Les recommandations de l’AAFP pour les soins des chats seniors - La Semaine Vétérinaire n° 1924 du 10/12/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1924 du 10/12/2021

Médecine féline

FORMATION CANINE

Auteur(s) : PAR TAREK BOUZOURAA

À l’image des pratiques en médecine humaine, la médecine féline s’oriente progressivement vers une prise en charge dédiée et performante des individus âgés. Selon les dernières recommandations de l’American Association of Feline Practitioners parues dans le Journal of Feline Medicine and Surgery1, un chat peut être considéré comme « âgé » (ou appartenant à la catégorie « senior ») dès l’âge de 8 ans. Ainsi, beaucoup de chats âgés sont désormais recensés, compte tenu de leur médicalisation grandissante, ainsi que d’un accompagnement plus performant par les vétérinaires et par leurs propriétaires.

Affections chroniques et bien-être

Les comorbidités qui s’accumulent avec l’âge chez le chat sont nombreuses. La néphropathie chronique, l’hyperthyroïdie, l’arthrose, les gingivo-stomatites (et maladies parodontales) tout comme l’hypertension artérielle idiopathique sont les principales affections qui peuvent toucher les chats seniors. Elles doivent faire l’objet d’un dépistage précoce afin d’améliorer leur prise en charge et l’accompagnement dans le temps. Un diabète sucré (dans un contexte de pancréatite chronique) peut également survenir chez le chat, bien que l’âge ne soit pas un facteur de risque ou de gravité clinique.

La douleur progressive et chronique perturbe la vie du chat

La baisse des interactions et des jeux avec les membres de la famille et les congénères, une chute d’appétit, une pousse anormale des griffes (non usées lors des déplacements), une diminution voire un arrêt du toilettage tout comme les modifications des déplacements (occupation de lieux inhabituels et plus faciles d’accès, évitement des surfaces en hauteur, boiteries) et la malpropreté urinaire (voire fécale) sont autant de signes d’anomalies musculo-squelettiques entraînant de la douleur qu’il est important de dépister lors de l’échange avec les propriétaires. Les experts proposent une liste des affections pouvant causer de la douleur chronique et qu’il est utile de rechercher (voir encadré).

L’amyotrophie, le pelage terne et le squamosis (dorso-lombaire) avec la présence de nœuds de poils témoignent d’un arrêt du toilettage et nécessite un approfondissement de l’évaluation à la recherche d’une douleur chronique (cf. infra).

Le syndrome de dysfonction cognitive liée à l’âge

Les chats âgés peuvent présenter une variation de leur comportement et de leurs habitudes de vie sans lien avec de la douleur ou toute maladie chronique. Cela peut provenir d’une dysfonction cognitive progressive avec l’âge. Des indicateurs et des questions spécifiques peuvent aider le vétérinaire dépister ce syndrome (voir encadré).

Conseils aux propriétaires pour améliorer la qualité de vie du chat âgé

Les visites périodiques pour les chats âgés doivent servir à déceler tout changement dans la condition physique et la qualité de vie. Par analogie avec la médecine humaine, où il est recommandé de procéder à une évaluation médicale annuelle, un chat âgé devrait être présenté à son vétérinaire théoriquement toutes les 12 semaines. À défaut de respecter cette fréquence probablement trop exigeante pour les propriétaires, le praticien doit insister pour augmenter la fréquence des visites. Elles offrent l’opportunité d’un dépistage précoce de toute maladie débutante chez le chat âgé et permettent de sensibiliser les propriétaires aux enjeux de la prévention. Il est en effet plus adapté de prévenir et d’anticiper la survenue d’une maladie que de devoir la prendre en charge en phase de crise, ce qui en augmente le coût et peut contribuer à décourager les propriétaires.

Le praticien pourra prévoir une visite plus longue et proposer aux propriétaires de filmer leur chat à la maison, afin d’évaluer son comportement. Les éléments suivants seront appréciés avec plus de précision : l’environnement intérieur et extérieur (si le chat sort régulièrement), l’activité physique, la localisation des points d’alimentation et des litières, les postures adoptées durant le sommeil et les éventuelles phases de jeu ; les apports quotidiens alimentaires et hydriques ainsi que les suppléments alimentaires et éventuels traitements ; les éliminations urinaires et fécales (fréquence, volume, consistance, difficultés éventuelles) ; le comportement de toilettage, les interactions avec les congénères et avec les propriétaires. Il est utile d’évaluer les déplacements quotidiens (sauts, course) et l’agilité du chat qui prend de l’âge. Des vidéos peuvent être comparées à d’autres séquences tournées plusieurs années auparavant, alors que le chat était plus jeune et agile, afin de se figurer l’évolution de son comportement et de sa locomotion.

Le vétérinaire pourra également procéder à un examen orthopédique approfondi avec une évaluation des masses musculaires et la recherche de tout foyer douloureux. Le praticien identifiera les maladies chroniques par le biais d’une mesure de pression artérielle et d’un bilan sanguin complet (a minima biochimie, hématologie et thyroxinémie).

D’un point de vue diététique, les aliments enrichis en antioxydants et acides gras poly-insaturés oméga-3 sont vivement recommandés.

Affections qui engendrent une douleur chronique chez le chat

Arthrose

Affections dentaires (parodontite, résorptions dentaires, gingivo-stomatites)

Atteintes nerveuses (lombosacrées et cervicales principalement)

Douleur musculaire

Atteintes dermatologiques (dermatite, otite, plaies chroniques)

Atteintes oculaires (ulcère cornéen, uvéite, glaucome)

Atteintes viscérales (entéropathie chronique, pancréatite, mégacôlon, constipation, cystite idiopathique, urolithiase)

Atteintes néoplasiques

Douleurs postopératoires

D’après Ray M., et coll. 2021 AAFP Feline Senior Care Guidelines. Journal of Feline Medicine and Surgery. 2021:23 ; 613 – 638.

Questions orientant le diagnostic vers un syndrome de dysfonction cognitive

À quelle est la hauteur maximale le chat peut-il se projeter ? Boîte-t-il ?

À quand remonte la dernière fois où il s’est étiré et a baillé normalement ?

A-t-il récemment déféqué ou uriné en dehors de sa litière ?

Ses relations avec ses congénères ont-elles changé ?

Est-il plus distant ou à l’inverse plus affectueux avec son propriétaire qu’auparavant ?

Vocalise-t-il intempestivement et intensément sans raison évidente ?

Ses habitudes de sommeil et de toilettage ont-elles changé ?

Ses habitudes alimentaires et hydriques ont-elles changé ?

À quel point est-il désireux de jouer ou de chasser lorsque son propriétaire lui propose ?

À quelle fréquence semble-t-il perdu ou déprimé ?

D’après Ray M., et coll. 2021 AAFP Feline Senior Care Guidelines. Journal of Feline Medicine and Surgery. 2021:23 ; 613 – 638.

  • 1. Ray M., et coll. 2021 AAFP Feline Senior Care Guidelines. Journal of Feline Medicine and Surgery. 2021:23 ; 613 – 638.