La réponse d’UniLaSalle - La Semaine Vétérinaire n° 1933 du 22/02/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1933 du 22/02/2022

Cursus vétérinaire privé

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Tanit Halfon

Face aux critiques, Philippe Choquet, le directeur général d’UniLaSalle défend son projet, qu’il juge assez solide pour envisager une ouverture dès la rentrée de septembre 2022.

Le dossier préparé par UniLaSalle est une réponse à un cahier des charges défini par le ministère de l’Agriculture pour l’obtention d’un premier agrément provisoire, et pas d’un agrément définitif, rappelle son directeur général.

Les syndicats, tout comme les instances professionnelles vétérinaires, estiment que votre projet n’est pas prêt pour cette rentrée 2022…

Philippe Choquet : Le projet ne s’est pas fait dans la précipitation. Cela fait 10 ans que nous travaillons dessus, donc bien avant l’embauche de notre directrice de projet en mai 2021. Par ailleurs, il me semble bon de rappeler le contexte actuel : il y a une pénurie de praticiens, alors que le secteur vétérinaire est en forte croissance. En parallèle, le phénomène d’expatriation des étudiants pour la formation s’accentue. En 2020, nous avons dépassé la barre symbolique des 50 % de primo-inscrits à l’Ordre formés hors de France1. Dans ce contexte, je pense qu’il y a urgence à agir d’autant que nos premiers diplômés ne sortiraient qu’en 2028 (pour une rentrée en septembre 2022, avec un cursus en 6 ans, NDLR). Même avec un renforcement, légitime, des écoles nationales, cela ne sera pas suffisant pour répondre à l’enjeu de l’expatriation des étudiants, et de la délocalisation associée d’activités. Notre système sera complémentaire des ENV et viendra renforcer l’enseignement vétérinaire français.

Les rapports des experts de l’Association des établissements européens d’enseignement vétérinaire (A3EV pour European association of establishments for veterinary education) et du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) pointent aussi des insuffisances…

Oui, mais il s’agit d’une création de cursus, ce qui change fondamentalement l’analyse des conclusions de ces rapports.

Pour celui du MESRI, il faut d’abord rappeler que les cours de niveau master qui correspondent à la formation clinique ne commenceront qu’en septembre 2025. Ces experts disent que l’état de la formation telle qu’elle existerait en 2022, ne permet pas d’être en conformité avec le grade de master car il n’y a ni recherche vétérinaire ni hôpital. Cette situation n’a rien d’illogique pour un cursus en création et il n’est évidemment pas possible de prévoir des investissements tant que nous n’avons pas obtenu l’agrément. Par contre, une fois obtenu, nous pourrons répondre aux exigences du grade de master en temps voulu grâce au recrutement d’enseignants-chercheurs en sciences vétérinaires et à la construction de l’hôpital. Notre rétroplanning est calé avec une livraison de l’hôpital animaux de compagnie-NAC au début de l’année 2025, pour un début de formation clinique en septembre 2025. Nous serons prêts pour le grade de master avant les premières certifications d’études fondamentales vétérinaires (CEFV) qui auraient lieu en juin 2027 (fin de 5e année, équivalent du DEFV, NDLR).

Pour l’A3EV, les experts pointent du doigt des éléments pour lesquels nous devons nous améliorer. Nous avons 10 ans pour le faire, étant donné que l’évaluation pour l’accréditation ne se fera qu’après la sortie des 3 premières promotions d’étudiants2. Nous avons d’ailleurs répondu aux experts en leur apportant des informations complémentaires sur certains points sensibles. Pour la maquette pédagogique, le programme de la 1re année est bien entendu bouclé. Pour la suite, nous avons le cadre général et le programme sera construit progressivement avec les futurs enseignants.

Serez-vous prêt à temps pour un système semi-distribué conforme aux exigences de l’A3EV ?

Nous avons déjà initié des contacts avec des structures qui ont montré leur intérêt à des stades variables. Dès lors que nous aurons l’agrément, nous pourrons avancer dans la construction de ce réseau pour qu’il soit opérationnel pour le début de la formation clinique en 4e année en 2025. Trois ans, c’est plus qu’il n’en faut. Nous aurons un mode de fonctionnement très intégré avec soit des enseignants détachés dans les cliniques, soit des praticiens des cliniques qui assureront la formation. Ils seront formés pour cela et pourront être salariés à temps partiel par UniLaSalle. Nous ferons si besoin des investissements dans les cliniques partenaires pour répondre aux exigences de l’A3EV.

La construction du réseau va-t-elle être si facile, eu égard au contexte de pénurie d’effectifs vétérinaires avec des équipes « sous l’eau » ?

Je ne suis pas inquiet. D’abord parce que certains vétérinaires spécialistes pourraient être intéressés d’un point de vue intellectuel par une diversification de leurs activités, avec la formation mais aussi des projets de recherche en partenariat avec l’école. De plus, vu le contexte justement, accepter des étudiants permet de se constituer un réseau en vue de recrutements futurs.

Selon l’A3EV, ce modèle place la formation des futurs diplômés à l’intersection entre formation académique et professionnelle en cours d’emploi, ce qui ne correspond pas aux exigences actuelles de l’Association.

Nous sommes à l’écoute des besoins des professionnels. On poussera le plus loin possible la professionnalisation, sans sortir du cadre exigé par l’A3EV. Ce système externe de formation clinique, qui reste combiné avec un CHV en interne, a l’avantage d’exposer les étudiants aux enjeux de terrain de la profession.

Quels sont vos objectifs de recrutement ?

Il est prévu un recrutement de 10 enseignants par an, à hauteur de 7 enseignants vétérinaires et 3 non vétérinaires, pour arriver à presque 90 enseignants au total, dont 75 enseignants vétérinaires. Je n’ai pas d’inquiétude à ce stade : nous avons déjà reçu une vingtaine de candidatures spontanées de profils très divers. Certains des vétérinaires qui ont travaillé sur le projet de maquette pédagogique ont, de plus, exprimé leur souhait de rejoindre l’école. Nous avons, par ailleurs, déjà des enseignants pour les matières fondamentales des 1res années par le biais de notre corps enseignant.

Si nous obtenons l’agrément, nous lancerons les recrutements en avril. Viendront chez nous les personnes qui ont envie de vivre l’aventure d’une création de cursus.

Avec un coût d’environ 90 000 euros pour 6 ans, ne craignez-vous pas d’être une école « de riches » ? Les étudiants endettés ne seront-ils pas plus à même d’aller exercer en canine, plutôt qu’en rurale, pour rembourser leur prêt ?

Nous visons un enseignement de qualité et cela a un coût, notamment en termes de main-d’œuvre. Mais le métier de vétérinaire, c’est un emploi garanti à la sortie avec normalement une bonne rémunération d’après l’Atlas vétérinaire. Après, nous nous engageons à faire tout ce qui est possible pour aider les étudiants, avec des dispositifs de bourses internes, de prêt d’honneur à taux 0… La reconnaissance de notre établissement par l’État permet aussi d’accueillir des étudiants boursiers. Par ailleurs, nos autres cursus payants montrent bien que malgré le coût, nous attirons tout type de profil étudiant. Le dispositif post-bac permet, enfin, de faciliter l’accès à des jeunes issus de zones rurales et donc plus à même d’y retourner s’y installer de manière durable. Nous ne sommes pas LA solution pour le maillage vétérinaire rural, mais nous allons y contribuer.

  • 1. Selon l’Atlas démographique 2021 de l’Ordre, 2/3 des primo-inscrits diplômés hors de France sont de nationalité française. Leur part a augmenté de 36 % par rapport à 2019.
  • 2. En effet, la visite de l’A3EV ne peut être faite qu’au plus tôt 12 mois avant la diplomation de la 1re promotion. Il s’agit d’une visite préliminaire qui prépare à la visite définitive permettant de déterminer le statut accrédité ou non. Ces deux visites doivent se faire sur une période de 3 ans, impliquant donc que l’accréditation soit délivrée au mieux 2 ans après la sortie de la 1re promotion.