Les missions sanitaires du vétérinaire canin - La Semaine Vétérinaire n° 1947 du 03/06/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1947 du 03/06/2022

Santé publique vétérinaire

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Tanit Halfon

Dans le cadre de son habilitation sanitaire, le praticien canin effectue plusieurs missions au service de la santé publique. En parallèle, il peut aussi être mandaté pour des missions précises sous la responsabilité de l’État.

Depuis les États généraux du sanitaire, les missions sanitaires du vétérinaire praticien ont été réexaminées et clarifiées : d’une part, il y a celles relevant de l’habilitation sanitaire, d’autre part celles rattachées à un mandat sanitaire. Le vétérinaire canin y prend largement sa part, comme l’a exposé Amélie Camart-Périé, vétérinaire canin, et formatrice pour la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) au dernier congrès de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) 2021 à Bordeaux.

Le vétérinaire habilité (dit vétérinaire sanitaire) est celui qui intervient à la demande et pour le compte d’un propriétaire, ou d’un éleveur, pour des missions imposées par la réglementation aux détenteurs d’animaux. Dans ce cas, la responsabilité est individuelle et incombe au vétérinaire (responsabilité professionnelle). Le propriétaire de carnivores domestiques ou de nouveaux animaux de compagnie (NAC), en tant que particulier, n’est pas tenu de désigner un vétérinaire sanitaire unique. Il pourra ainsi consulter n’importe quel vétérinaire habilité pour satisfaire aux obligations auxquels il est soumis.

Des missions multiples pour le vétérinaire habilité

Certaines de ces obligations1 sont des missions du quotidien de tous les praticiens canins : vaccination contre la rage, délivrance des passeports et tenue d’un registre, réalisation des titrages antirabiques, surveillance des animaux mordeurs et griffeurs, notification lors d’importation illégale des animaux domestiques… Sans oublier la mission première du vétérinaire sanitaire qui est d’assurer une surveillance des maladies réglementées au cours de son exercice : pour l’exercice canin, la plus connue est la rage. Pour le reste, il y a eu des changements avec la loi de santé animale (voir sous-papier).

D’autres missions sanitaires définies par la réglementation nationale sont endossées par un nombre plus limité de vétérinaires : il s’agit des visites sanitaires des élevages des carnivores domestiques, des pensions, refuges, fourrières et animaleries. Ces visites ont été rendues obligatoires depuis 2014, une à deux fois par an suivant la taille de la structure, et sont associées à l’élaboration d’un règlement sanitaire et d’un rapport de visite sanitaire. Dans ce cas, le détenteur d’animaux est tenu de désigner un vétérinaire sanitaire unique. Il y a aussi la surveillance des rassemblements d’animaux dans les expositions et ventes (vérification de l’identification et des vaccins), le contrôle de bien-être animal dans les élevages, animaleries, fourrières, la surveillance du transport (véhicules professionnels), visite sanitaire en expérimentation animale, l’examen des animaux errants dans les territoires ultramarins…

Une habilitation soumise à formation

Pour être vétérinaire habilité, il faut d’une part être diplômé et inscrit à l’Ordre, d’autre part avoir suivi une formation spécifique qui est dispensée dans les écoles vétérinaires. La demande d’habilitation se fait ensuite auprès des services vétérinaires du domicile professionnel, et est limitée à cinq départements limitrophes (sauf filières particulières). Seuls les vétérinaires ruraux et équins ont une obligation de formation continue, qui est indemnisée par l’État. Ces formations ont pour objectif de maintenir un réseau de veille sanitaire efficace, et d’entretenir les relations avec les services déconcentrés. Toutefois, depuis novembre 2020, les vétérinaires strictement « carnivores domestiques/NAC » peuvent rentrer dans ce dispositif de formation continue3,4, dans la limite des places et des crédits disponibles. En clair : ils pourront être indemnisés, comme les vétérinaires « animaux de rente », mais ils devront alors répondre à des obligations de formation continue comme les autres, c’est-à-dire suivre au minimum une formation en trois ans, et au maximum quatre formations sur dix ans. Il existe vingt formations proposées dans le programme4 2022. Plusieurs sont susceptibles d’intéresser le vétérinaire canin : sur la rage, mais aussi sur les animaux de ferme en ville, la gestion de la faune sauvage en cabinet vétérinaire, ou encore l’utilisation d’I-CAD (Identification des carnivores domestiques) dans le cadre d’importation illégale de carnivores domestiques et de la gestion des animaux mordeurs ou griffeurs.

Des perspectives d’avenir

À l’avenir, selon la conférencière, il est probable que la casquette sanitaire du vétérinaire pour petits animaux de compagnie pèse davantage. En effet, un nombre croissant d’animaux de rente est détenu par des particuliers, tout comme des nouveaux animaux de compagnie, pour lesquels les propriétaires ont des obligations même s’ils ne sont pas éleveurs professionnels. En premier lieu, dès lors qu’une personne détient un seul bovin, caprin ou ovin, un suidé reproducteur et deux suidés à l’engrais, trois équidés ou plus, elle doit désigner un vétérinaire sanitaire au préfet de son département. De manière générale, le vétérinaire sanitaire canin devra connaître les obligations réglementaires d’identification et de déclaration des animaux détenus, la prophylaxie obligatoire (tuberculose, brucellose, Aujesky), les conditions de détention (détention légale ou pas, certificat de capacité, installations, etc), ainsi que les maladies réglementées devant être notifiées aux autorités sanitaires pour en informer ses clients, et appliquer la réglementation en vigueur en particulier pour la surveillance des maladies réglementées.

L’infection à Echinococcus multilocularis devient à déclaration obligatoire

Entrée en vigueur le 21 avril 2021, la loi de santé animale (LSA) a amené à un nouveau système de catégorisation des dangers sanitaires, qui remplace donc la notion de dangers sanitaires de première ou deuxième catégorie (DS1, DS2). Au total, 63 maladies animales sont répertoriées et classées dans cinq catégories :

- Catégorie A : maladie normalement absente de l’UE - Éradication immédiate ;

- B : maladie devant être contrôlée par tous les États membres - Éradication obligatoire ;

- C : maladie soumise à contrôle volontaire des États membres - Éradication volontaire ;

- D : maladie pour laquelle des restrictions aux mouvements entre États membres s’appliquent ;

- E : maladie soumise à surveillance et notification européenne obligatoire.

Plusieurs combinaisons sont possibles : ADE, BDE, CDE, DE et E.

Deux listes, européenne et nationale

La liste des dangers sanitaires pour les carnivores domestiques a été réduite par rapport à ce qui était inscrit dans la réglementation nationale, le législateur estimant que « la détention à des fins exclusivement privées, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur, pose généralement un risque sanitaire plus faible par comparaison à d’autres modes de détention ou types de mouvements d’animaux à plus grande échelle ». Cette liste passe ainsi de dix à quatre maladies : rage (BDE), tuberculose (E-complexe mycobacterium tuberculosis), infection à brucella (E-mais seulement B. abortus, melitensis et suis ; exclusion de B. canis), et Echinococcus multilocularis (CDE). L’échinococcose est une nouveauté en France : en effet, la maladie n’était pas listée dans les DS1 ou DS2. Cette maladie a été incluse car elle faisait déjà l’objet de mesures réglementaires de gestion préventive (traitement des chiens avant importation), reconnues par la Commission européenne (sous la forme d’un règlement délégué1), dans plusieurs pays européens indemnes : Finlande, Irlande, Malte (Royaume-Uni).

La France a complété cette nouvelle liste européenne avec l’arrêté2 du 5 mai 2022 qui introduit des maladies supplémentaires d’intérêt national. Six maladies anciennement réglementées DS1 ou 2, y sont répertoriées, à savoir Brucella canis, la maladie d’Aujeszky, l’encéphalite à virus Nipah, l’encéphalopathie spongiforme transmissible, la trichinellose et la tularémie.

Un cadre pour l’épidémiosurveillance

Au final, on retiendra que seuls le botulisme et la fièvre charbonneuse ne seront plus réglementés chez les carnivores domestiques. De plus, l'infection à Echinococcus multilocularis devient réglementée.

En pratique, toutes ces maladies sont soumises à surveillance (E) : le vétérinaire doit donc les déclarer à l’autorité compétente, c’est-à-dire la direction départementale de la protection des populations, en cas de suspicion ou de confirmation. C’était bien entendu déjà le cas avec la réglementation des DS1 ou 2. Ce qui change donc est la déclaration obligatoire des cas d’infection à Echinococcus multilocularis.

À ce stade, hormis celui de la rage, aucun dispositif supplémentaire de lutte n’est prévu pour les autres maladies, notamment pour l’échinococcose qui est classée en CDE, donc pouvant faire l’objet de mesures d’éradication volontaire. Des restrictions de mouvement (D) à l’entrée sur le territoire français ne sont pas annoncées.

1. https://bit.ly/38yHFre

2. https://bit.ly/3PPGx3m

Le vétérinaire mandaté

Outre le vétérinaire sanitaire ou habilité, il y a le vétérinaire mandaté1. Il intervient au nom et pour le compte de l’État pour des missions précises. Dans ce cas, la responsabilité engagée est celle de l’État et non du praticien. La durée du mandat est fixe, cinq ans, et renouvelable. La désignation d’un vétérinaire mandaté fait suite à un appel à candidature. La rémunération se fait sur une base forfaitaire. En théorie, un vétérinaire mandaté peut ne pas avoir d’habilitation sanitaire. Une formation spécifique est parfois requise. Plusieurs types de missions lui incombent : certification d’animaux vivants pour les exportations et les échanges, contrôle de transport d’animaux, expertise en protection animale faisant suite à un signalement de maltraitance ou à des troubles à l’ordre public, hygiène alimentaire (abattoir, restauration collective), etc. Il y a aussi le mandatement pour des missions de police sanitaire, dans un contexte de crises sanitaires : dans ce cas, il n’y a pas d’appel à candidature, le préfet désigne le vétérinaire sanitaire de l’élevage et ce dernier ne peut pas refuser. S’il n’est pas disponible, il mandate un autre vétérinaire sanitaire. Étant donné le statut du vétérinaire mandaté, la rémunération est fixée sur une base forfaitaire fixée par l’État.

1. https://bit.ly/3z3hDXW

  • 1. Toutes les obligations et missions sanitaires des vétérinaires sont définies dans une instruction technique de 2012.