FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Morgane Rémond Article rédigé d’après deux conférences présentées lors des 53es Journées de la recherche porcine (du 1er au 4 février 2021).
Depuis début 2003, la règlementation1 en termes de bien-être animal impose que tous les porcs aient en permanence accès à « une quantité suffisante de matériaux permettant des activités de recherche et de manipulation suffisantes, tels que la paille, le foin, la sciure de bois, le compost de champignons, la tourbe ou un mélange de ces matériaux […] ». Début 2020, des précisions concernant les matériaux manipulables devant être mis à disposition ont été apportées2.
Les matériaux doivent être déformables, mâchonnables, investiguables et manipulables par les porcs. Ils ne doivent pas être source de blessure ou de risque sanitaire. Les matériaux destructibles doivent être comestibles. Les objets ne doivent pas être trop gros pour que les porcs puissent les prendre dans leur gueule. Selon les critères auxquels il répond, un matériau sera : optimal si déposé en litière (paille, copeaux), sous-optimal (bois, carton/papier, caoutchouc naturel, cordes naturelles ou agglomérés d’amidon) ou d’intérêt minime (chaînes ou tuyaux, objets en plastique). La quantité de matériaux à mettre à disposition a minima dans les cases dépend du nombre d’individus présents (tableau 1).
Lors des Journées de la recherche porcine 2021, deux études ont présenté l’intérêt et les limites de certains jouets.
La première étude3 s’intéresse à l’impact sur le comportement et les performances des truies et des porcelets de la mise à disposition d’une toile de jute autour de la mise bas. Ce matériau a pour but de favoriser l’expression du comportement de nidification qui débute 12 à 24 heures avant la mise bas et s’achève lorsque le nid créé est fonctionnel ou à l’issue d’un pic d’ocytocine. L’étude a été menée en maternité conventionnelle. Quatre bandes de 24 truies gestantes (12 J = jute, 12 T = témoin) ont été suivies, sans déclenchement de mise bas. L’état de dégradation de la toile, noté de 1 (intacte) à 4 (détruite), a été évalué chez 43 truies. L’observation du comportement de nidification (ratissage avec la tête allant d’avant en arrière au sol ou sur la toile, grattage et coups de patte, transport de la toile), d’investigation, d’alimentation/abreuvement, ainsi que les postures, a été réalisée sur 17 truies J et 18 truies T à l’aide de caméras. Les résultats ont été relevés sur les 12 heures précédant la mise bas, ainsi que pendant, ce qui a permis de renseigner les données concernant le part.
L’analyse montre que les toiles de jute sont surtout dégradées le jour de la mise bas (2/3 des toiles). Le pic de nidification s’observe 3 h avant la naissance du premier porcelet. La présence de toile de jute augmente le nombre de séquences de nidification (83±7 vs 65±8 pour T) mais la durée totale du comportement est similaire. Dans cette étude, la durée des mises bas chez les truies J est plus longue (4 h 16 + /-30min vs 3 h 15 + /-22min) avec un ralentissement observé dès le 3e porcelet. Concernant les postures, les truies J changent moins souvent et passent plus de temps couché. À l’inverse, les truies T sont plus longtemps debout, témoignant d’un comportement de nidification qui continue après la naissance du premier porcelet. Aucune différence significative n’est observable en termes de performance des truies. Pour ce qui est des porcelets, une différence de mortalité 0-28 jours s’observe (17,1 % issus J et 22,1 % issus T) mais les poids de naissance pourraient expliquer en partie la mortalité plus importante chez les porcelets issus de truies T.
Cette étude montre donc l’intérêt de l’enrichissement du milieu de mise bas sur l’expression du comportement de nidification. Cette dernière permet d’avoir des truies plus calmes, limitant ainsi le risque d’écrasements et facilitant la prise colostrale.
Une deuxième étude4 évalue l’utilisation de différents matériaux manipulables en fonction de différents critères (association de matériaux, d’âge des animaux et de coûts). L’étude a été réalisée en station sur 2 lots de porcs (200 en post-sevrage et ≈ 240 en engraissement) répartis par cases de 10 ou 14. Chaque case se voyait attribuer un couple d’objets : 1 objet sous-optimal (bois touchant le sol/en hauteur, corde de jute/de coton, brique de paille/de luzerne compressée, amidon compressé en boule, en étoile ou en disque) et 1 objet d’intérêt minime (chaîne métallique ou disque plastique). Au total, 8 couples d’objets ont été testés. L’utilisation a été évaluée par un suivi photo (de 10 à 20 heures, toutes les 3 secondes) sur 2 périodes de 2 jours pour le post-sevrage et 6 périodes de 2 jours pour l’engraissement. L’analyse de l’utilisation des objets a été menée par case et par type d’objet.
Il ressort que pour le post-sevrage, les objets sous-optimaux occupent plus de la moitié du temps de jeux avec objets, avec un intérêt particulier pour les disques d’amidon et les cordes en coton. Le nombre d’interactions avec ces objets est plus important : sur 10 heures, 50.2 interactions contre 30.3 pour ceux d’intérêt minime. Pour l’engraissement, le bois touchant le sol et les compressés d’amidon sont les matériaux sous-optimaux les plus utilisés par les porcs, qui sinon investiguent les matériaux d’intérêt minime (et plutôt le disque en plastique que les chaînes métalliques : 10 heures 51 min et 27,3 interactions contre 24 min et 15,8 interactions). Le coût des objets5 sous-optimaux est assez variable pour le post-sevrage. Il varie de 4 cts/porc pour le bois à 22 cts/porc pour un disque en amidon. En engraissement, il varie entre 13 cts/porc pour le bois à 98 cts/porc pour la paille compressée.
L’attractivité des matériaux dépend ainsi en partie du couple mis à disposition dans la case. Il faut donc essayer différentes combinaisons et trouver celle optimale pour l’élevage. L’aspect de la fixation du matériau n’est pas à négliger puis qu’elle influe sur la fréquence et la durée d’utilisation. Enfin, il ne faut pas oublier qu’une des principales attentes des éleveurs concerne le temps de travail en grande partie lié au renouvellement des matériaux. Il faut donc pouvoir les renseigner sur la durabilité des différents objets manipulables.