Conférence
ANALYSE MIXTE
Auteur(s) : Jean-Paul Delhom
Pour répondre aux attentes des Français, soucieux du bien-être animal, de nouveaux systèmes de production animale se développent peu à peu. La recherche, l’administration et les praticiens ont croisé leurs regards sur ces nouveaux élevages dits « alternatifs » lors de la 11e journée vétérinaire bretonne de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) qui s’est tenue le 29 mars 2022 à Saint-Quay-Portrieux.
À l’occasion de la 11e journée vétérinaire bretonne de la SNGTV, le premier grand sujet abordé par Maxime Delsart (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, École vétérinaire nationale vétérinaire d’Alfort) traitait de l’impact, dans les élevages de porcs, des systèmes alternatifs en termes de santé animale et de santé publique. Comme il l’indiquait, « actuellement en dépit de la grande diversité de modèles d’élevage alternatif (bâtiments avec litière, en plein air ou avec un accès extérieur plus ou moins réduit) qui existent et qui connaissent une croissance constante (5 à 10 % des élevages porcins actuels), le mode d’élevage conventionnel en bâtiment fermé sur caillebotis reste le plus généralisé ». En outre, bien que plébiscités par les consommateurs, ce type d’élevage alternatif présente de nombreux points critiques sur le plan de la biosécurité, du bien-être animal (BEA) et de la santé.
En effet, la probabilité d’exposition de ces élevages à des agents pathogènes transmis par la faune sauvage (sangliers, renards, hérissons, lièvres par exemple) est plus élevée. La population de rats est difficile à contrôler, surtout en présence de paille, et les oiseaux peuvent propager la gastro-entérite, la salmonellose ou la tuberculose aviaire. Par ailleurs, le nettoyage et la désinfection sont peu pratiques dans ces élevages. Il existe en revanche peu de différences entre les deux types pour les modes de distribution des aliments, même si les besoins sont plus importants en plein air. « Il est surtout important, en systèmes alternatifs, de prêter une attention particulière à la conservation des aliments, à l’équilibre de la ration et à la bonne gestion de l’eau (quantité, hygiène, température) » a indiqué Maxime Delsart. Selon le conférencier, la mortalité périnatale ainsi que celle des truies (infections urogénitales) est plus importante dans les élevages alternatifs. Ce paramètre varie en fonction des conditions météorologiques (humidité, froid, chaleur) et du confort à la mise bas. Les troubles de la reproduction y sont liés à la brucellose (sangliers) ou à la leptospirose (pluie), mais le syndrome MMA – métrite, mammite, agalaxie – est plus rare. De même, en extérieur, la qualité de l’air étant meilleure, les troubles respiratoires sont moins fréquents et les pathologies digestives touchent principalement les porcelets non sevrés ou en croissance. Dans ces systèmes alternatifs avec accès au plein air, le parasitisme interne reste une préoccupation majeure, car ces conditions d’élevage sont plus propices au développement et à la survie des parasites (Sarcoptes scabiei pour les truies élevées sur paille et poux pour les animaux ayant un accès à l’extérieur). Les troubles cutanés sont rares en élevage biologique, mais il existe trois fois plus de lésions à l’abattoir si les porcs sont élevés en plein air (eczéma, coup de soleil, piqûres d’insectes). Enfin, les blessures suite à des bagarres ou aux boiteries sont moins fréquentes que dans les élevages en bâtiment.
Au sujet des risques zoonotiques, il n’y a pas de différence significative de portage de Campylobacter ou d’E. coli entre les différents types d’élevage. Le risque de contamination parasitaire humaine par Toxoplasma gondii et Trichinella spiralis est faible, mais la séroprévalence de la maladie est plus élevée dans les élevages avec parcours de plein air. Comme l’a conclu le conférencier, les différents systèmes d’élevage alternatif présentent de réels atouts (BEA) mais doivent encore relever des défis majeurs, en particulier en ce qui concerne la maîtrise de la biosécurité, due à la difficulté d’assainir l’environnement, même si la densité plus faible dans ces élevages permet de limiter le risque d’infection. De plus, « pour que les agriculteurs répondent aux exigences du consommateur en produisant des denrées de qualité, tout en respectant l’environnement et en maintenant la rentabilité de leurs exploitations, le développement des circuits de distribution courts est une solution pour relever ce défi », a indiqué Peggy Crosnier, inspectrice du service Qualité et sécurité alimentaires à la direction départementale de la protection des populations (DDPP35). La réglementation de la vente en circuits courts (commercialisation avec au maximum un intermédiaire entre le vendeur et le consommateur), permet la vente directe du producteur au consommateur ou la vente indirecte avec un intermédiaire. La notion de proximité est définie dans la réglementation sanitaire à 80 kilomètres maximum et, dans une telle situation, le professionnel est responsable des denrées qu’il met sur le marché (vente à la ferme, sur les marchés, les foires, par colportage, à distance, en distributeur automatique). Toutes activités en lien avec les denrées animales doivent toutefois être déclarées à la Direction départementale pour la protection des populations (DDPP, Cerfa 13984), sans pour autant que cela nécessite la possession d’un agrément sanitaire lors de commercialisation directe. L’abattage des animaux de boucherie doit se faire obligatoirement dans un abattoir agréé. Pour les volailles et les lagomorphes, l’éleveur peut réaliser l’abattage lui-même (il s’agit alors d’un atelier d’abattage non agréé qui doit être déclaré à la DDPP). La vente de lait cru est aussi soumise à autorisation après constatation par la DDPP du respect des normes sanitaires et, pour les œufs, les règles de sécurité sanitaire diffèrent selon le nombre de poules dans l’élevage (pour moins de 250 poules, seule la vente directe est possible et le marquage des œufs est facultatif si la vente est faite sur le lieu de production). Comme l’a conclu la conférencière, les principaux dangers à maîtriser en production fermière sont dus à E. coli (viande hachée, fromages), la salmonelle (œufs, volailles, fromages), la listeria (fromages) mais aussi les résidus médicamenteux dans la viande, le lait et les œufs.
Système alternatif et parasitisme : un lien établi ?
Selon le vétérinaire Marc Loyau, le parasitisme intestinal est davantage présent dans les systèmes d’élevage alternatifs. Ainsi, dans les élevages de poules pondeuses avec parcours, l’augmentation de sa fréquence s’explique par une plus grande proximité entre l’animal et les pathogènes. Une étude récente a permis de montrer que la prévalence des ascaridioses en poules pondeuses est nettement supérieure dans les systèmes alternatifs (29 à 77 % vs 4,3 % dans les élevages en cages). Parmi les parasites, les ascaris sont très fréquents, les capillaria demeurent plus rares, et parmi les protozoaires le genre Eimeria est très présent chez les futures pondeuses, avec un impact économique important. En poussinière, les parasites majeurs sont les protozoaires qui provoquent des retards de croissance et de la mortalité. En production le parasitisme par Ascaris provoque une chute de ponte, des œufs décolorés, la colibacillose et un mauvais état général en production. L’échec du contrôle parasitaire peut s’expliquer par la présence de cycles parasitaires complexes. Ainsi, la lutte contre les hôtes intermédiaires peut être mal maîtrisée, il peut y avoir des contacts avec la faune sauvage porteuse ou le développement de résistance aux vermifuges. Les moyens de lutte passent par la décontamination du sol, la vermifugation programmée, adaptée et correctement effectuée car, comme l’a conclu le vétérinaire, « l’évolution structurelle des systèmes d’élevage vers l’accès aux parcours en plein air expose chaque jour davantage les poulettes et les futures pondeuses à des challenges sanitaires oubliés ».