Quinquennat Macron : entre avancées et attentes - La Semaine Vétérinaire n° 1943 du 06/05/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1943 du 06/05/2022

Présidentielle 2022

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : PAR Michaella Igoho-Moradel

Ce dimanche 24 avril, Emmanuel Macron a été réélu président de la République avec 58,5 % des suffrages contre 41,5 % pour Marine Le Pen. Les représentants de la profession partagent le bilan de son premier mandat et expriment leurs attentes en vue du prochain quinquennat.

Après cinq ans passés à l’Élysée, quel bilan dressent les organisations professionnelles de l’action d’Emmanuel Macron ? Si au départ, le dialogue avec les partenaires sociaux semblait au point mort, les deux dernières années du quinquennat ont sans doute été les plus constructives. « Les différentes crises qui se sont succédé ont amené les responsables politiques à considérer qu’il y a un intérêt à travailler avec les corps intermédiaires. C’est grâce à ce dialogue que nous avons pu avancer sur de nombreux dossiers » témoigne Michel Picon, président de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL). À en croire Laurent Perrin, président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), tout s’est accéléré sous la houlette du ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie. Des avancées certaines sont saluées notamment sur la question du maillage vétérinaire. Mais à l’ère Macron 2, des attentes de la profession restent fortes.

« Lors du congrès de la FNSEA*, Emmanuel Macron a été le seul à parler de l’importance de maintenir le maillage vétérinaire » souligne Laurent Perrin. Une prise en compte réelle de la question qui revêt un caractère d’urgence pour la profession ? Des mesures encourageantes ont été prises pour maintenir les vétérinaires dans les territoires ruraux, notamment grâce à la loi DDADUE**. L’Ordre des vétérinaires, impliqué dans les discussions au sujet de ce texte, saluait d’ailleurs l’adoption de cette loi en décembre 2020 qui contient en place des dispositions « essentielles pour préserver un maillage territorial vétérinaire efficient ». Concrètement, ce texte permet aux collectivités territoriales d’attribuer des aides aux vétérinaires « contribuant à la protection de la santé publique et assurant la continuité et la permanence des soins aux animaux d’élevage dans les zones définies comme des déserts vétérinaires ou sous-denses ». Ces mesures ciblent aussi les étudiants vétérinaires qui s’engageraient à y exercer durant cinq années consécutives. Deux décrets publiés en mai 2021 ont concrétisé l’application de ce texte. Pour Laurent Perrin, il est possible d’aller plus loin. « Le maillage vétérinaire doit être maintenu à tous les niveaux, dès l’installation. Il faut aussi préserver le rôle du vétérinaire de proximité et réfléchir sur la contractualisation avec l’État. » C’est aussi durant le premier mandat d’Emmanuel Macron que l’expérimentation de la télémédecine vétérinaire a été lancée. Le bilan de cette phase test devrait être rendu public dans les mois à venir.

Dans la même veine, Laurent Perrin reconnaît que la loi sur la maltraitance animale a mis en lumière des problématiques propres à l’activité canine « alors qu’elle était encore récemment occultée ». La question animale a été portée par deux principaux textes : la loi EGalim***, adoptée en 2018, renforce le bien-être des animaux d’élevage, et la loi sur la maltraitance animale, votée en 2021, protège quant à elle, les animaux de compagnie. « Contrairement à ce que certains candidats aux élections présidentielles ont affirmé durant leur campagne, il n’y a jamais eu autant d’avancées en matière de condition animale que lors de cette législature. Cela concerne aussi bien l’animal de compagnie, que l’animal sauvage (en particulier en captivité) ,l’animal d’expérimentation ou l’animal de production. Nous avons connu de vraies évolutions sur des thématiques pour lesquelles se battent depuis très longtemps de grandes associations de protection animale. On peut citer par exemple la proposition de loi contre la maltraitance animal dont j’étais le rapporteur général. » commente Loïc Dombreval (A91), député (LREM) des Alpes-Maritimes (2e circonscription), président du groupe d’études sur la condition animale de l’Assemblée nationale. Un mandat aussi synonyme d’avancées pour les professionnels libéraux ? « Nous sommes parvenus à élaborer une loi sur les indépendants avec un volet spécifique pour les professions libérales. Nous sommes aussi arrivés à faire admettre qu’un fonds libéral est identique à un fonds commercial et qu’il est possible de l’amortir dans les mêmes conditions. Nous avons pu faire aboutir la mise en œuvre d’indemnités journalières pour les professions libérales dans la première partie des 90 jours » détaille Michel Picon. Mais ce quinquennat a aussi été marqué par une opposition forte des indépendants à la réforme des retraites. D’un côté, il y avait un gouvernement favorable à la mise en place d’un système de régime universel et de l’autre, des libéraux qui s’insurgeaient contre la disparition de leurs caisses de retraite. « Nous avons réussi à préserver nos caisses de retraite dans la durée et à sanctuariser nos réserves » poursuit le président de l’UNAPL.

De son côté, Laurent Perrin reconnaît être sceptique à propos de la formation et du financement du compte professionnel de formation, pour lequel les fonds réservés aux libéraux ont été mobilisés. La formation reste en effet l’un des sujets sur lesquels Emmanuel Macron est attendu au tournant. Ainsi que pour la délégation des actes, un dossier au point mort selon Laurent Perrin. « Nous n’avons pas de véhicule législatif. Pendant ces cinq ans, nous n’avons pas pu passer des textes spécifiques à la profession vétérinaire. Nous souhaitons une vraie loi vétérinaire qui contiendrait tous ces sujets. » Les attentes de la profession restent aussi fortes à propos de son organisation. « Nous attendons un éclaircissement réglementaire sur la présence des chaînes en France. Bien que ce sujet ne dépende pas totalement du gouvernement, mais relève aussi de la décision du Conseil d’État. Il faut que les vétérinaires bénéficient d’une sécurité juridique qui n’existe pas aujourd’hui » relève Laurent Perrin. Au sujet de l’enseignement vétérinaire, le président du SNVEL indique qu’il sera attentif à la qualité de l’enseignement donné dans la nouvelle école privée vétérinaire « afin qu’il soit du même niveau que celui des écoles nationales ». Pour ce nouveau mandat, Michel Picon espère que le dialogue engagé sera maintenu. « Nous veillerons à ce que les libéraux ne soient pas oubliés lors des prochains débats sur la réforme des retraites, le système de santé, la formation ou encore le vieillissement de la population. » L’UNAPL compte mettre sur la table d’autres sujets importants pour les libéraux, comme l’accompagnement à la création d’entreprise libérale, le soutien à l’exercice libéral des femmes, l’amélioration de la représentativité des TPE et plus globalement une meilleure protection sociale dans ces professions. De son côté, Loïc Dombreval appelle le Gouvernement à passer à l’action concenant des sujets clivants. « Il faudra que le Gouvernement se prononce sans attendre sur la chasse en enclos, l’élevage de gibier pour la chasse et sur l’avenir des chasses traditionnelles : chasse à la glu ou vénerie souterraine par exemple. Au passage, quand les chasseurs s’arc-boutent pour faire perdurer ces chasses préhistoriques, ils ne font qu'accroître le fossé déjà énorme avec la population. Le Gouvernement devra aussi s’interroger sur l’avenir de la corrida, notamment pour les mineurs. Les exceptions régionales laissent la place à des lois schizophréniques où un acte de cruauté dans un département n’en est plus un dans un autre département. »

Un lobby vétérinaire à construire ?

À l’aube d’une nouvelle législature, Loïc Dombreval (A91), député (LREM) des Alpes-Maritimes (2e circonscription) invite la profession à faire bloc. « J’ai besoin des vétérinaires pour avancer sur ces sujets sur lesquels ils ont une légitimité. Or, je suis surpris de ne pas avoir travaillé en amont avec la profession sur des dossiers importants comme le maillage vétérinaire ou encore les écoles vétérinaires privées.  La préparation des lois et des textes réglementaires ne peut pas seulement se faire entre l’organisation professionnelle vétérinaire et le ministère de l’Agriculture.Un « lobby vétérinaire » devrait s’organiser comme dans d’autres professions comme les pharmaciens ou les médecins. » Selon lui, Il y a une urgence à ce que la profession vétérinaire s’organise pour parler d’une seule voix et travaille avec des spécialistes de l’influence afin de porter ses problématiques au plus haut niveau de l’État et de l’Europe.

  • *Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles
    ** Loi DDADUE : Diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne
    *** Loi ÉGalim issue des États généraux de l’alimentation