Réhumidification du pâturage et infections à endoparasites chez les ruminants - La Semaine Vétérinaire n° 1936 du 15/03/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1936 du 15/03/2022

FORMATION MIXTE

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Clothilde Barde

Article rédigé d’après la publication Pasture rewetting in the context of nature conservation shows no long-term impact on endoparasite infections in sheep and cattle. Parasites Vectors 15, 33 (2022) de May, K., Raue, K., Blazejak, K. et al.1

Les endoparasitoses représentent un problème important dans les systèmes d’élevage qui reposent sur le pâturage par leur impact négatif sur la santé et sur la production animale2. Or, les précipitations, l’humidité, la végétation et le mode de gestion sont les principaux facteurs de risque d’infection par les helminthes et les protozoaires dans ces systèmes3,4,5. Ainsi, le développement des stades parasitaires environnementaux, c’est-à-dire libres, et, dans le cas des douves du foie et du rumen, de leurs hôtes intermédiaires, est favorisé6. À cet égard, certains travaux de recherche ont montré que l’humidité du sol et des pâturages sont des facteurs aidant la migration des larves de trichostrongylidés vers l’herbage7,8 même si d’autres9 concluent que la migration des larves de nématodes est indépendante de la présence d’eau libre sur les pâturages. Comme il existe depuis quelques années, dans le cadre de la politique de protection du climat, une tendance à la réhumidification des prairies et des tourbières afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de protéger la diversité génétique10,11, et que les effets de ces activités humaines sur la dynamique de l’infection par les endoparasites chez les ruminants au pâturage sont inconnus à ce jour, les chercheurs se sont intéressés dans cette étude à comprendre le mécanisme en jeu et à évaluer les effets de ces mesures sur le bien-être animal et sur leur productivité. Pour cela, ils ont étudié, de 2015 à 2017, les infections à endoparasites des animaux (ovins et bovins) élevés dans des pâturages drainés et réhumidifiés dans la péninsule d’Eiderstedt, sur la côte allemande de la mer du Nord. En 2004, un programme de conservation de la nature avait été lancé dans la région pour promouvoir l’utilisation traditionnelle du paysage avec la réhumidification des pâturages au lieu du drainage13. Peu après, de 2005 à 2007, une étude menée dans la zone12 concernant l’effet de la conservation de la nature et de la réhumidification sur les infections à endoparasites chez les bovins avait conclu à un impact négatif de la réhumidification des pâturages sur les infections à nématodes chez les bovins mais à aucun changement significatif sur les infections à Eimeria spp.

L’étude présentée ici a permis de déterminer l’effet à long terme de la réhumidification des zones sur les infections à endoparasites chez les ovins et les bovins. Il s’agit de la première étude de terrain qui analyse les différences de co-infections au pâturage par des protozoaires et des helminthes entre les ovins et les bovins élevés dans la même zone. Pendant trois ans, cinq exploitations (une ovine, une bovine et trois ovines et bovines) ont été visitées chacune début avril (printemps), en juillet (été) et en novembre (automne) pour des examens coproscopiques. Dans ce cadre, les animaux (474 moutons et 646 bovins) ont été gardés sur des pâturages herbagers pendant la saison de pâturage (de début avril à fin novembre) dans trois types de pâtures : drainés de manière conventionnelle (CDP), non drainés mais sans eau en surface (NDP) et recouverts à 10 % d’eau visible (WP). La rotation des mêmes animaux d’une zone de mouillage à l’autre a été effectuée d’une année à l’autre. Les animaux étaient gardés en pâture jour et nuit (à l’exception des moutons à la bergerie gardés en pâture de 8 à 10 heures par jour).

Au total, 1120 échantillons fécaux ont été collectés (474 échantillons d’ovins et 646 de bovins) par voie rectale et analysés pour détecter les parasites (larves et œufs). De plus, l’intensité d’excrétion parasitaire a été déterminée par taxon semi-quantitativement (0 = pas d’excrétion ; 0 – 5 = faible excrétion ; 5 – 10 = excrétion moyenne ; 10 – 20 = excrétion élevée ; > 20 = excrétion très élevée) en se fondant sur le nombre de larves de vers pulmonaires présentes ainsi que sur les différents morphotypes d’œufs et d’oocystes dans les fèces. L’association entre la réhumidification des pâturages et la probabilité d’infection par les endoparasites a ensuite été analysée à l’aide de modèles mixtes linéaires généralisés et incluant d’autres facteurs de confusion potentiels. Dans cette étude, les œufs de strongles (Trichostrongylidae et autres Strongylida) ont été le plus fréquemment détectés chez les ovins et les bovins (62,9 % et 39 %), suivis des oocystes d’Eimeria spp. (31,7 % et 19,7 % ). Par ailleurs, en ce qui concerne Fasciola hepatica, elle a été détectée avec une fréquence de 13,3 % chez les ovins et de 9,8 % chez les bovins. À l’inverse, la fréquence des douves du rumen était significativement plus élevée chez les bovins (12,7 %) que chez les ovins (3,8 %). Enfin, Nematodirus spp., les vers pulmonaires (protostrongylidae, Dictyocaulus viviparus), Moniezia spp., Trichuris spp. et Dicrocoelium dendriticum ont été identifiés dans moins de 7 % des échantillons avec une fréquence supérieure chez les ovins que chez les bovins.

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