DOSSIER
Auteur(s) : Par Christian Diaz, expert de justice
En cas de litige lors de la vente d'un animal domestique, l’acheteur dispose de plusieurs voies de recours. Les vétérinaires peuvent être impliqués dans ces recours et méritent ainsi de les connaitre. Revue des différents recours contentieux possibles à ce jour, en fonction des textes récemment publiés.
La vente des animaux domestiques est un contrat synallagmatique1 par lequel un vendeur s’engage à délivrer une chose et à la garantir, et l’acheteur à en prendre livraison et payer le prix. C'est une source potentielle de litiges. Explications.
Les vices du consentement
Selon l’article 1130 du Code civil : « L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. »
Si la violence est rarement invoquée, il n’en demeure pas moins qu’il peut s’agir d’une violence morale. L’erreur cause de nullité s’apprécie au regard des qualités essentielles du bien vendu. Quant au dol, il s’agit d’une erreur provoquée par des manœuvres visant à abuser l’acheteur. Il ne se présume pas et doit être prouvé. Le dol peut être actif (manœuvres du vendeur), par réticence (le vendeur n’informe pas l’acheteur d’un élément déterminant) ou bénéficier d’une complicité (dol par connivence depuis 2016).
Les actions en nullité se prescrivent par cinq ans. Elles entraînent la nullité de la vente (remise en état de la situation antérieure). Il n’est donc pas possible pour l’acheteur de conserver l’animal, sauf éventuellement en cas de dol, où la réclamation peut porter uniquement sur des dommages et intérêts.
Les actions en garantie
Ces actions constituent l’essentiel des procédures. Elles sont régies par l’article L. 213-1 du Code rural, récemment modifié : « L'action en garantie, dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques est régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions de la présente section, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être dus, s'il y a dol. » Cette version est issue de l’ordonnance du 29 septembre 2021, elle s’applique aux contrats à compter du 1er janvier 2022.
L’ordonnance du 29 septembre 2021 - Animaux numériques ?
Depuis 2005, l’article L. 213-1 incluait les dispositions du Code de la consommation relatifs à la garantie de conformité des biens meubles, statut juridique des animaux domestiques. Elle permettait à un consommateur d’agir en garantie contre un professionnel. La bienveillance des juges envers le consommateur, la satisfaction par les magistrats de réclamations disproportionnées sont à l’origine de pressions des lobbys professionnels auprès du ministère des Finances, couronnées de succès en septembre 2021 par l’introduction d’un « cavalier » dans l’ordonnance relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques. Sans relation avec le reste du texte, l’article 9 modifie l’article L. 217-2 du Code de la consommation et exclut les ventes d’animaux domestiques du champ d’application de la garantie de conformité.
Bercy, n’ayant pas mesuré la nécessité d’une convention contraire pour recourir à la garantie des vices cachés du Code civil – malgré les commentaires de la profession proposés par l’Association francophone des vétérinaires praticiens de l'expertise (AFVE) – privait ainsi le consommateur de son principal recours, avantageant ainsi les professionnels, et particulièrement ceux qui proposent des produits de mauvaise qualité.
Ayant tardivement pris conscience des conséquences « anti-consommateur » de l’ordonnance, le législateur, par décret du 29 juin 2022 relatif à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques, a effectué un « rétropédalage » censé généraliser, pour le seul consommateur, la convention contraire permettant de recourir au Code civil. Ce texte, mal écrit, est cependant susceptible d’être interprété par les magistrats. À compter du 1er octobre 2022, le professionnel doit inclure dans ses conditions générales de vente un encadré (voir encadré 1).
Notons que son champ d’application est le même que celui de la garantie de conformité, le vendeur doit être un professionnel, l’acheteur un consommateur. Si les deux parties ont le même statut, professionnel ou particulier, cette nouvelle disposition ne s’applique pas et le recours à la garantie des vices cachés du Code civil suppose la démonstration par l’acheteur de l’existence d’une convention contraire qui peut être explicite ou se déduire de l’usage de l’animal et du but poursuivi par les parties. Élément non négligeable, si le point de départ du délai de deux ans pour intenter l’action en garantie de conformité était la date de livraison de l’animal, le point de départ en cas de vice caché est la découverte de ce vice ; les actions peuvent donc être initiées tardivement, ce qui ne peut que nuire à la sécurité des transactions.
Après une courte période de « no garanty land », le consommateur dispose à nouveau d’une réelle possibilité d’agir en garantie, la garantie des vices rédhibitoires du Code rural étant difficile, voire impossible à mettre en œuvre dans nombre de cas, par la grâce de délais incompatibles avec la nature des défauts. En effet, pour être recevable, cette action visant des affections limitativement énumérées, doit être introduite pour les carnivores domestiques, dans un délai de 30 jours après la livraison.
Un tel délai est bien entendu impossible à respecter sur un animal acheté à deux mois pour des affections telles que la dysplasie coxo-fémorale ou l’ectopie testiculaire, cette dernière n’étant vice rédhibitoire que pour les chiens de plus de six mois.
De plus, la lourdeur de la procédure – requête en désignation d’experts obligatoire, assignation doivent avoir lieu dans ce court délai, certificats de suspicion nécessaire pour certaines affections –- s’oppose en fait à sa mise en œuvre.
Il est piquant de constater aujourd’hui qu’une procédure créée au XIXe siècle pour protéger les acheteurs – à une époque où les transactions concernaient les animaux de rente – ait été rendue obsolète par l’adoption de textes incohérents.
Les actions en responsabilité
Plus rare, et moins évident de prime abord, l’acheteur peut aussi agir en responsabilité lorsque les autres recours sont difficiles, voire impossibles à mettre en œuvre. Ces actions en responsabilité, basées sur l’obligation d’information, peuvent être dirigées contre le vendeur, mais aussi contre le vétérinaire.
Autrefois obligation accessoire à un contrat, l’obligation d’information a acquis son autonomie par la réforme du droit des contrats en 2016. Ainsi l’article 1112-1 du Code civil stipule : « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. »
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. Autrefois jurisprudentielle, l’obligation d’information a désormais vocation à s’appliquer à tous les contrats, sans distinctions. L’information communiquée doit permettre au cocontractant de s’engager en toute connaissance de cause, et de mesurer la portée de son engagement. Ainsi, l’obligation d’information garantit-elle l’expression d’un consentement libre et éclairé.
Pourrait être ainsi retenue à ce titre l’obligation d’informer l’acheteur des risques de dysplasie coxo-fémorale d’un chien lorsqu’un des parents au moins a été diagnostiqué lui-même dysplasique. En effet, la reproduction d’individus notoirement dysplasiques reste autorisée par certains clubs de race, en particulier chez les molosses, rendant ainsi illusoire toute perspective d’éradication.
De même, si le certificat vétérinaire obligatoire avant cession mentionne une ectopie testiculaire, il appartient au vendeur d’informer l’acheteur des conséquences.
Cette obligation couvre donc un large périmètre, le manquement pouvant entraîner des sanctions allant des dommages et intérêts pour perte de chance jusqu’à la possible annulation du contrat pour vice du consentement.
La jurisprudence, réduite à ce jour, devrait en toute logique consacrer cette voie de recours à l’avenir.
L’acheteur – mais aussi le vendeur – peut agir contre le vétérinaire rédacteur du certificat avant cession ; il s’agira du praticien ayant effectué la visite avant la transaction (dite visite d’achat chez le cheval) et certifiant l’état de santé de l’animal ou simplement sa conformité aux termes du contrat.
Le vétérinaire – qui n’a pas de contrat avec l’acheteur – peut être poursuivi en responsabilité civile extra-contractuelle pour manquement à son devoir d’information. Cette action contre le vétérinaire peut être engagée dans les cinq ans, soit au-delà du délai d’action en garantie. Elle demeure donc possible quand les autres actions ne le sont plus.
Ainsi en 2004, la cour d’appel de Dijon a-t-elle condamné le vétérinaire auteur de la visite d’achat d’un cheval de concours complet pour n’avoir pas mentionné dans son rapport une lésion du boulet pourtant visible sur les radiographies. Les actions contre le vendeur n’étant pas possibles, la cour a considéré que le défaut d’information a fait perdre à l’acheteur une chance de renoncer à la vente. Le vétérinaire a été condamné à indemniser l’acheteur à hauteur de 30 % de la valeur du cheval.
Plus près de nous – janvier 2018 –, le tribunal de grande instance de Saint-Quentin a ainsi condamné un vétérinaire pour n’avoir pas mentionné sur le certificat vétérinaire obligatoire avant cession d’un chien la présence d’un important souffle cardiaque, signe d’une grave affection congénitale. Alors que l’acheteur réclamait 40 000 euros – estimation des frais de soins – le tribunal a estimé la perte de chance par défaut d’information à 1 500 euros.
Dans un certain nombre de procédures, c’est le vendeur lui-même, mis en cause par l’acheteur, qui engage la responsabilité de son propre vétérinaire.
En conclusion, même si l’action en garantie de conformité des biens meubles a été récemment supprimée pour les ventes d’animaux domestiques, les acheteurs ne sont pas pour autant dépourvus de possibilités de recours, contre les vendeurs, certes, mais également contre les vétérinaires certificateurs auxquels on ne peut que recommander d’apporter la plus grande conscience professionnelle dans l’exercice de leur activité.
Encadré à faire figurer par le professionnel
« Le consommateur bénéficie de l'action en garantie contre les vices rédhibitoires prévue par les articles L. 213-1 à L. 213-9 du Code rural et de la pêche maritime. Cette garantie donne droit, dans les conditions et délais précisés par les dispositions de ce code, à une réduction de prix si l'animal est conservé ou à un remboursement intégral contre restitution de l'animal. »
« Par convention contraire, le consommateur bénéficie également de la garantie légale des vices cachés en application des articles 1641 à 1649 du Code civil, pendant une durée de deux ans à compter de la découverte du défaut. Cette garantie donne droit à une réduction de prix si l'animal est conservé ou à un remboursement intégral contre restitution de l'animal. »
Définitions
Consommateur (Code de la consommation) : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
Professionnel (Code de la consommation) : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel.
Élevage (Art L 214-6 du Code rural) : On entend par élevage de chiens ou de chats l'activité consistant à détenir au moins une femelle reproductrice dont au moins un chien ou un chat est cédé à titre onéreux.
Remarque : Tout éleveur répondant à cette définition est considéré comme professionnel au sens du code de la consommation.