Des pénuries de médicaments vétérinaires sont-elles à craindre en Ukraine ? - La Semaine Vétérinaire n° 1950 du 24/06/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1950 du 24/06/2022

Europe

PHARMACIE

Auteur(s) : Michaella Igoho-Moradel

Malgré les tensions, la distribution de produits vétérinaires se poursuit en Ukraine. Mais dans les zones touchées par le conflit, les besoins restent importants dans les élevages.

Comment la crise ukrainienne impacte-t-elle les productions animales et la santé animale dans le pays ? L’Académie vétérinaire de France s’est penchée sur cette question lors de sa dernière séance plénière du 9 juin sur les défis et les opportunités des vétérinaires européens. À cette occasion, Jean-Jacques Hervé, ancien conseiller du gouvernement ukrainien pour les questions agricoles, conseiller agricole près l’Ambassade de France à Moscou et président de l’Académie d’agriculture de France, a fait le point sur la situation des élevages ukrainiens. Le grenier de l’Europe subit de plein fouet les conséquences de la crise sur ses productions animales. Dans les zones touchées, la santé animale est, elle aussi, mise à mal. « Actuellement dans le Donbass, les contrôles sont insuffisants pour prévenir les risques sanitaires. Les épizooties de peste porcine africaine et d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) restent des problèmes préoccupants. Les grandes entreprises tentent de se prémunir tandis que les élevages aviaires de particulier sont hors de contrôle » confie l’académicien. Peu après le début de l’offensive russe, le ministère de l’Agriculture ukrainien a lancé un appel aux dons de produits de santé vétérinaires.

Pas de pénuries malgré les tensions

Anna Bondarchuk, représentante de l’Association des producteurs de lait, nous avait alertés* : des producteurs de lait n’avaient plus de logistique suffisante pour pouvoir commercialiser leur lait. « Ils sont en train de manquer de nourriture et de produits vétérinaires pour leur bétail ». Un constat nuancé par Jean-Jacques Hervé. « Pour le médicament vétérinaire, le problème principal est lié au conflit entre la Russie et l’Ukraine, et la structure entrepreneuriale des fabricants. Lorsqu’un laboratoire produit des médicaments dans les deux pays, en Ukraine il est invité à choisir. Cette question se pose pour tous les fabricants de médicaments, que ce soit en santé animale ou en santé humaine. Il semble difficile de faire bouger les lignes du gouvernement ukrainien afin qu’il admette que la logique industrielle l’emporte sur la logique conflictuelle et politique. » Malgré ces tensions, les médicaments arrivent, il n’y a pas de pénurie mais des besoins. De leur côté, les industriels de la santé animale, qui pourraient faire face à ces difficultés, n’ont pas signalé** un ralentissement de leur activité en lien avec cette position du gouvernement ukrainien.

Mais des besoins identifiés

Pourtant sur le terrain, en particulier dans les élevages des zones touchées par le conflit, les besoins en produits vétérinaires sont importants. Le ministère ukrainien de la politique agraire et de l’alimentation a lancé fin mars un appel aux dons de produits vétérinaires. Une liste*** précise des besoins en vaccins, antibiotiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou encore d’anti-inflammatoires stéroïdiens, est accessible en ligne. Les problèmes sanitaires liés à l’absence de contrôles des maladies font planer des risques pour la santé animale et la santé publique. « La rage par exemple, qui n’est pas une maladie importante en Ukraine, était bien contrôlée par les services vétérinaires grâce à une collaboration avec la France. Mais aujourd’hui, cela ne marche plus. Que va-t-il se passer à nos frontières européennes avec la Pologne ? C’est un point qu’il faudra suivre dans les accords passés entre l’Ukraine et la Russie sur les contrôles aux frontières » alerte Jean-Jacques Hervé. Les enjeux sont en effet nombreux. Les accords sanitaires entre les vétérinaires locaux et européens peuvent être difficiles à négocier. « Je fais confiance à l’éthique professionnelle des vétérinaires russes et ukrainiens et à leur sens de la responsabilité. Il faut être prudent avant de jeter la pierre aux chefs des services vétérinaires de ces pays » conclut l’académicien.