Management
ENTREPRISE
Auteur(s) : Marine Neveux
Comment arrive-t-on à retrouver du plaisir dans son travail grâce à la relation client ? C’est la question à laquelle s’est attaché notre confrère Pierre Mathevet, gérant de Tirsev, lors de sa conférence intitulée « Satisfaction et fidélisation des clients, des réservoirs de plaisir pour le praticien » présentée lors de la Journée européenne de l’Avef le 25 mars dernier. Voici quelques clefs.
« S’occuper de ses clients est un vrai métier, une vraie façon de travailler ! » déclare tout de go notre confrère. Une stratégie clients est une vraie stratégie d’entreprise et il est utile de garder en tête que : « Nous nous occupons de nos clients de la façon dont nous voudrions que l’on s’occupe de nous ».
Une stratégie client veut dire que toutes les activités de la clinique sont tournées vers lui : les actes, les soins, la pharmacie, etc. « Chaque client va être différent. À chaque fois, il faut que je parte à sa découverte et que je m’interroge sur ce qu’il veut. » Malheureusement, le praticien n’est pas naturellement orienté à se poser ces questions. Pierre Mathevet constate que celui-ci tient la position du « sachant » et n’a pas été formé à s’adresser au client à l’école. Bien souvent, la conception des services est très orientée vétérinaire, mais pas vers le client.
Au préalable, il faut donc connaître les clients et savoir ce qu’ils veulent. La grande difficulté est d’arriver à se mettre réellement à leur place, en faisant abstraction de votre personnalité, de vos croyances, de vos valeurs… Ces dernières sont différentes d’une personne à l’autre. Être orienté client, c’est s’intéresser à eux dans leur singularité. « Et personne ne connaît les clients comme vous ! »
Si un client vous appelle, c’est qu’il a un problème. « Votre travail est d’en détecter la nature. Pour cela, il faut s’intéresser à son problème, l’interroger, le questionner pour concevoir une réponse spécifique et lui vendre la réponse. Nous avons du mal à vendre car nous proposons des solutions qui ne paraissent pertinentes qu’à nous. » Il faut donc garder en tête que le problème étant chez le client, la solution est… chez lui !
La fidélisation est l’hypersatisfaction. Satisfaire son client, c’est simplement avoir une transaction équilibrée avec lui et c’est ce qui fait qu’il aura envie de revenir. « Vous avez plein d’occasions de créer de l’hypersatisfaction si vous connaissez les attentes de vos clients et allez au-delà », explique Pierre Mathevet.
Dans les besoins des clients, il y a des attentes conscientes et inconscientes. De plus, entre les attentes et les demandes, il y a un grand écart. « Là où le praticien est fort, c’est dans la réponse à la demande : le client vient pour une vaccination, je vaccine. Mais il y a d’autres choses non demandées que vous auriez pu proposer. Il y a plein d’éléments que vous pensez communiquer mais que les clients n’ont pas en tête. »
Travailler l’hypersatisfaction client, c’est donc arriver à questionner au-delà de sa demande pour apporter une satisfaction plus globale, toujours en phase avec ses attentes. C’est là le réservoir de fidélisation. Tant que vous restez dans la satisfaction, vous ne créez pas de fidélisation. Sans oublier qu’aujourd’hui, la transaction devient de plus en plus émotionnelle.
Pourquoi un client fidèle est intéressant ? « Il va acheter plus régulièrement, et même des produits qu’il n’aurait pas pris si vous ne les aviez pas proposés. S’il adore la clinique, il y aura moins besoin d’argumenter. Il sera capable de publier des recommandations positives sur l’établissement. Plus le client achète, plus le chiffre d’affaires augmente et plus vous gagnez en profitabilité. »
La fidélisation ne passe pas par le prix bas, c’en est même le virus ! En effet, le client finira toujours par trouver un prix plus bas ailleurs…
Votre comportement est primordial car tous les particuliers ne vous évalueront pas uniquement sur la base de votre compétence.
Avoir un fichier client à jour est également important, tout comme le rôle des ASV. Une bonne base client est nécessaire pour pouvoir travailler sa clientèle. N’oubliez pas qu’elle peut être très fidèle sans être satisfaite de par votre position de monopole ou en fonction de l’offre géographique. Il y a donc un véritable intérêt à réaliser des enquêtes de satisfaction en clinique.
En premier lieu, il faut identifier ses meilleurs clients, ceux qui en valent la peine, segmenter sa clientèle ! En canine, plusieurs types sont à identifier :
- Ceux qui viennent en moyenne deux fois par an, et qui dépense en moyenne 60 euros à chaque fois. Ils représentent un quart (27 %) de la clientèle et pèsent 5 % de votre chiffre d’affaires*
- Ceux qui viennent souvent mais dépensent peu (23 % des clients pour 25 % de CA)*. Ils font un peu de chiffres mais sont chronophages.
- Ceux qui viennent peu mais dépensent beaucoup (28 % de la clientèle pour 19 % du CA)*.
- Ceux que l’on voit très souvent et qui dépensent. Ils représentent 22 % des clients, pour 51 % du CA et 44 % des consultations*. « Ceux-là sont votre réservoir de plaisir. » Il est intéressant de passer plus de temps avec eux et de leur proposer plus de choses.
« Prenez juste votre logiciel métier, classez vos clients par le CA et éditez la liste de vos meilleurs clients. C’est une stratégie d’entreprise que vous partagez avec toute votre équipe. »
Les critères de segmentation sont le chiffre d’affaires, les chiffres d’affaires de prévention par client et par animal, etc. « Vous n’allez pas proposer la même chose aux clients à partir du moment où ils sont dans des segments différents. »
L’intérêt de la segmentation est de concentrer les efforts sur les clients de qui vous aurez un retour. Dans la pratique vétérinaire, « nous ne sommes pas fatigués d’avoir trop donné, mais nous sommes fatigués de ne pas avoir reçu. »
Il faut s’interroger sur : « comment je peux mieux connaître ces très bons clients, comment j’apprends à questionner mes clients. On n’utilise que 15 % des questions qui sont à disposition. Poser des questions est la seule façon de montrer à vos clients que vous vous intéressez à eux. Il faut aller chercher les freins qui sont dans leur tête. » Tout est dans le face-à-face. Et bien entendu, vous devez vous intéresser à la réponse qu’ils vont donner.
Réaliser un focus groupe des meilleurs clients peut être pertinent. Il s’agit de réunir 10, 15 ou 20 clients sur un sujet. « Une personne anime, pose les questions et prend les notes. Commencez par une idée sur laquelle vous allez les faire interagir (parasitologie, par exemple). Vous allez voir se détacher le service qui correspond à leurs attentes. Pour terminer, demandez au groupe à quel prix il l’estime. »
Pierre Mathevet conseille de reconnaître et de remercier les très bons clients par le biais d’un système de rappels, des sms, des cartes de vœux, des cadeaux de fin d’année, des courriels personnalisés, des lettres de condoléances, des soirées privilèges, des formations, en invitant une dizaine de clients sur un événement, etc. Cependant, le client roi n’existe pas ! « On peut faire beaucoup pour sa fidélisation, mais “je peux le faire ou je ne peux pas le faire (savoir dire non) ” est encore plus important. Ne faites pas de vaccins le dimanche si vous ne le voulez pas. Il y a un risque de se laisser entraîner et c’est le burn out. Vous pouvez faire beaucoup pour les clients mais il y a des limites qui vous appartiennent. »
En conclusion : passer du vétérinaire « cueilleur » au vétérinaire « chasseur » (en étant à l’affût des nouveaux clients), sans oublier qu’il y a déjà bien à faire avec les clients présents. Pour ces derniers, devenez vétérinaire « éleveur » de vos meilleurs clients en leur proposant des services personnalisés par rapport à leurs problèmes.