Un cas de thymome chez un chat - La Semaine Vétérinaire n° 1939 du 08/04/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1939 du 08/04/2022

Cancérologie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Hugues Maigre, Bertrand Pucheu (DESV de chirurgie), Jean Benoit Hennequin et Laetitia Boland (dipl. ECVS), praticiens au CHV NordVet, La Madeleine (Nord)

Motif de consultation

Une chatte européenne de 6 ans est présentée en consultation d’urgence pour abattement et difficultés respiratoires évoluant depuis la veille. Elle présente également des épisodes de ténesme. La chatte est correctement vaccinée et vermifugée.

Examen clinique

À l’examen clinique, elle est apathique. Ses muqueuses sont roses et son TRC est inférieur à deux secondes. Elle n’est pas déshydratée et présente une température de 38,7°C. À l’auscultation, les fréquences cardiaque et respiratoire sont augmentées. Aucun souffle cardiaque n’est mis en évidence. Les bruits respiratoires ne sont pas modifiés. Le reste de l’examen clinique est dans les normes.

Examen complémentaire

Des radiographies thoraciques sont réalisées. Elles mettent en évidence une opacification alvéolaire au niveau du lobe pulmonaire crânial gauche, ainsi que la présence d’un épanchement pleural latéralisé du même côté, pouvant être compatibles, notamment, avec une torsion du lobe pulmonaire ou un processus tumoral. Une échographie thoracique est ensuite réalisée, confirmant la présence d’un épanchement pleural qui est ponctionné afin d’être analysé. La cytologie est en faveur d’un épanchement hémorragique modérément inflammatoire. Une intoxication aux anticoagulants est écartée (temps de Quick et de céphaline activée dans les normes). L’hématologie révèle une anémie associée à une leucocytose neutrophilique, tandis que la biochimie sanguine est dans les normes. Enfin, un scanner du thorax et de l’abdomen avec injection de produit de contraste est réalisé. Il met en évidence un déplacement du cœur vers la gauche secondaire à la présence d’une masse de 4 centimètres de diamètre localisée en région médiastinale crâniale, ainsi qu’une adénomégalie thoracique. Cet examen d’imagerie ne révèle aucune anomalie abdominale. La cytologie des ponctions à l’aiguille fine de la masse est en faveur d’un processus néoplasique de type thymome ou lymphome thymique.

Diagnostic

Les résultats sont donc en faveur d’une masse médiastinale crâniale d’origine thymique le plus probablement, associée à un épanchement pleural.

Prise en charge

Une thoracocentèse associée à une oxygénothérapie est initiée afin de stabiliser la patiente. Une exérèse chirurgicale de la masse médiastinale est ensuite réalisée. Un abord au niveau du 4e espace intercostal droit est effectué, permettant de réaliser la dissection et l’extraction de la masse. Un rinçage de la cavité thoracique suivi de la pose d’un drain thoracique est réalisé avant la fermeture de la voie d’abord. L’analyse histologique est en faveur d’un thymome. Lors du contrôle clinique réalisé à un mois postopératoire, une résolution complète des troubles respiratoires est notée.

Le thymome

Chez le chat, les masses originaires du thymus les plus fréquentes sont les lymphomes thymiques, suivis des thymomes, à la différence du chien chez qui le thymome représente la tumeur la plus diagnostiquée.

Les thymomes kystiques sont la forme la plus courante chez le chat, et 20 % d’entre eux présentent des métastases. L’utilisation de la radiothérapie et/ou d’une chimiothérapie néoadjuvante dans un but de cytoréduction pourrait, à l’instar de l’oncologie humaine, faciliter l’exérèse chirurgicale et diminuer les symptômes d’un syndrome paranéoplasique associé. L’efficacité des protocoles de chimiothérapie n’est cependant pas réellement décrite chez le chat. Néanmoins, l’utilisation du protocole CHOP, ou d’un protocole à base de doxorubicine, vincristine et L-asparaginase, a montré une diminution partielle de la masse.

Les chats développent des thymomes vers l’âge 10 ans, en moyenne, sans prédisposition de race ni de sexe, et aucun facteur de risque n’a été identifié. Les signes cliniques le plus souvent rapportés sont de l’anorexie, de l’abattement, de la dyspnée, de la toux, une perte de poids, de la tachypnée, des vomissements et régurgitations, ainsi que de la polyurie-polydipsie. Dans certains cas, un gonflement de la tête, du cou et des membres thoraciques peut être présent si la masse entraîne une compression importante de la veine cave crâniale.

Les chats peuvent développer un syndrome paranéoplasique secondaire et présenter une myasthénie grave, une hypercalcémie, mais également des symptômes moins fréquemment décrits tels qu’une polymyosite, une myocardite, une dermatite féline exfoliative ou encore une granulocytopénie.

Diagnostic

Le scanner reste l’examen de choix en imagerie, car il permet de localiser la masse de façon précise, de mettre en évidence d’éventuels envahissements de structures contiguës et de réaliser un bilan d’extension complet.

La différenciation entre un thymome et un lymphome thymique est importante puisque les patients atteints de lymphome sont traités médicalement et non chirurgicalement. Une étude1 portant sur 50 cas dont 35 thymomes (30 chiens et 5 chats) et 15 lymphomes (12 chiens et 3 chats) a proposé l’utilisation de l’échographie afin de différencier le thymome du lymphome thymique. Elle conclut que la mise en évidence d’une masse hétérogène ou kystique augmente la suspicion d’un thymome, tandis que l’absence de kyste et d’hétérogénéité oriente plutôt vers un lymphome thymique. La cytologie ne permet malheureusement pas toujours de différencier le thymome du lymphome thymique. Le traitement de choix des thymomes est chirurgical. La sternotomie reste l’abord chirurgical indiqué le plus fréquemment, mais la thoracotomie latérale et la thoracoscopie peuvent également être réalisées selon le résultat du scanner et les préférences du chirurgien. La résection des thymomes est accompagnée d’une médiane de survie de 1825 jours chez le chat, avec un taux de 89 % au bout d’un an et de 74 % au bout de trois ans2.

En conclusion, le traitement des thymomes chez le chat est chirurgical et est associé à une médiane de survie qui peut être de plusieurs années. Cependant, bien qu’il ne soit pas toujours simple à établir en préopératoire, la différenciation entre le lymphome thymique et le thymome reste importante car le traitement du lymphome reste médical.

  • 1. Patterson M.M.E., Marolf A.J. Sonographic characteristics of thymoma compared with mediastinal lymphoma. J Am Anim Hosp Assoc. 2014 ; 50 (6) : 409‑13.
  • 2. Dans Veterinary Surgery Small Animal - Second Edition, de Karen M. Tobias et Spencer A. Johnson, édition Saunders W.B., 2017.