Pathologie respiratoire
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Audrey Chevassu Conférencière Morgane Canonne, maître de conférences et enseignante-chercheuse à l’ENV d’Alfort. Article rédigé d’après une visioconférence organisée par le Cerba Vet College le 28 janvier 2022.
Les pneumopathies sont des affections fréquemment rencontrées en clinique chez le chien comme chez le chat. Plusieurs origines sont possibles : infectieuses, immunitaires, tumorales ou idiopathiques. Les caractéristiques épidémiologiques (race et âge), le mode de vie, l’évolution et l’examen clinique aideront à l’élaboration des hypothèses diagnostiques. Le recours à des examens spécialisés comprenant un examen tomodensitométrique, une bronchoscopie, un lavage broncho-alvéolaire ou une cytoaspiration transthoracique est souvent requis dans ce contexte pour préciser le pronostic et la démarche thérapeutique adaptée.
Les causes sont principalement d’origine infectieuse (pneumonie par aspiration, parasitose) ou tumorale (carcinome, lymphome, sarcome histiocytaire, métastases). Plus rarement sont retrouvées des affections immunitaires (pneumonie, granulomatose éosinophilique), idiopathiques (fibrose, protéinose, bulles) ou encore vasculaires.
La présentation clinique est variable et peut combiner un essoufflement et une fatigabilité, de la toux, ainsi que des difficultés respiratoires plus évidentes (tachypnée, respiration buccale, discordance, cyanose et syncope). L’examen clinique peut conduire à confirmer la présence d’une dyspnée et, dans ce contexte, l’auscultation thoracique visera à rechercher des crépitements et à préciser leur localisation sur l’aire auscultatoire.
Les pneumonies bactériennes sont dominées par les pneumonies par aspiration, complications courantes chez le chien lors de vomissements, de régurgitation, d’atteinte laryngée, mais également lors de convulsions ou de décubitus prolongé. Les brachycéphales y sont 4 fois plus sujets que les autres races. Pour ces dernières, le risque augmente également avec l’âge. Le risque lié à l’aspiration peranesthésique est mal documenté en médecine vétérinaire et pourrait correspondre à moins de 1 % des chiens anesthésiés. Une autre cause de pneumopathie bactérienne est l’inhalation de corps étranger, en particulier d’origine végétale (épillet). Il peut alors se former un abcès pulmonaire, souvent caudo-dorsal, avec parfois une surinfection bactérienne atypique par des espèces délicates comme Nocardia ou par Actinomyces. Une pneumonie bactérienne peut également être la complication d’une pneumonie primitivement virale (adénovirus, herpèsvirus, parainfluenza, maladie de Carré par exemple). Dans de rares cas, elle peut être causée par une dissémination hématogène (par exemple en cas d’endocardite). Enfin, la dyskinésie ciliaire, une affection congénitale, favorise les surinfections bactériennes des voies respiratoires supérieures et profondes.
Bordetella bronchiseptica est également une espèce pathogène primitive pouvant occasionner chez le jeune une bronchopneumonie parfois chronique. Son incidence reste fréquente malgré la vaccination. La sévérité clinique varie certainement selon l’âge, la réponse immunitaire de l’hôte et les possibles co-infections. En cas d’essais antibiotiques multiples et infructueux, la confirmation par culture ou PCR sur un prélèvement ciblé est requise avant d’envisager la pertinence d’inhalations de gentamicine. Les autres agents bactériens primitivement pathogènes incluent Mycoplasma cynos (plutôt chez les jeunes) et les mycobactéries, qui restent très rares en France et sont toujours à l’origine d’un tableau systémique (adénopathie, atteinte digestive par exemple).
Angiostrongylus vasorum est le parasite pulmonaire le plus fréquent en France. Une atteinte extrarespiratoire (digestive, neurologique ou oculaire) est possible et la particularité de cet helminthe est sa prédisposition à entraîner des saignements spontanés. Les deux autres helminthoses les plus courantes, causées par Crenosoma vulpis et Capillaria aerophila, restent tout de même rares. Une pneumopathie par migration de larves de strongles digestifs (Toxoplasma, ankylostome et Strongyloides) est possible, mais également occasionnelle. Leishmania infantum peut aussi générer une pneumonie ; le tableau sera dans ce cas dominé par l’atteinte classique de cette infection (fièvre, amaigrissement chronique, adénopathie et troubles cutanés). Enfin, Pneumocystis jirovecci, appartenant à la classe des mycètes, peut causer une pneumonie grave chez les teckels et cavaliers king-charles de moins de 3 ans.
Les mycoses pulmonaires (dues à Aspergillus fumigatus ou Cryptococcus neoformans) sont très bien décrites aux États-Unis mais restent heureusement exceptionnelles chez le chien en France. Une proximité avec des oiseaux est alors parfois identifiée.
Il existe plusieurs types de tumeurs primitives des poumons : le carcinome, souvent caudo-dorsal, et le sarcome histiocytaire, qui touche fréquemment le lobe moyen et pour lesquelles les races prédisposées connues sont le bouvier bernois, les retrievers et le welsh corgi. Le lymphome pulmonaire est une tumeur plus rare et polymorphe dans sa manifestation radiographique (infiltration diffuse, masse, nodules multiples…). Enfin, le poumon est le siège de processus métastatiques (carcinomes, sarcomes, mélanomes notamment).
Dans les causes immunitaires, la bronchopneumopathie éosinophilique idiopathique peut être citée. Certaines races sont prédisposées : husky, rottweiler, labrador, épagneul, jack-russel, border-terrier, lévriers, american-staffordshire-terrier. Elle touche principalement de jeunes chiens. Il s’agit d’une manifestation d’hypersensibilité, bien qu’à ce jour les allergènes potentiellement en cause demeurent inconnus. Il s’agit le plus souvent d’une infiltration diffuse de la paroi bronchique et du parenchyme. Dans de rares cas, des granulomes volumineux peuvent également être présents (granulomatose éosinophilique).
La fibrose pulmonaire idiopathique est la pneumopathie interstitielle idiopathique la plus connue chez le chien. La race incontestablement prédisposée est le west-highland-white-terrier. La maladie est longtemps asymptomatique. Une fois les signes cliniques apparus, l’évolution est plutôt variable d’un individu à l’autre et la médiane de survie estimée est d’environ 18 mois.
Les bulles et blebs pulmonaires correspondent à des lésions de dysplasie épithéliale du poumon. Ce sont des lésions souvent impliquées dans l’apparition d’un pneumothorax spontané.
D’autres pneumopathies idiopathiques peuvent être citées et sont très ponctuellement décrites chez le chien. Il s’agit, entre autres, de la protéinose alvéolaire, de la hyalinose pulmonaire ou encore des microlithiases alvéolaires.
Un œdème non cardiogénique peut provenir notamment d’une obstruction des voies aériennes supérieures, d’une électrocution, d’une noyade ou d’un syndrome inflammatoire systémique. Les hémorragies pulmonaires non traumatiques peuvent être causées par une parasitose (angiostrongylose), ou encore une leptospirose ou un trouble hémostatique. Enfin, la torsion lobaire spontanée, à laquelle les carlins et lévriers afghans sont prédisposés, peut s’accompagner d’œdème ou d’hémorragies pulmonaires.
La conduite diagnostique repose sur 3 fondamentaux : l’imagerie médicale, la réalisation de prélèvements ciblés (sauf en cas de pneumonie par aspiration) et la recherche des complications.
Au préalable, un bilan sanguin peut fournir des indices orienteurs : polycythémie (hypoxémie), éosinophilie (parasitose, granulomatose/pneumonie éosinophilique), élévation de la protéine C réactive (pneumonie bactérienne ou parasitaire) ou encore hypercalcémie (inflammation granulomateuse ou processus tumoral).
Parmi les examens non invasifs face à une suspicion d’angiostrongylose, la coproscopie par méthode de Baermann et la sérologie rapide n’ont qu’une sensibilité imparfaite. Ainsi, un résultat négatif à l’un et/ou à l’autre de ces examens ne permet pas d’exclure cette infestation parasitaire.
Dans de nombreux cas, la réalisation de clichés radiographiques, en phase inspiratoire et selon 3 vues, est suffisante pour resserrer les hypothèses lésionnelles. Ainsi, pour les pneumonies bactériennes et parasitaires, les pneumopathies tumorales les plus courantes (carcinome, métastases, sarcome histiocytaire) et les pneumonies éosinophiliques, il est facilement envisageable de s’affranchir d’un examen tomodensitométrique.
Le scanner est indispensable pour confirmer une fibrose pulmonaire, faire un bilan d’extension et dénombrer des bulles pulmonaires. Un prélèvement ciblé sera régulièrement nécessaire (sauf face à une pneumonie par aspiration). Celui-ci s’effectuera, selon les données de l’imagerie et la stabilité du patient, par voie endoscopique (lavage broncho-alvéolaire pour examen cytologique, bactériologique et PCR) ou par voie transcutanée avec guidance échographique (analyse cytologique).
Le dernier temps de la démarche diagnostique concerne la recherche des complications. En pratique, ce temps est souvent effectué avant la réalisation d’examens complémentaires sous anesthésie. Les complications à rechercher sont une hypoxémie (gaz sanguins artériels ou à défaut saturation partielle) et la présence d’une hypertension artérielle pulmonaire secondaire (échocardiographie).
En cas de détresse respiratoire, une hospitalisation pour oxygénation est requise, accompagnée d’une sédation à base de butorphanol (bolus et relais éventuel avec infusion continue). L’hydratation des muqueuses à l’aide de nébulisation de sérum physiologique peut aider en cas de bordetellose. Enfin, le clapping (kinésithérapie thoracique) peut soulager un animal en crise respiratoire.
L’administration d’une pénicilline potentialisée (ampicilline-sulbactam ou amoxicilline-acide clavulanique) est l’option privilégiée lors de pneumonie par aspiration. Dans ce contexte, une hospitalisation pour fluidothérapie et oxygénothérapie s’avère souvent nécessaire.
La doxycycline est également le premier choix lors d’infection suspectée ou confirmée à Bordetella ou à Mycoplasma cynos. Des nébulisations de sérum physiologique, avec du clapping, peuvent être envisagées lors de bordetellose ou de pneumonie par aspiration, la seule contre-indication étant la présence éventuelle de régurgitations.
L’association sulfamides-triméthoprime est la prise en charge optimale lors de pneumocytose. La marbofloxacine, tout comme la gentamicine en nébulisation, est un antibiotique critique. Elles ne sauraient être utilisées sans confirmation d’une identification bactérienne (culture ou PCR sur un prélèvement ciblé).
Lors d’helminthose pulmonaire, les antiparasitaires pouvant être utilisés sont le fenbendazole (50 mg/kg pendant 21 jours) ou la moxidectine (2,5 mg/kg en spot-on, répétée un mois plus tard). En prévention, l’administration mensuelle de milbémycine (1 mg/kg) est une option efficace pour éviter les réinfestations.
Les corticoïdes oraux puis idéalement par voie inhalée sont le pilier de la prise en charge d’une bronchopneumonie éosinophilique (prednisolone, 1 mg/kg/j à dose dégressive et/ou fluticasone inhalée, 250 µg toutes les 12 heures).
Une intervention chirurgicale peut être nécessaire dans différents cas : tumeur avec bilan d’extension permissif, corps étranger sans possibilité d’extraction endoscopique, abcès pulmonaire, bulles ou blebs compliqués par un pneumothorax spontané.
Pour le moment, aucun traitement n’existe pour la fibrose pulmonaire. Dans ce contexte, des antitussifs sont souvent prescrits (théophylline, codéine) et l’administration de sildénafil (1 à 2 mg/kg, deux fois par jour) est envisagée en cas d’hypertension artérielle pulmonaire.
En cas d’hémorragie pulmonaire compliquant une angiostrongylose, le recours à l’acide tranexamique peut être utile.