Monkeypox : il n’y a pas eu d’infection canine - La Semaine Vétérinaire n° 1955 du 30/08/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1955 du 30/08/2022

One Health

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Par Tanit Halfon

Le 10 août 2022, une publication du Lancet rapportait le tout premier cas probable de transmission du virus de l’humain au chien de compagnie. Pour les scientifiques, il était très probable que le chien ait développé une « véritable maladie canine ». Cette hypothèse a été invalidée par des analyses complémentaires.

Le chien peut-il être infecté par le virus du monkeypox ? Finalement la réponse est non. L’hypothèse des médecins français qui avaient décrit dans une publication du Lancet1 du 10 août 2022, un possible cas de contamination canine, via ses propriétaires malades, n’a finalement pas été confirmée. L’histoire avait commencé le 10 juin dernier. Un couple s’était présenté à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris pour des lésions cutanéo-muqueuses associées à des signes généraux d’asthénie, maux de tête et fièvre. Douze jours après le début des signes cliniques, leur chien, un lévrier italien mâle de 4 ans sans antécédent médical particulier, a présenté également des lésions cutanéo-muqueuses, décrites dans la publication comme des pustules abdominales et une fine ulcération anale. Pas d’autres signes généraux n’étaient mentionnés dans la publication.

Une hypothèse d’infection

Une analyse PCR a confirmé la présence du virus sur du matériel de grattage cutané au niveau des lésions, et d’écouvillonnage au niveau de l’anus et de la cavité orale. Les premiers prélèvements avaient été réalisés par des médecins, non par des vétérinaires. Une analyse génomique a ensuite été réalisée afin de comparer les souches virales du chien et d’un de ses propriétaires. « Les deux échantillons contenaient le virus de clade hMPXV-1, lignée B.1, qui s’est propagé dans les pays non endémiques depuis avril 2022. […] Le virus qui a infecté le patient 1 et celui qui a infecté le chien présentaient une homologie de séquence de 100 % » sur les kilobases séquencés, ont indiqué les auteurs de l’article.

Selon ces médecins, « la cinétique d’apparition des symptômes chez les deux patients, et par la suite, chez leur chien, suggère une transmission du virus d’homme à chien ». Le virus aurait pu se transmettre par contact direct avec les propriétaires malades, étant donné que les deux ont indiqué dormir avec leur animal. En outre, le chien n’avait pas été en contact avec d’autres animaux domestiques ou d’autres humains, dès que ses détenteurs avaient été confirmés positifs au virus. Étant donné les manifestations cliniques de l’animal, il s’agissait selon les médecins, « d’une véritable maladie canine, et non d’un simple portage du virus par contact étroit avec l’homme ou par transmission aérienne (ou les deux). »

invalidée par l’absence de séroconversion

Pourtant, une deuxième série d’analyses viennent d’invalider totalement leur hypothèse. Des prélèvements supplémentaires ont été effectués à l’école nationale vétérinaire d’Alfort, plusieurs semaines après les premiers, par une équipe de vétérinaires. Interrogé, Olivier Ferraris, directeur du Centre national de référence laboratoire expert (CNR-LE) Orthopoxvirus, explique : « Nous avons réalisé une nouvelle recherche d’ADN virale sur des prélèvements de selles et de lésions cutanées, 26 jours après les premières analyses. La PCR est revenue négative sur tous les échantillons2. On pouvait s’y attendre étant donné la date de prélèvement par rapport aux premières analyses ». En complément, une recherche d’anticorps sur sérum a été réalisée, prélevé aussi à J26, par la technique de séroneutralisation. « L’analyse sérologique s’est révélée négative, reflétant l’absence d’anticorps neutralisants dirigés contre le virus ».

Ces résultats ne valident pas une infection canine. Tout au plus s’agissait-il ici d’un simple portage mécanique par transfert du virus, du fait des contacts étroits avec les propriétaires. Les lésions cutanées n’étaient donc pas liées à une infection virale à monkeypox.

Pas d’autres données pour le chien

Ces résultats vont dans le sens des données disponibles3. Jusqu’à présent, il n’y avait pas de preuve du terrain que le chien soit un animal sensible4 : aucun cas de contamination de canidé n’avait jamais été rapporté en zone d’endémie africaine, ni ailleurs, avant l’épidémie actuelle. Il n’existe pas non plus de données de laboratoires. Le chien n’avait pas été identifié comme une espèce animale vraiment à risque parmi les animaux de compagnie. Même si, théoriquement, l’absence de données n’est pas une preuve suffisante pour conclure à l’absence de sensibilité.

C’est un peu différent pour le chat, où se pose davantage la question de sa réceptivité4. Comme pour le chien, aucun cas n’est remonté du terrain. De plus, en 1987, une enquête sérologique avait été menée en zone rurale africaine sur 67 chats, sans qu’elle ne révèle de séroconversion. Cependant, le chat est connu pour être sensible au virus cowpox, un Orthopoxvirus au potentiel zoonotique comme le monkeypox, qui serait un ancêtre de ce dernier. Pour le cowpox, la sensibilité des chiens serait moins marquée.

Appliquer le principe de précaution

L’absence de contamination avérée ne change en rien les recommandations qui avaient été faites par l’Anses sur le risque de diffusion du virus monkeypox aux animaux. Les experts avaient émis des mesures classiques de précaution5 pour éviter tout risque de contamination. En clair : le malade ne doit idéalement pas entrer en contact avec son animal de compagnie pendant toute la durée de son isolement. Si ce n’est pas possible, il convient de limiter les contacts au maximum en évitant de le toucher ou qu’il touche en retour tout objet ayant été en contact avec le malade (vêtements, vaisselle…), et lui interdire tout accès à sa chambre à coucher. Un port du masque chirurgical est aussi recommandé à proximité de l’animal.

Les recommandations sont plus drastiques pour les petits mammifères du type rongeurs et lagomorphes, dont certains représentants ont pu montrer une certaine réceptivité et sensibilité dans des conditions de laboratoire. Dans ce cas, les experts recommandent de les garder en cage pendant la période d’isolement, de désinfecter la cage à l’eau de Javel une fois par semaine (avec équipement de protection individuelle), et de gérer les ordures ménagères liées à l’animal dans un sac dédié à apporter au vétérinaire. Côté vétérinaire, en cas de consultation d’un animal appartenant à un malade, il faut porter un masque, des gants, une blouse à usage unique, nettoyer et désinfecter les zones de passage de l’animal et jeter tous les déchets médicaux dans des conteneurs ad hoc.

Les animaux à risque

De nombreuses incertitudes sur les réservoirs animaux du virus du monkeypox persistent encore, plusieurs animaux sauvages pourraient être impliqués, en particulier les écureuils et autres sciuridés. Dans cette famille, les chiens de prairie ont montré leur sensibilité dans des conditions naturelles : en 2003, aux États-Unis, plusieurs individus ont été contaminés en animalerie par des cricétomes des savanes (rats de Gambie) importés du Ghana, puis ont ensuite été source d’infections pour l’humain. Ces chiens de prairie ont présenté des signes cliniques : lésions cutanées, écoulements oculaires et nasaux, associés à de la mortalité dans certains cas. Les écureuils et autres sciuridés « semblent pouvoir constituer une famille réceptive et sensible » et seraient donc « potentiellement les plus susceptibles d’être infectés par un cas humain », dit l’Anses.

bit.ly/3CtsrjD

  • 1. bit.ly/3wtR8bX
  • 2. Prélèvements de selles sur 4 jours consécutifs + 1 seul grattage cutané.
  • 3. bit.ly/3PMEv2F
  • 4. Réceptivité à un agent pathogène : capacité de l’individu à héberger le pathogène et à permettre sa multiplication sans forcément de signes cliniques ; Sensibilité : capacité d’un individu réceptif à exprimer des signes cliniques (bit.ly/3CtsrjD).