Quelle génétique pour un élevage durable des petits ruminants ? - La Semaine Vétérinaire n° 1955 du 30/08/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1955 du 30/08/2022

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Par Clothilde Barde

L’Unité mixte technologique génétique des petits ruminants (UMT GPR) de l’Institut de l’élevage (Idele) a organisé le 28 juin 2022 un webinaire1 au sujet de l’impact de la génétique sur la durabilité des systèmes d’élevage des petits ruminants (PR). Une présentation a été faite sur la thermotolérance chez les petits ruminants.

L’impact des conditions météorologiques sur les performances de production et les interactions génotype-environnement sont deux sujets qui ont été abordés par Flavie Tortereau de l’Institut national de la recherche agronomique et de l’environnement (Inrae) et Diane Buisson (Idele) lors d’un webinaire qui s’est tenu le 26 juin dernier1. En effet, comme l’a indiqué Flavie Tortereau, « on constate actuellement une augmentation du nombre de jours de températures extrêmes ainsi que de la température moyenne, c’est pourquoi il est important de déterminer si les caractères de production évalués actuellement dans les schémas de production des petits ruminants peuvent varier en fonction du climat ».

Impact du climat sur les caractères et la génétique

Dans le cadre du projet de recherche iSAGE (innovation pour une production durable d’ovins et de caprins en Europe), des chercheurs ont analysé la variabilité des caractères dans les populations de PR en fonction des critères météorologiques, ainsi que la variabilité génétique des critères de production en fonction de la variabilité météorologique. Après avoir réalisé un quadrillage de la France en surfaces de 8 kilomètres carrés, ils ont relevé quotidiennement les températures (moyenne et extrême), l’humidité spécifique et relative, la vitesse du vent, la pluviométrie, la neige, le rayonnement visible et atmosphérique ainsi que l’évapotranspiration (ET). Grâce à ces données, l’index de température et d’humidité (THI) a ensuite été calculé. Chaque élevage ayant été rattaché à une maille géographique sur l’ensemble du territoire métropolitain, les mesures météorologiques quotidiennes étaient donc connues pour tous les élevages caprins et ovins entre 2006 et 2016. Dans le cadre du contrôle de performance officiel pour les ovins allaitants, la taille de la portée et le poids-âge type à 30 et 70 jours (PAT 30 et 70) ont été mesurés et, pour les ovins et caprins laitiers, la production laitière – quantité et qualité du lait en matière grasse (TB) et en matière protéique (TP) – a été notée, ainsi que le comptage des cellules somatiques du lait et la morphologie de la mamelle. Or, en génétique, ces caractères, qui dépendent à la fois d’effets de l’environnement (fixes : rang de mise bas, stade physiologique, et aléatoires : troupeaux selon les années, effet d’environnement permanent de la brebis) mais aussi d’effets génétiques (directs et maternels) et d’une variable epsilon, sont classiquement analysés grâce à des modèles linéaires. Les critères météorologiques (effets de l’environnement) ont alors également été testés dans cette étude (température et THI), a indiqué Flavie Tortereau.

Une influence de la température sur la performance du caractère ?

Après analyse, les chercheurs ont constaté que les performances étudiées dans cette étude (quantité de lait, TB et TP et poids) évoluaient linéairement et faiblement dans les plages de températures extérieures rencontrées, et qu’aucune « zone de confort » n’avait été identifiée. "C’est pourquoi, ils se sont demandé si l’effet de variabilité génétique du caractère dépendait, quant à lui, de la météo", a ajouté la conférencière. La modélisation des effets génétiques en fonction des critères météorologiques effectuée alors a permis de montrer que le potentiel génétique d’un animal n’est pas le même en fonction de la température à laquelle le phénotype s’exprime et que la part de variabilité dépend de la température à laquelle les caractères s’expriment. Selon les chercheurs, il semblerait donc que « dans le cadre de cette étude, il n’existe pas d’effets marqués du climat au niveau des populations sur les performances des animaux étudiées mais que, pour un caractère donné, le potentiel génétique des animaux peut s’exprimer différemment en fonction de la température ». De plus, l’expression génétique n’est pas la même selon les caractères. Toutefois les modèles utilisés ici sont moins précis que les modèles classiques et les chercheurs s’interrogent sur le fait que la météo puisse avoir un effet moindre par rapport aux autres effets environnementaux. D’ailleurs, a conclu la conférencière, la prise en compte de la météo dans les analyses de performance reste un vaste champ d’étude. Avec une sous-représentation des températures extrêmes, les modèles complexes doivent encore être affinés, il faudrait déterminer quel critère météorologique utiliser pour quel caractère et, enfin, combiner les informations météorologiques et de conduite d’élevage.

Une adaptation à tous les systèmes ?

Par ailleurs, l'étude présentée par Diane Buisson (Idele) a pour objectif d’évaluer les interactions entre génotype et environnement en regardant si la valeur génétique d’un individu dépend du système dans lequel il est élevé. En effet, « pour obtenir des animaux robustes, efficients, adaptés aux conditions d’élevage d’aujourd’hui et de demain il faut sélectionner des animaux adaptés à tous les systèmes d’élevage ainsi que des animaux différents adaptés à chaque système d’élevage », a-t-elle indiqué. Ainsi, pour savoir si un animal peut être adapté à tous les systèmes, il convient de réaliser une typologie des systèmes et de vérifier si la valeur génétique d’un animal dépend du système dans lequel il est élevé en réalisant une analyse des interactions entre génotype et environnement, mais aussi de l’écart entre les valeurs génétiques des animaux selon le type d’environnement, selon la conférencière. À cet égard, deux élevages (ovin lait et caprin lait) ont été décrits (caractéristiques et système d’élevage). Les données météorologiques ont été relevées dans ces derniers et la performance des animaux a été évaluée ainsi que les paramètres génétiques (index et effets d’élevages). Ces mesures ont permis d’obtenir 115 variables dans les élevages de chèvres étudiés et 48 dans les élevages d’ovins sur lesquels des analyses statistiques ont été réalisées.

La sélection actuelle génère-t-elle des animaux adaptés à tous les systèmes ?

Quatre typologies d’environnement ont ensuite été décrites pour ces élevages et, commme l'a indiqué la conférencière, "d’après les résultats obtenus, il semblerait que les animaux élevés actuellement sont adaptés à tous les systèmes, mais il faudrait encore le vérifier sur un plus gros jeu de données en caprins fromages et l’étudier sur d’autres critères en sélection (morphologie de la mamelle, fertilité, etc.) ». Des études complémentaires pourraient d'ailleurs être menées pour comparer des modalités de systèmes en particulier : bio-non bio, fromager-laitier, ou montagne-plaine, a-t-elle conclu.