Méningiome cérébral chez un chien - La Semaine Vétérinaire n° 1955 du 30/08/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1955 du 30/08/2022

Chirurgie

FORMATION CANINE

Auteur(s) :
Madeline Forissier et Bertrand Pucheu (diplômé d’études spécialisées vétérinaires de chirurgie), praticiens au Centre hospitalier vétérinaire NordVet, La Madeleine (Nord)

Cas clinique

> Présentation clinique

Un chien berger blanc suisse mâle de 11 ans est présenté en consultation d’urgence pour crises convulsives (deux épisodes en 24 heures, se manifestant par des mouvements tonico-cloniques et des manifestations du système neuro-végétatif). Lors de son examen clinique d’admission, aucune anomalie n’est décelée.

> Hypothèses diagnostiques

Face à des crises convulsives, un raisonnement par rapport à l’âge de l’animal lors de la déclaration des crises est souvent utilisé1. Dans le cas de ce chien âgé de plus de 5 ans, les hypothèses principales sont une tumeur cérébrale de type méningiome ou gliome, ou un trouble métabolique, principalement une atteinte rénale ou hépatique dégénérative. Une hypoglycémie due à un désordre endocrinien est aussi possible.

> Examens complémentaires

Un bilan sanguin hématologique et biochimique est réalisé, mais qui ne révèle aucune anomalie. Un test de dosage des acides biliaires pré- et post-prandiaux est réalisé afin de déceler une anomalie métabolique à l’origine des crises convulsives, mais se révèle dans les normes usuelles de l’espèce. Un trouble métabolique est ainsi écarté et un examen IRM cérébral est réalisé. Il met en évidence une masse extra-axiale au niveau du lobe pariétal gauche, en faveur d’un processus néoplasique.

> Diagnostic

Une affection tumorale est suspectée. Dans le contexte des images IRM obtenues (localisation extra-axiale de la masse cérébrale), l’hypothèse principale est un méningiome. En effet, chez le chien, les tumeurs primaires cérébrales les plus communes sont le méningiome, qui se caractérise par une localisation le plus souvent extra-axiale, le gliome, qui a tendance à adopter une position intra-axiale, et enfin les tumeurs des plexus choroïdes, qui sont principalement localisées au niveau du quatrième ventricule ou des ventricules latéraux2.

> Prise en charge chirurgicale

Une exérèse chirurgicale de la masse est décidée. Une craniotomie latérale est réalisée à la fraise mécanique, permettant l’identification de la tumeur et sa dissection3. Celle-ci est ensuite envoyée en laboratoire pour analyse histologique. Le muscle temporal est suturé sur le défaut osseux, puis une fermeture classique des plans superficiels est réalisée.

> Suivi

Une hypovigilance de l’animal et plusieurs crises convulsives apparaissent la nuit suivant la chirurgie, gérées par des administrations de diazépam et de mannitol. Des signes de douleur sont également présents pendant 24 heures après la chirurgie, gérés par une perfusion continue de fentanyl-lidocaïne-kétamine. Par la suite, son état général s’améliore, associé à une reprise de l’appétit. Il peut marcher 36 heures après la chirurgie. Les traitements à base de corticoïdes et de phénobarbital mis en place lors de la découverte de la masse intracrânienne sont conservés, et un traitement antibiotique est mis en place suite à l’opération chirurgicale. L’analyse histologique de la masse révèle un méningiome de sous-type méningothélial de grade I.

> Suivi à long terme

L’animal de ce cas a bénéficié d’un traitement par radiothérapie (15 séances pendant 3 semaines), un mois après l’opération chirurgicale. Il présente, deux mois après la chirurgie, un bon état général et n’a pas présenté de crises convulsives. Cependant, une plaie suintante est notée au sommet du crâne. Un lien est suspecté avec la radiothérapie. En effet, celle-ci provoque une apoptose cellulaire par endommagement de l’ADN, des protéines et des membranes ce qui constitue une gêne à la cicatrisation, qui peut se manifester jusqu’à plusieurs décennies après la radiothérapie chez l’humain4. Un prélèvement pour analyse bactériologique est réalisé, il révèle la présence de Staphylococcus pseudintermedius. Un traitement local à base de chloramphénicol est alors mis en place et permet une résolution complète des signes cliniques. Au contrôle à trois mois, le chien présente une cicatrisation parfaite de la plaie, un bon état général et l’animal n’a pas présenté de nouvelles crises convulsives.

Discussion

Les méningiomes comportent trois grades histologiques, le premier est constitué par les méningiomes bénins, dont le sous-type fibroblastique, le sous-type transitionnel et le méningothélial, dont est atteint le chien de ce cas clinique. Les méningiomes peuvent aussi être de grade II, dits « atypiques » ou de grade III, dits « anaplasiques » ou malins. Cependant, très peu de cas de métastases sont décrits5. Tous types confondus, sans traitement, le temps de survie moyen du chien après apparition des symptômes, est estimé à 75 jours6. Cependant, suite à une exérèse chirurgicale de la tumeur, il a été montré que le pronostic est d’environ 6 mois, voire 18 mois selon les études7,8.

> Pronostic selon le traitement

Face au méningiome du chien, de nombreuses études se sont intéressées à la meilleure approche possible. Les traitements à base de chimiothérapie se sont pour l’instant avérés inefficaces9.

Les traitements par radiothérapie et par exérèse chirurgicale sont par contre efficaces. Notamment, il a été prouvé qu’en comparaison avec un traitement médical à base d’anticonvulsivants et de corticostéroïdes, permettant d’atteindre une durée de survie d’environ 2 mois, ces traitements permettent d’augmenter la durée de survie moyenne à environ 10 mois10.

Par ailleurs, il semblerait qu’une approche chirurgicale assistée par endoscopie puisse aboutir à des durées de survie très longues (environ 5 ans). En effet, lorsque l’endoscope est inséré dans la cavité laissée par la tumeur, des résidus de tumeur peuvent être identifiés et retirés, ce qui semble augmenter de manière considérable la durée moyenne de survie des animaux11.

Des comparaisons entre l’option chirurgicale et les traitements par radiothérapie ont été largement investiguées.

Dans le cadre du traitement chirurgical, les études ne mentionnent pas de reconstruction de la boîte crânienne8. De la même façon, la boîte crânienne de l’animal de ce cas clinique n’a pas été refermée, mais les muscles temporaux ont simplement été suturés au-dessus du défaut osseux. Chez le chien et le chat, plusieurs systèmes de reconstruction de la boîte crânienne ont été décrits, tels que l’utilisation de ciment (polyméthyl méthacrylate : PMMA) ou d’implants crâniens, mais ils sont réservés aux cas où le défaux osseux est majeur, comme dans le cas de tumeurs osseuses type ostéochondrome ou ostéochondrosarcome ayant déformé de façon sévère la boite crânienne. Étant donné le risque infectieux que ces matériaux représentent, lors de défauts osseux relativement minimes, comme ceux nécessaires au retrait d’un méningiome cérébral, une cranioplastie n’est généralement pas réalisée12.

Dans le contexte d’une exérèse chirurgicale, il a été suggéré qu’un traitement adjuvant à base de radiothérapie prolonge le temps de survie des chiens atteints de méningiome13. Cette idée n’est cependant pas toujours vérifiée selon les études. En effet, il a été montré dans une étude de 2022 menée sur 101 chiens14, que des thérapies adjuvantes à base de radiothérapie, d’administration d’hydroxyurée, d’utilisation d’un aspirateur à ultrasons, de chimiothérapie topique per-opératoire, ou de combinaisons de ces différentes options thérapeutiques ne permettent pas d’allonger la durée de survie des chiens ayant été opérés chirurgicalement de leur méningiome. Cependant, les auteurs restent précautionneux par rapport aux résultats concernant la radiothérapie dans cette étude, étant donné le peu d’individus bénéficiant de cette option thérapeutique. Ce phénomène s’explique par les coûts des traitements par radiothérapie et la durée de ces procédures.

> Comparaison avec le méningiome du chat

Chez le chat, le traitement de choix dans la prise en charge du méningiome est l’exérèse chirurgicale. En effet, chez le chat, le méningiome est classiquement bien encapsulé, facilement délimité par rapport au cerveau sain, et son exérèse est associée à un bon pronostic. Il a ainsi été montré que l’âge du chat, la localisation de la tumeur et le fait que celle-ci soit multiple ou non n’apportent pas de différence significative concernant le pronostic de l’animal suite à l’exérèse de la tumeur et que ce pronostic est de 22 à 27 mois. Cette espérance de vie post-exérèse chirurgicale est très bonne en comparaison à l’espérance de vie de 18 jours chez un chat sous traitement médical uniquement15.
Il a par ailleurs été montré que, l’âge moyen des chats présentant un méningiome étant de 12 ans, le décès des animaux ayant été opérés semble donc souvent être dû à une autre cause que le méningiome16.

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