EXPRESSION
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Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR CHANTAL BÉRAUD
En France, depuis début 2022, un référent en BEA (bien-être animal) doit être nommé pour tous les types d’élevage. Dans le cas des animaux de rente, seules deux filières (porcs et volailles) sont pour l’heure soumises à une obligation supplémentaire de formation. Y aura-t-il ensuite des progrès réels dans les exploitations ?
DOMINIQUE MARCHAND (Nantes 1992)
Vétérinaire conseil Réseau Cristal (dans le grand Ouest principalement)
« Le référent doit être encadré, avant et après sa formation »
Nous formons un cabinet indépendant de onze vétérinaires, spécialisés en production porcine. Dans un premier temps, un référent en BEA peut être perçu plus comme une contrainte que comme un avantage. La crainte des éleveurs, c’est d’avoir de plus en plus de normes appliquées, certaines étant justifiées, d’autres non… Cependant, les réglementations apportent souvent de l’objectivité dans un domaine en particulier et derrière les réglementations, le sujet est même parfois repris et « enrichi » dans le cahier des charges de la grande distribution. Par ailleurs, nous avons déjà réalisé plusieurs formations en module SNGTV, dont les stagiaires repartent avec des réponses. Nous réabordons ensuite ces sujets lors de nos visites in situ en élevage car, comme pour l’antibiorésistance, ces thèmes doivent être portés auprès de l’éleveur par les acteurs du terrain pour qu’ils se concrétisent… Cependant, ces nouvelles contraintes ne sont malheureusement pas toujours valorisées dans le paiement du porc alors que ce dernier conditionne pourtant la survie économique de la filière.
Edwige Bornot (Alfort 1993)
Vétérinaire ruminants à Venarey-les-Laumes (21)
« Pour augmenter le BEA, il faut plus d’encadrement humain »
Le problème, c’est que la garantie de respect du BEA est corrélée à la possibilité d’encadrement. Or, nous avons des troupeaux de plus en plus grands, sans aucune unité de travail humain en plus derrière. Certes, il est important de savoir si l’animal est bien logé mais le boulot fondamental à observer, c’est bien d’aller le voir tous les matins ! Et il y a un autre écueil à éviter : étant référente en BEA sur mon département, nous effectuons des contrôles quand il y a trop de mortalité dans un troupeau. Malheureusement, je constate que certains éleveurs ont aujourd’hui un discours bien rodé quand on leur parle de BEA. Ils savent ce qu’ils doivent dire et faire. Mais d’ici à ce qu’ils le pratiquent réellement sur le terrain, il y a parfois un grand fossé ! Donc, je pense que cette nouvelle réglementation part d’une bonne idée, mais je crains qu’elle ne soit pas vraiment suivie de beaucoup d’effets réels. Elle risque de se transformer en une usine à gaz, avec un simple effet poudre aux yeux du côté du grand public.
Thierry Chambon (Alfort 1980)
Vice-président de la FVE (Fédération vétérinaire européenne)
« Pour les volailles, le rythme des visites doit être précisé »
Désigner des référents en BEA est une décision forcément positive, même si les filières n’ont pas attendu cette nouvelle obligation pour s’améliorer, y compris pour les volailles. Par exemple, on constate une baisse des densités d’élevage (on est souvent passé d’autrefois 30 poussins au mètre carré à 20 actuellement). Des progrès ont également été faits concernant l’augmentation de la ventilation ou la propreté des animaux. On constate moins de lésions des pattes et des bréchets grâce à de meilleures litières, etc. Si les trois quarts des éleveurs sont déjà sensibilisés à tout cela, j’espère que cette nouvelle obligation permettra de convaincre les autres… Néanmoins, la FVE souhaiterait surtout que la cadence des visites sanitaires des élevages fasse l’objet d’un référentiel européen plus précis pour que le vétérinaire sache quel est le rythme le plus approprié pour apporter le meilleur conseil possible aux éleveurs. Sachant que les rotations de volailles sont rapides…