Réhumidification du pâturage et infections à endoparasites chez les ruminants - La Semaine Vétérinaire n° 1937 du 22/03/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1937 du 22/03/2022

FORMATION MIXTE

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Clothilde Barde

Article (2e partie) rédigé d’après la publication Pasture rewetting in the context of nature conservation shows no long-term impact on endoparasite infections in sheep and cattle. Parasites Vectors 15, 33 (2022) de May, K., Raue, K., Blazejak, K. et al.1

Sur les 379 échantillons de fèces de moutons positifs collectés, seul un type d’endoparasite était présent dans 48 % d’entre eux, deux dans 31,9 % des échantillons, trois dans 14 % et quatre taxons endoparasites ou plus dans 6 %. Chez les bovins, un taxon a été identifié dans 61,3 % des échantillons positifs, deux dans 30,3 %, trois dans 7,6 % et quatre taxons ou plus dans seulement 0,8 % des échantillons positifs. Les bovins étaient donc significativement plus souvent mono-infectés que les ovins et les co-infections avec trois taxons d’endoparasites ou plus étaient beaucoup plus élevées chez les ovins que chez les bovins. Pour tester les corrélations dans les intensités d’excrétion, un test de rang de Spearman a été effectué pour toutes les combinaisons possibles d’endoparasites par paires (à l’exception de D. dendriticum). Il semblerait que, chez les ovins et les bovins, l’intensité de l’excrétion des œufs de strongles était corrélée positivement de façon significative avec celle d’Eimeria spp., de S. papillosus et de Nematodirus spp. Par ailleurs, avec moins de 1 %, la fréquence des œufs de Trichuris spp. était faible dans les échantillons des deux espèces de ruminants, tandis que des œufs de Dicrocoelium dendriticum ont été détectés dans des échantillons de bovins uniquement.

Les résultats du test de signification des effets fixes (test F) chez les ovins et les bovins ont montré que la zone de réhumidification n’avait aucun effet significatif sur la présence d’infections endoparasitaires chez les ovins ou les bovins car les différences observées ne sont pas significatives. Chez les ovins, les résulats montrent que les animaux élevés sur les pâturages non drainés mais sans eau en surface (NPD) sont plus souvent infectés par les strongles gastro-intestinaux et par Eimeria spp.. En ce qui concerne F. hepatica, la probabilité d’infection est la plus élevée dans les pâturages recouverts à 10 % d’eau visible (WP). Chez les bovins, ce sont principalement les infections parasitaires à Eimeria spp. et à F. hepatica qui sont présentes dans les NDP tandis que dans les pâturages témoins drainés de manière conventionnelle (CDP), il s’agit surtout des strongles gastro-intestinaux.

Ces résultats contrastent donc avec ceux précédemment obtenus2, qui avaient permis d’identifier une influence significative de la réhumidification des pâturages sur les infections à strongles (2005-2007). En effet, dans l’étude précédente, la probabilité d’infection par les strongles était significativement plus faible dans les CDP (19 %) que dans les PND (55 %) ou dans les WP (37 %). Toutefois, cela peut s’expliquer, selon les chercheurs, par le fait que dans ces précédents travaux, seule une quantité relativement faible de fèces avait été analysée. Ainsi, dans l’étude présentée ici, pour F. hepatica, les probabilités d’infection les plus élevées, bien que sans grand écart, ont été estimées pour les moutons dans les WP et les bovins dans les NDP alors que les chercheurs s’attendaient à une prévalence significativement plus faible de l’infection chez les animaux gardés dans les CDP. Cela suggère donc que ces pâturages sont également suffisamment humides pour maintenir efficacement les cycles d’infection à F. hepatica dans la zone d’étude. Par ailleurs, l’augmentation rapide de la fréquence des œufs de douves du rumen chez les bovins de 6,2 % en 2015 à 25,7 % en 2017 pourrait s’expliquer par l’utilisation accrue par les éleveurs, à partir de 2015, d’anthelminthiques efficaces pour F. hepatica mais pas pour les douves du rumen. D’ailleurs, comme l’ont noté les chercheurs, la même observation a été faite3 chez les ovins et les bovins au Royaume-Uni ainsi que dans d’autres pays d’Europe occidentale, montrant que la paramphistomose est une maladie émergente chez les populations de ruminants4,5,6,7, avec C. daubneyi comme espèce prédominante. Enfin, dans l’étude présentée ici, le ver du poumon bovin D. viviparus, un autre parasite important chez les bovins au pâturage, n’a été identifié que dans 0,3 % des échantillons, ce qui est considérablement inférieur à la fréquence de 1,59 % dans l’étude précédente de Kemper et Henze2. D’autres études seront donc nécessaires pour déterminer si ce parasite est réellement en déclin en Allemagne.

Les résultats indiquent donc que les infections à endoparasites chez les ruminants ne sont pas affectées par la réhumidification des pâturages à long terme. Par conséquent, le programme de conservation de la nature sur la presqu’île d’Eiderstedt n’a pas d’impact négatif durable sur la santé et le bien-être des animaux en ce qui concerne les infections à endoparasites. D’autres études restent cependant nécessaires pour déterminer si ces résultats peuvent être extrapolés à d’autres régions ou à des programmes de conservation similaires. En ce qui concerne les paramètres épidémiologiques, les chercheurs ont trouvé une co-infection avec plus de trois taxons d’endoparasites plus souvent, et de manière significative, chez les ovins que chez les bovins. Enfin, un suivi des résultats épidémiologiques obtenus ici pour le ver du poumon bovin D. viviparus, F. hepatica et les douves du rumen sera nécessaire dans de futures études.

  • 2. Kemper N., Henze C. Effects of pastures’re-wetting on endoparasites in cattle in northern Germany. Vet Parasitol. 2009 ; 161 : 302 – 6.
  • 3. Jones R.A., Brophy P.M., Mitchell E.S., Williams H.W. Rumen fluke (Calicophoron daubneyi) on Welsh farms : prevalence, risk factors and observations on co-infection with Fasciola hepatica. Parasitology. 2017 ; 144 : 237 – 47.
  • 4. Fuertes M., Pérez V., Benavides J., González-Lanza M.C., Mezo M., González-Warleta M., et al. Pathological changes in cattle naturally infected by Calicophoron daubneyi adult flukes. Vet Parasitol. 2015 ; 209 : 188 – 96.
  • 5. Huson K.M., Oliver N.A.M., Robinson M.W. Paramphistomosis of ruminants : an emerging parasitic disease in Europe. Trends Parasitol. 2017 ; 33 : 11.
  • 6. Taylor M.A. Emerging parasitic diseases of sheep. Vet Parasitol. 2012 ; 189 : 65 – 71.
  • 7. Zintl A., Garcia-Campos A., Trudgett A. Chryssafidis A.L., Talavera-Arce S., Fu Y., et al. Bovine paramphistomes in Ireland. Vet Par. 2014 ; 204 (3-4) : 199 – 208.