Helicobacter, une bactérie utile pour le jeune chien  ? - La Semaine Vétérinaire n° 1944 du 13/05/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1944 du 13/05/2022

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ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Tanit Halfon

Une récente étude française a révélé pour la première fois une association statistique entre Helicobacter et hyperplasie folliculaire gastrique chez le chien. Selon les auteurs, la bactérie pourrait jouer un rôle dans le développement gastrique du jeune animal.

Il est notoire que quasiment tous les chiens sont porteurs d’Helicobacter sp. au niveau gastrique. Sa prévalence oscillerait entre 67 à 100 % chez le chien sain, avec une bactérie qui colonise l’estomac dès 6 semaines d’âge. Toutefois, à la différence de l’humain (voir encadré), son rôle pathogène n’est pas clair. Une récente étude1 publiée dans le Journal Veterinary Internal Medicine apporte des éléments nouveaux à ce sujet. Fruit d’une collaboration entre les équipes du centre hospitalier vétérinaire de Frégis (Arcueil), du laboratoire d’histopathologie LAPVSO (Toulouse) et de l’école nationale vétérinaire d’Oniris (Nantes), cette étude rétrospective avait pour objectif d’évaluer les facteurs épidémiocliniques, dont la quantité d’Helicobacter, associés à la gastrite chez le chien. 288 chiens de différentes races ont été inclus dans l’étude, avec un âge médian de 5 ans (de 10 mois à 15 ans). L’analyse multivariée des données a révélé une association statistique entre la quantité d’Helicobacter et le niveau d’hyperplasie folliculaire gastrique : ainsi, plus la quantité d’Helicobacter était élevée (score basé sur une quantification bactérienne sur microscopie), plus la gastrite était sévère (grading basé sur l’analyse histologique).

Un lien avec l’âge

En outre, l’analyse univariée a montré des liens statistiques avec l’âge de l’animal : les jeunes chiens avaient ainsi plus de chance d’avoir une hyperplasie folliculaire plus marquée et un score plus élevé pour Helicobacter. Le lien entre l’inflammation gastrique et l’âge n’est toutefois pas ressorti à l’analyse multivariée. Parmi les autres enseignements de l’étude, les chiens qui vomissaient avaient plus de risques de présenter une gastrite sévère. De plus, le fait d’observer à l’examen endoscopique des lésions ulcératives, hémorragiques ou de décoloration au niveau de la muqueuse gastrique (et pas duodénale) était aussi associé à des gastrites plus marquées. Aucune association statistique n’a toutefois été trouvée entre la sévérité de la gastrite et le poids de l’animal, la présence de régurgitation, d’une dysphagie, diarrhée, toux, détresse respiratoire ou le fait que l’animal ait subi une intervention chirurgicale de traitement du syndrome brachycéphale. L’analyse multivariée n’a pas confirmé que l’appartenance à une race, notamment brachycéphale, était un facteur influençant la sévérité de la gastrite.

Une bactérie du microbiote normal du jeune chien ?

Pour les auteurs, ces constats ne plaident pas en faveur du rôle pathogène d’Helicobacter. Ils proposent, au contraire, l’hypothèse qu’Helicobacter pourrait jouer un rôle dans la maturation de l’immunité gastrique du jeune chien. Cette hypothèse est confortée par les résultats d’une étude chez la souris qui montre que l’infection d’une jeune souris par Helicobacter ne provoque pas de maladies particulières, alors que l’infection d’une souris adulte est associée au développement de lésions prénéoplasiques. Partant de cette hypothèse, l’intérêt d’administrer un traitement contre Helicobacter chez le jeune chien peut être remis en question. Interrogé, Juan Hernandez, enseignant-chercheur à Oniris, souligne qu’il y a « de fortes chances que le traitement antibiotique soit au minimum inutile, voire pourrait entraîner une dysbiose intestinale ». « C’est une raison de plus pour ne pas chercher la bactérie chez le chien, indique-t-il. Si on devait être amené à administrer un traitement contre Helicobacter lors d’une gastrite, il faudra vraiment exclure toutes les autres causes possibles ». La situation n’est pas la même chez le chat : « Une étude a montré un lien entre Helicobacter et lymphome gastrique. Une autre a montré un lien entre le portage de la bactérie chez le chat, et le risque de zoonose. Donc pour le chat, il est recommandé de rechercher et traiter contre Helicobacter lors d’une maladie gastrique ».

Et chez l’humain ?

15 à 30 % de la population française seraient contaminés par Helicobacter pylori. Cette bactérie colonise la muqueuse gastrique et favorise l’apparition d’ulcères gastriques ou duodénaux. Il est établi aussi que l’infection à Helicobacter pylori joue un rôle causal dans la pathogenèse de processus tumoraux (adénocarcinome gastrique, lymphome). On estime qu’environ 10 % des personnes infectées vont développer un ulcère, et 1 % un cancer gastrique. Des recommandations en termes de diagnostic et de traitement ont été établies par la Haute autorité de santé.

Sources : https://urlz.fr/iaqi
https://urlz.fr/iaqk