Déserts ruraux
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Par Lorenza Richard
Une plateforme de régulation des appels d’urgence et des aides financières diverses et conséquentes font partie du plan Corrèze santé animale, première action concrète mise en place à l’échelle départementale pour prévenir le délitement du maillage vétérinaire en zone rurale.
« Le plan Corrèze santé animale est la première action mise en place depuis l’adoption de la loi Ddadue1, » déclare Pascal Coste, président du conseil départemental de Corrèze. Il repose sur le fait que beaucoup de vétérinaires vont partir dans les années à venir. En effet, « sur les 96 vétérinaires inscrits à l’Ordre, soit 40 femmes et 56 hommes, 43 ont plus de 50 ans, dont 11 plus de 60 ans. Il convient donc de s’occuper dès maintenant des moyens d’assurer la relève, » explique-t-il.
« Nous sommes contents d’avoir une grande écoute du conseil départemental, qui est sensibilisé à ces problèmes et a compris qu’il convient d’anticiper, sans attendre d’être au pied du mur, » poursuit David Quint, vice-président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) et président du SDVEL de Corrèze. La réflexion sur le sujet a en effet commencé il y a plusieurs années. En 2016 notamment, le SNVEL avait organisé avec Stéphane Le Foll, alors ministre de l’Agriculture, le colloque Le vétérinaire, la carte et le territoire, qui a permis de mettre en place plusieurs actions. De même, des réunions ont été organisées par l’Ordre des vétérinaires de Nouvelle-Aquitaine avec le SNVEL, les Groupements techniques vétérinaires (GTV) et l’Association française des vtérinaires pour animaux de compagnie (AFVAC) pour établir les besoins et attentes des praticiens ruraux du secteur. « C’est pourquoi une action commune a pu se mettre en place rapidement dans le département, entre les organisations professionnelles vétérinaires et le monde agricole2 », ajoute-t-il.
Le premier volet de ce projet est la mise en place à titre expérimental d’une plateforme de régulation des appels, le Service d’aide vétérinaire d’urgence de Corrèze ou SAVU 19, avec un numéro d’appel unique pour tout le département. « Répondre au téléphone pour des urgences qui n’en sont pas ou des cas qui auraient dû être pris en charge bien plus tôt est une charge mentale, précise David Quint. Les vétérinaires apprennent à être de bons soignants mais ne sont pas préparés à cette contrainte, qu’ils acceptent de moins en moins. Cependant, la permanence et continuité des soins (PCS) est un service que le vétérinaire doit rendre à la société, de par le code de déontologie, et il convient de la rendre la moins lourde possible. » Cette plateforme, tenue par des vétérinaires, fera du tri entre les appels en respectant les attentes des praticiens : recevoir toutes les consultations, seulement les urgences, etc. Si le vétérinaire traitant de la personne qui appelle n’est pas disponible, un autre praticien peut lui être proposé, si ce dernier a donné son accord pour recevoir les urgences des clients de ses confrères. De plus, Pascal Coste ajoute qu’un « vétérinaire rural qui le souhaite peut également prendre directement les appels via cet outil car, contrairement à la canine où avoir un régulateur a un grand intérêt, il est rare qu’en rurale les urgences soient non qualifiées, l’éleveur faisant la différence entre la bobologie et un vrai problème. Cet outil est ainsi un service très ouvert qui permet de gérer les demandes spécifiques de chaque praticien. »
Pour David Quint, « cette gestion des urgences retire ainsi une grande charge aux vétérinaires, mais augmente également le niveau de service pour les usagers, qui peuvent parfois se sentir démunis lorsqu’ils n’arrivent pas à joindre leur praticien. » Pascal Coste précise que « la plateforme ne sera mise en place que lorsque deux tiers des vétérinaires a minima auront contractualisé avec nous, et nous espérons ensuite 100 %. » Pour cela, le conseil départemental s’est engagé à en financer le coût durant un an et demi afin de motiver les praticiens à y adhérer sans engagement financier durant cette période d’essai. Ils choisiront ensuite de continuer ou non. Cependant, David Quint ajoute que « ce service ne sera efficace que si tous les vétérinaires du département y adhèrent, pour que la communication soit réalisée à grande échelle pour les clients. Avec le vice-président du conseil de l’Ordre, nous allons faire le tour des cliniques vétérinaires dès début mars pour leur présenter la plateforme et recueillir leur engagement. Nous souhaiterions que l’expérimentation commence à la fin du printemps 2022 jusqu’à fin 2023, et qu’un premier bilan soit établi à l’été 2023. Nous avons l’espoir que cela fonctionne bien. » À terme, l’idée de cet essai, s’il est concluant, serait d’étendre cette plateforme aux départements voisins, et même au niveau national, toujours avec un numéro d’appel unique.
Les autres volets de ce plan consistent en la mise en place de nombreuses mesures financières (voir encadré). « Il est très conséquent financièrement, car nous mettons en tout 2 millions d’euros sur la table, » déclare Pascal Coste.
Pour les étudiants, le plan reprend les possibilités qu’offre la loi Ddadue pour l’organisation de stages tutorés et de formation à distance. De plus, « les GTV et l’AFVAC font et feront visiter aux étudiants les structures du département pour leur montrer la diversité des exercices et les beautés de la région, nous apprend David Quint. En effet, les a priori ont la vie dure. Bien que la Corrèze ne propose pas les avantages des grandes villes, tous les services sont disponibles à peu de distance et l’organisation des gardes permet d’avoir beaucoup de temps libre. » Travailler sur l’attractivité du territoire est également au cœur des préoccupations du conseil départemental, car « les retours d’expérience des aides à l’installation des médecins en zone rurale montrent que les jeunes partent après les cinq ans obligatoires », anticipe notre confrère. « Nous souhaitons ainsi davantage intégrer des jeunes aux structures déjà existantes pour assurer la continuité du service, plutôt qu’aider à leur installation en solo dans des zones isolées. Cela est plus intéressant pour eux, et c’est aussi très motivant pour les praticiens déjà en place de savoir qu’ils auront une succession. »
À travers ce plan, le conseil départemental se dote ainsi d’un portefeuille d’outils variés pour attirer les confrères et consœurs, afin d’assurer la transition dès aujourd’hui. Pascal Coste précise qu’un « appel à manifestation d’intérêt est également lancé par l’Ordre des vétérinaires et le ministère de l’Agriculture, car nous espérons faire partie des six territoires expérimentaux annoncés3. »
Les 5 volets du plan Corrèze santé animale
1. Création du SAVU 19, avec un numéro unique.
2. Mesures d’accompagnement des étudiants :
- aide sur les indemnités de logement : 300 euros/mois durant 6 mois ;
- aide sur les indemnités de déplacement : 300 euros/mois durant 6 mois ;
- aide sur l’indemnité d’étude et de projet professionnel : jusqu’à 800 euros/mois durant l’année d’approfondissement de fin de parcours.
3. Aide à l’installation en activité rurale, y compris dans un cabinet déjà existant : 20 000 euros TTC.
4. Aide à l’implantation de maison de santé vétérinaire en rurale : 20 % du coût du projet dans la limite de 100 000 euros.
5. Financement de la communication du plan Corrèze santé animale, en collaboration avec des représentants professionnels vétérinaires et du monde agricole, à destination des praticiens, des jeunes diplômés et des étudiants vétérinaires de France.