Santé publique
PHARMACIE
Auteur(s) : Michaella Igoho-Moradel
Malgré des tentatives d’eurodéputés pour restreindre l’arsenal thérapeutique vétérinaire, la Commission européenne n’a apporté aucune modification à la liste d’antimicrobiens réservée aux humains. L’inscription de substances sur ce document entraîne une série de changements.
Énorme soupir de soulagement pour la profession. En juillet dernier, la Commission européenne a publié la liste désignant les antimicrobiens réservés aux humains. Des objections ont été formées devant le Parlement européen pour restreindre l’arsenal thérapeutique vétérinaire. « Cette motion méconnaissait le fait que certains antibiotiques critiques pour l’humain sont également critiques pour l’animal et sont utilisés en dernier recours chez les animaux dans des conditions strictement encadrées et contrôlées. Elle risquait de menacer près d’un tiers des antibiotiques utiles et utilisés en santé animale aujourd’hui » alertait alors le Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (Simv). Des organisations européennes, comme la Fédération vétérinaire européenne (FVE) ou encore la plateforme européenne pour l’utilisation responsable des médicaments vétérinaires (Epruma), sont également montées au créneau pour protéger la santé animale mais aussi la santé publique. De son côté, l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) est récemment revenue sur les changements consécutifs à l’inscription d’antimicrobiens sur cette liste.
Une liste qui reste controversée
Avec l’adoption de cette liste d’antimicrobiens critiques, la Commission européenne met un terme à un long chapitre plein de rebondissements pour la profession. Les tentatives répétées d’un groupe d’eurodéputés visaient notamment à interdire l’utilisation des fluoroquinolones, des céphalosporines de troisième et quatrième générations, de la polymyxine et des macrolides en médecine vétérinaire. La colistine était donc également dans le collimateur. « C’est carrément une négligence que même la colistine n’ait pas été inscrite sur la liste des antibiotiques réservés à la médecine humaine. Après tout, on sait que l’utilisation de la colistine dans l’élevage peut très bien être supprimée si des mesures de vaccination, d’hygiène et de gestion sont utilisées de manière ciblée. Certains pays de l’Union européenne, comme le Danemark, s’abstiennent désormais complètement d’utiliser la colistine, tout comme l’agriculture biologique. Donc ça marche sans ! » a déclaré Martin Häusling, porte-parole de la politique agricole des Verts/Libre alliance européenne et membre de la Commission de l’environnement et de la santé, à l’origine de l’objection déposée en juin dernier devant le Parlement européen.
Une liste applicable en février 2023
Pourtant, pour les représentants de la profession, cette façon d’aborder la problématique de l’antibiorésistance est erronée et témoigne d’une mauvaise interprétation des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ils dénoncent des « croyances dépassées sur l’utilisation abusive des antibiotiques dans le secteur animal. » Epruma estime que certains raisonnements sont incompréhensibles, comme l’utilisation hors AMM d’antibiotiques humains au lieu de produits vétérinaires autorisés, qui sont spécialement développés pour différentes espèces animales avec les contrôles nécessaires pour protéger la santé publique et la sécurité alimentaire. Après des débats animés, le Parlement européen a finalement adopté le 4 juillet 2022 la liste pourtant élaborée sur la base d’avis scientifiques fournis par l’Agence européenne des médicaments (EMA), en collaboration avec des experts des États membres de l’Union européenne, du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). « Plus de 30 scientifiques, dont des microbiologistes, des vétérinaires et des médecins spécialisés dans les maladies infectieuses, ont contribué à cette évaluation scientifique » a indiqué la Commission européenne. La liste publiée par l’autorité européenne est applicable à partir du 9 février 2023. Concrètement quels sont les changements apportés ?
Des médicaments vétérinaires interdits à la vente
La Commission européenne indique que les antimicrobiens inscrits sur cette liste ne peuvent en aucun cas être utilisés chez les animaux. La vente de médicaments vétérinaires contenant ces substances sera interdite. L’ANMV rappelle aussi qu’aucune autorisation de mise sur le marché en médecine vétérinaire ne sera délivrée pour tous les médicaments contenant ces substances. La réglementation actuelle entraîne également le retrait des autorisations de mise sur le marché des médicaments vétérinaires qui contiendraient ces substances antibiotiques. Cette mesure ne concerne aucun médicament actuellement disponible sur le marché français. Ces substances ne pourront plus être utilisées chez l’animal, quelles que soient les circonstances, y compris dans le cadre de la cascade thérapeutique en l’absence de médicaments autorisés, poursuit l’agence. Enfin, cette liste signifie aussi la fin de l’importation en Europe des animaux producteurs d’aliments ayant reçu des antimicrobiens inscrits dans cette liste ou les produits d’origine animale. À noter qu’une autre liste d’antimicrobiens, dont l’usage est interdit ou restreint dans le cadre de l’utilisation hors AMM, doit être élaborée.
Antimicrobiens ou groupes d’antimicrobiens réservés au traitement de certaines infections chez l’humain
Antibiotiques : carboxypénicillines, uréidopénicillines, ceftobiprole, ceftaroline, combinaisons de céphalosporines et d’inhibiteurs de bêta-lactamase, céphalosporines, sidérophores, carbapénèmes, pénèmes, monobactames, dérivés de l’acide phosphoreux, glycopeptides, lipopeptides, oxazolidinones, fidaxomicine, plazomicine, glycylcyclines, éravacycline, omadacycline.
Antiviraux : amantadine, baloxavir marboxil, celgosivir, favipiravir, galidesivir, lactimidomycine, laninamivir, méthisazone/métisazone, molnupiravir, nitazoxanide, oseltamivir, péramivir, ribavirine, rimantadine, tizoxanide, triazavirine, umifénovir, zanamivir.
Antiprotozoaires : nitazoxanide.