuosso 2018). L’hyperflexion avec une encolure basse, le LDR (Long, Deep, Round), est confondue avec l’extension d’encolure correcte (chanfrein devant la verticale) et même appelée « stretching ».

Notre formation ne permet pas d’appréhender correctement cette problématique. Il est indispensable d’alerter le monde vétérinaire par des articles et des conférences pour éviter que certains vétérinaires équins donnent des conseils allant à l’encontre des connaissances scientifiques actuelles. L’étude la plus récente (Kienapfel, 2021) montre que positionner le chanfrein plus de 5-7° derrière la verticale, compromet le bien-être du cheval, que l’encolure soit haute ou basse. Ces 15 dernières années, de nombreuses études scientifiques ont été menées : la majorité conclut à un manque d’effet sur la performance (74 %) et à une nuisance sur le bien-être du cheval (88 %).

L’hyperflexion a de nombreuses conséquences néfastes : restriction du champ de vision, blocage du balancier tête encolure, réduction du diamètre du pharynx, difficultés à respirer et à avaler, entrave de l’articulation temporo-mandibulaire, signes d’inconfort et de comportements conflictuels, perte de rebond, tractions anormales sur la crête occipitale et le ligament nuchal, réduction de la mobilité en région lombaire, compression des corps vertébraux et des disques intervertébraux, compression de la parotide, crampes du muscle brachio-céphalique, augmentation du cortisol (stress), blocage de la respiration, blessures des barres, circulation sanguine de la langue entravée par la traction sur le mors (langue bleue), hypersoumission, résignation acquise et diminution de la capacité d’apprentissage, dénaturation des allures avec perte de diagonalisation dans le trot, le passage et le piaffer et latéralisation du pas.

À l’heure actuelle, la Suisse a déjà pris le taureau par les cornes et légiféré : la fédération équestre et les autorités ont pris position contre l’hyperflexion, qui constitue un délit interdit par la loi depuis 2014.

La FEI a ajouté le LDR dans le paragraphe « abus et maltraitances » de ses directives pour les commissaires de paddock de 2019. Si le LDR est maintenu dans un degré d’inclinaison de chanfrein excessif ou de façon « prolongée », il est considéré comme abusif et maltraitant.

Notre Collectif Pour les Chevaux regroupe des professionnels de la filière équine ainsi que des cavaliers de compétition et de loisir souhaitant mettre fin à la persistance de pratiques équestres maltraitantes, comme l’hyperflexion. Nous nous sommes adressés à notre confrère Loïc Dombreval pour rechercher un soutien au niveau parlementaire. Une audition en visioconférence s’est déroulée le 3 novembre dernier. Nous avons décrit la pandémie de l’hyperflexion et des muserolles serrées dans la filière équestre et proposé des solutions pour des Jeux olympiques à Paris sans maltraitance.

Les conflits d’intérêts sont légion, personne n’ose dénoncer personne, car tout le monde se connaît. Ainsi le massacre continue, les chevaux en sont les victimes silencieuses. Il est grand temps d’agir. Les associations de défense animale parlent d’interdire l’utilisation du cheval en compétition, voire d’une interdiction totale de monter à cheval.