Évaluation des risques
ANALYSE MIXTE
Auteur(s) : Tanit Halfon
L’évolution des pratiques d’élevage s’accompagne de nouveaux risques sanitaires, a rappelé l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) lors d’une conférence de presse. Côté consommateurs, les nouveaux modes de consommation exposent aussi à de nouveaux risques biologiques.
Le rapport du consommateur avec son alimentation évolue. D’un côté, il demande des élevages en plein air, de l’autre, il expérimente de nouveaux aliments. Tout cela va de pair avec de nouveaux risques sanitaires tant pour l’animal que pour l’humain, a expliqué l’Anses lors d’une conférence de presse donnée le 25 février dernier à l’occasion de l’ouverture du Salon de l’agriculture. Du côté des élevages, l’accès au plein air implique de nouvelles expositions microbiennes des animaux : salmonelles, campylobacter, botulisme, parasites… comme l’a indiqué Nicolas Eterradossi, directeur du laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort. Il y a aussi un risque de contact avec la faune sauvage, qui peut être un réservoir de pathogènes. Par exemple, pour les filières avicoles, il expose au risque d’introduction du virus de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) ; pour la production porcine, le danger vient des virus de la peste porcine africaine et de la maladie d’Aujeszky ; pour les bovins, la tuberculose trouve de nouvelles voies via les blaireaux ou les cervidés suivant les régions.
« De la même manière que l’on a ce contact avec la faune sauvage, les élevages alternatifs peuvent amener aussi à des contacts entre des animaux de différentes filières », a souligné le chercheur. Il cite ainsi l’exemple « extrême » d’un élevage plein air où seraient rassemblés des porcs et des volailles. D’une part, cette situation amène à un risque d’exposition des volailles au virus d’IAHP, d’autre part, il peut y avoir une transmission de ce virus aux porcs… ce qui peut déboucher ensuite à un phénomène de réassortiments au sein des suidés avec des souches virales transmissibles à l’humain. Cet exemple n’est pas fictif. « On sait que c’est cette situation particulière d’élevage en Chine qui a fait que le pays était un creuset de génération de nouveaux virus influenza ressortant susceptibles ensuite de présenter des caractéristiques défavorables pour l’humain », a-t-il indiqué.
« Au-delà de ces risques liés à l’exposition de l’animal, il y a également les circuits de production qui évoluent vers les circuits courts avec la promotion d’un abattage et d’une transformation à la ferme, a-t-il souligné. Ce changement est lié à l’évolution des risques puisque le niveau de sécurité sanitaire de notre système actuel est associé à notre capacité de contrôler, à chaque point de production, le bon respect des règles d’hygiène par le biais des services vétérinaires, qui devront donc s’adapter à ces évolutions de production. »
Du côté des consommateurs, les nouvelles pratiques alimentaires exposent à de nouveaux dangers sanitaires. Marianne Chemaly, cheffe de l’unité Hygiène et qualité des produits avicoles et porcins au laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort, a pris pour exemple les produits crus, dont la consommation est en hausse. Le poisson cru est associé au danger que sont les parasites de la famille des Anisakis et le poisson fumé à celui de la bactérie Listeria. Autre exemple : la fondue chinoise, qui consiste à cuire des aliments crus (légumes et viandes, dont la viande de poulet) dans un plat central partagé entre les convives. Dans ce cas, le danger associé est Campylobacter, car la viande crue de poulet peut être contaminée par cette bactérie. Selon les rapports d’enquête de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa pour European Food Safety Authority), la campylobactériose est la première zoonose alimentaire rapportée en Europe. Avec la fondue chinoise, le risque est celui d’une contamination croisée. Dans ces exemples, la limitation de la consommation du poisson cru est centrale, tout comme le respect des gestes de bonne pratique pour éviter les zoonoses alimentaires. L’Anses a édité plusieurs fiches sur les dangers biologiques transmissibles par les aliments dans lesquelles les gestes d’hygiène alimentaire sont bien expliqués. Pour la fondue chinoise, il y a d’une part la cuisson suffisante des viandes de volaille et de boucherie (> 65°C) qui permet de détruire la bactérie, d’autre part, la séparation du matériel (ustensiles, planches à découper…) entre viande crue et viande cuite, et entre viande crue et autres aliments consommés (légumes) pour éviter les contaminations croisées.
Des émergences et ré-émergences
De nouveaux dangers microbiologiques ont été identifiés sans que l’on comprenne encore leur origine. C’est le cas, pour les salmonelles, du sérotype Napoli, qui est passé de la 13e à la 7e place comme sérotypes d’intérêt pour l’humain. Il s’agit d’une émergence. C’est le cas aussi de Clostridioides difficile* avec une hausse du nombre d’infections communautaires en Europe, au Canada, aux États-Unis et en Australie. À ce jour, les questions restent ouvertes sur le rôle des chaînes alimentaires sur cette hausse d’incidence.