Pour de meilleures pratiques de transport et d’abattage - La Semaine Vétérinaire n° 1950 du 24/06/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1950 du 24/06/2022

Conférence

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Par Bénédicte Iturria

Les 19 et 20 mai 2022 une conférence organisée par l’association de protection animale Eyes on Animals1 s’est tenue à Zandvoort aux Pays-Bas. Le thème en était l’adoption de meilleures pratiques pour le transport et l’abattage des animaux de ferme.

Plus d’une centaine de personnes de différents pays et de tous horizons (vétérinaires, éleveurs, universitaires, ONG de protection animale, industriels, transporteurs, responsables d’abattoirs…) étaient présentes pour partager et découvrir les initiatives destinées à améliorer le bien-être des animaux de rente. Sanna Mesman, représentante du ministre de l’Agriculture néerlandais (retenue au parlement à la dernière minute), participait aussi à ce rendez-vous. Elle a dit le ministère très demandeur de retours d’expérience de personnes de terrain pour ajuster les réglementations en faveur des animaux.

Problématiques du transport

La première journée avait pour thème les problématiques du transport des animaux tels que le chargement et le déchargement, le stress thermique, la durée de transport et les moyens de contrôle disponibles pour vérifier son bon déroulement. Différentes entreprises ont exposé leurs initiatives pour améliorer les conditions de transport des animaux. Elles ont par exemple présenté des véhicules avec des équipements pour mieux lutter contre la chaleur (système de refroidissement par air pour les volailles, dispositif de brumisation pour rafraîchir les animaux, système de refroidissement de l’eau de boisson des abreuvoirs…).

Avancées

Peter Hencz, représentant de Hunland, l’une des plus grandes entreprises de transport et d’import-export de bétails, a aussi proposé lors de son intervention des avancées pour le bien-être animal. Cette société hongroise a décidé, en coopération avec des ONG de protection animale dont Eyes on Animals, d’appliquer des règles beaucoup plus strictes pour le transport d’animaux que la législation actuelle ne le prévoit. Ainsi depuis août 2021, elle ne transporte plus de veaux non sevrés de moins de trois mois, ces derniers ne pouvant pas recevoir les soins et l’alimentation appropriés dont ils ont besoin, enfermés dans un camion. Hunland fait appel à des agents de protection des animaux dotés d’un minimum de cinq années d’expérience dans le transport. L’entreprise teste actuellement un système de documentation photos et vidéos lors du chargement, du déchargement et du repos des animaux. Durant ces phases, les transporteurs, via une plateforme cloud, envoient leurs images avec un numéro de suivi à des vétérinaires qui vérifient si tout est conforme. Hunland collabore aussi avec l’université vétérinaire de Budapest sur un projet de code de bien-être animal.

Deux conférenciers sont venus faire part de leur expérience positive lors du chargement des poulets grâce à la méthode de capture dite suédoise2, beaucoup moins traumatisante pour les animaux et en fin de compte moins fatigante pour les professionnels. Elle consiste à saisir les gallinacés des deux mains, non par les pattes, mais au niveau du bréchet et des ailes.

Pour répondre aux critiques selon lesqelles utiliser des techniques respectueuses du bien-être animal sont coûteuses, Ruud Sanders, éleveur de poules pondeuses aux Pays-Bas, a démontré que cette méthode de capture ne coûtait au final que 0,08 euro de plus par an au consommateur néerlandais, qui mange en moyenne 200 œufs chaque année.

Améliorer l’abattage

La seconde journée était consacrée aux avancées pour améliorer l’abattage. Les intervenants se sont exprimés sur les méthodes d’étourdissement, les systèmes de contention, l’aménagement de couloirs d’amenées adaptés au comportement des animaux pour limiter leur stress au maximum (la diminution du nombre d’animaux arrivant en même temps est un facteur important) et l’amélioration des contrôles par l’utilisation de caméras de vidéo surveillance et de l’intelligence artificielle3.

L’experte mondiale des animaux de ferme Temple Grandin était aussi présente à cet événement, en visioconférence depuis le Colorado. L’audience a pu échanger sur toutes les recherches4 et les techniques que cette professeure de zootechnie et de sciences animales a mis au service des éleveurs et des abattoirs depuis de nombreuses années. Le Dr Grandin a rappelé les facteurs de stress des animaux et les distractions qui pouvaient les faire refuser d’avancer par exemple à l’abattoir (ombres ou contrastes de lumière, sol trop glissant, reflets sur une surface, courant d’air, humains devant eux, objet sur le sol…). Elle a exhorté le public à ne pas hésiter à « essayer » toutes les nouvelles idées pouvant améliorer le bien-être animal.

Formation et connaissance

Deux points importants que tous les participants ont mis en exergue lors de cette conférence sont la formation du personnel et la nécessité de bien connaître le comportement des animaux. Plus les employés sont avertis des gestes à ne pas faire et adoptent les bonnes techniques, plus ils minimisent le stress des animaux et les rendent plus coopératifs, ce qui limite en retour le stress du personnel. Le vétérinaire et éleveur de porcs Kees Scheepens a parfaitement illustré dans sa présentation le besoin d’une bonne connaissance du comportement de ces animaux et de leur extrême intelligence afin de les manipuler de façon plus respectueuse. Comprendre et connaître la réaction des porcs face à certains stimuli et facteurs de stress permet d’adapter les bons gestes lors de leur déplacement. Comme le dit notre confrère « un petit bruit métallique pour un cochon revient à écouter Metallica pour un humain, une petite ouverture correspond à une porte grande ouverte, un tunnel plein de lumière à un palais des glaces, le son d’une pagaie de triage équivaut à une celui d’une mitrailleuse, une petite tape c’est comme un grand coup et un petit choc c’est comme une électrocution ». Déplacer des cochons peut se faire de façon calme grâce à un environnement adapté : lumière verte dans un couloir, parois latérales sans trous, matériels de guidage douloureux remplacés par un simple sac plastique que l’on agite ou une frite de piscine en mousse. Les éleveurs doivent évoluer dans les enclos pour que les porcs puissent s’habituer au contact des humains et ainsi être moins effrayés et plus coopératifs lors du transport et de leurs derniers instants dans l’abattoir.

À l’issue de cette conférence qui a rencontré un vif succès, tous les participants espèrent se réunir à nouveau lors d’un futur événement (la crise sanitaire ayant retardé de deux ans cette conférence) pour partager encore plus de nouvelles avancées pour le bien-être animal.