Le secteur vétérinaire s’engage dans le numérique - La Semaine Vétérinaire n° 1955 du 30/08/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1955 du 30/08/2022

Congrès NUManima

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Par Fabrice Jaffré

Les outils digitaux au service de la pratique et de l’enseignement ne cessent de se développer. Revue des modèles présentés à Oniris lors du congrès de l’association Vet IN Tech, en juillet dernier.

Réalité augmentée, autopsie virtuelle, micro-learning… Dans le secteur vétérinaire, les projets liés au numérique foisonnent. Un constat partagé lors du congrès NUManima de l’association Vet IN Tech, les 6 et 7 juillet 2022 à Oniris (Nantes). Cette deuxième édition avait pour thème l’« e-nnovation » en santé animale, autrement dit l’innovation dans le secteur du numérique. Cette innovation ne se limite pas aux nouvelles technologies applicables en consultation ou en chirurgie : elle est également présente dans la communication ou encore dans la formation.

La réalité virtuelle a ainsi fait son entrée dans les écoles vétérinaires. Elle accompagne par exemple l’apprentissage des élèves en médecine porcine, avec la visite virtuelle d’un élevage porcin, au cours de laquelle l’étudiant doit contrôler les règles de biosécurité et vérifier de nombreux paramètres d’élevage. Outre cette simulation d’environnement, des simulations de procédure se développent également, comme la solution RoVR de la société Orthomed, qui permet de s’entraîner virtuellement à la chirurgie du ligament croisé, ou encore des simulations cliniques, au moyen de serious games. Ces derniers ajoutent à un module pédagogique professionnel les codes du jeu, comme des points à gagner ou un nombre de vies limité.

Formation initiale et continue

Et pourquoi pas un escape game ? C’est le choix fait par la chaire de télémédecine vétérinaire d’Oniris pour un de ses projets, SmartVetOniris. L’objectif : former les étudiants à manipuler des données d’élevage et à utiliser des outils de précision dans leur pratique vétérinaire. Au début de leur parcours d’apprentissage, les élèves sont ainsi amenés à s’initier de façon ludique aux outils d’élevage de précision au moyen d’un escape game pédagogique.

Hors les murs des écoles, la société Askovet s’est positionnée sur la formation, cette fois-ci continue, en promouvant une solution de micro-learning via un chatbot. Marion Chaussonnet, fondatrice d’Askovet, et lauréate du prix NUManima 2022 pour un autre outil numérique (voir encadré) l’a présenté : « Il s’agit d’un micro-apprentissage avec des séquences très courtes, entre 30 secondes et 5 minutes par jour, qui durent de quelques jours à quelques semaines. » Les échanges automatisés avec un robot conversationnel se déroulent avec un smartphone. Ils sont multimédias (ils peuvent intégrer des photos et des vidéos) et personnalisés, en tenant compte à la fois du niveau du participant et des réponses déjà données en amont de la séquence. Les publics intéressés sont les vétérinaires, les auxiliaires spécilalisés vétérinaires (ASV) ainsi que les propriétaires d’animaux. Le micro-learning aborde des sujets variés en canine, rurale, équine, comme la vermifugation raisonnée en équine ou des conseils post-chirurgicaux.

Devant cette pléthore de solutions plus innovantes les unes que les autres, « serons-nous capables de choisir les usages de la technologie qui améliorent la formation et d’éviter ceux qui la détériorent ? », a interrogé Grégory Casseleux1, vétérinaire, directeur de Wolf Learning Consulting.

Des outils cliniques en développement

La réalité augmentée offre aussi des nouvelles opportunités en pratique clinique. Située en France, la société Abys Medical a développé une solution numérique d’assistance chirurgicale pour la correction de la déformation fémorale et radiale chez le chien. Un logiciel spécifique permet d’imprimer un implant en 3D à partir de l’imagerie, de générer les plans de coupe, et enfin d’assister le chirurgien en direct au bloc opératoire à l’aide de lunettes de réalité mixte. Cet outil a la particularité d’avoir été lancé d’abord dans le milieu vétérinaire, avant de s’étendre à la chirurgie humaine en 2023. À l’avenir, le praticien pourrait aussi disposer d’un robot visqueux magnétique, un outil en cours de développement outre-Atlantique. « Ce robot, guidé par un aimant ou bien étiré avec deux aimants, pourrait être utilisé pour aider à éliminer un corps étranger gastrique, ou bien en tant que véhicule pour favoriser l’application des médicaments sur des zones spécifiques du tractus gastro-intestinal », a expliqué Aaron Wallace, directeur général de la télésanté chez Vetsource (États-Unis). Il a également présenté le principe de « la virtopsie », autopsie virtuelle consistant à utiliser des techniques d’imagerie (scanner et IRM) afin de réaliser un examen non invasif du cadavre. La virtopsie en est encore au stade de l’expérimentation dans le monde animal. Enfin, Muse (microscopie avec excitation UV de surface) pourrait bientôt mettre au rebut les lames classiques d’histologie, dont la préparation est complexe et chronophage. Muse utilise la lumière ultraviolette, qui ne pénètre dans les tissus qu’à quelques microns de profondeur, évitant la réalisation de minces couches de tissus. Cette méthode non destructrice peut être réalisée en quelques minutes.

Aaron Wallace avait intitulé sa présentation L’Avenir de la médecine vétérinaire, c’est maintenant. On veut bien le croire.

Un robot de conversation virtuelle primé

Sur les neuf projets candidats au prix NUManima, c’est le robot conversationnel Asko, d’Askovet, qui a remporté le prix 2022. Son principe : un suivi automatique, par SMS, des patients et la dispensation de conseils contextuels. Alors que les conseils post-chirurgicaux sont traditionnellement dispensés en bloc par le vétérinaire ou l’ASV, Asko les échelonne dans le temps, par des échanges de SMS avec le client. En cas de problème notifié par le propriétaire, Asko alerte le vétérinaire afin qu’il puisse reprendre la main par téléphone. Asko est actuellement utilisé en test par 140 vétérinaires et ASV.

Les deux autres finalistes étaient Bimod de la société Cardiags, un dispositif médical connecté visant à optimiser le dépistage et le suivi des pathologies cardiovasculaires par des vétérinaires non cardiologues ; et Dinbeat, un harnais connecté permettant de réaliser un électrocardiogramme, de mesurer la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire et la température, ainsi que l’activité et la vocalisation.

  • 1. Grégory Casseleux a volontairement paraphrasé la citation du prix Nobel David Baltimore : « Serons-nous capables de choisir les éléments de la technologie qui améliorent la qualité de vie et d’éviter ceux qui la détériorent ? »