Volailles
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Tanit Halfon D’après une conférence présentée par Jean-Luc Guérin et Jean-Michel Répérant, aux Journées de la recherche avicole et palmipèdes à foie gras, les 9 et 10 mars 2022, à Tours.
Près de 25 % de la production de volailles françaises se caractérisent par un accès des animaux à un parcours extérieur (données 2020), avec une tendance globale à la hausse, plus particulièrement pour la filière des poules pondeuses. Lors des Journées 2022 de la recherche avicole et palmipèdes à foie gras, il a été indiqué que ce mode d’élevage est associé à des contraintes spécifiques en matière de sanitaire. Outre le risque de prédation, l’accès au plein air expose les animaux à un surrisque de contamination à une diversité d’agents pathogènes, via l’environnement ou le contact direct avec la faune sauvage. Parmi ces agents, on trouve les parasites.
Un surrisque d’exposition à des parasites
Les animaux qui ont accès à l’extérieur présentent un risque parasitaire accru par rapport aux animaux élevés au sol, et encore plus par rapport à ceux en cages aménagées.
Dans les cages, le risque vient essentiellement du contact avec un nombre d’hôtes intermédiaires limité (par exemple, mouches et ténébrions pour les cestodes, en poules pondeuses), sans oublier les ectoparasites (poux rouges, poux). Pour l’élevage au sol, le risque est un peu plus élevé, du fait d’une exposition facilitée aux oocystes de coccidies et aux œufs de nématodes à cycle direct comme Ascaridia galli et Heterakis gallinarum, par les fientes des autres animaux. Dans ce mode d’élevage, l’exposition à des parasites par les hôtes intermédiaires est toujours présente. En plein air, un contact est possible avec une plus grande diversité d’hôtes intermédiaires de parasites (vers de terre, insectes, mollusques…) ou hôtes paraténiques (vers de terre). Les volailles sont aussi soumises au risque d’ectoparasites, véhiculés et déposés sur le parcours par l’avifaune sauvage et d’autres animaux (poux, tiques, diptères hématophages, acariens). Il faut ajouter enfin, le risque d’exposition à des oocystes de coccidies non présentes en claustration, étant véhiculées par d’autres animaux (palmipèdes sauvages, chats…) et moins spécifiques d’hôtes que le genre Eimeria classiquement rencontré en bâtiment. On peut ainsi observer chez des volailles plein air, des contaminations à Sarcocytis, Cryptosporidium et Toxoplasma. De manière générale, le risque de coccidioses n’est probablement pas moins important qu’en claustration : en effet, l’accès à l’extérieur ne se fait pas dès la naissance, laissant le temps aux animaux d’être contaminés. De plus, les animaux ne vivent pas à 100 % à l’extérieur.
Attention aux helminthes
Une contamination parasitaire ne s’accompagne pas forcément d’effets négatifs. Cela dépend de plusieurs paramètres : la charge parasitaire, l’espèce impliquée, l’état de l’oiseau, son immunité. On distingue ainsi classiquement trois niveaux d’impact : le niveau sans impact lié une faible présence parasitaire ; un niveau avec un impact uniquement d’ordre économique avec une croissance ralentie, un indice de consommation augmenté, une hétérogénéité des animaux, et une mauvaise qualité des œufs et de la viande ; et enfin un niveau avec un impact sur la santé pouvant aller jusqu’à de la mortalité.
Les parasites les plus fréquents et les plus dangereux en plein air s’avèrent les helminthes, et plus particulièrement les nématodes (Ascaridia, Heterakis, Capillaria, Syngamus), la pathogénicité différant suivant les nématodes. Les nématodes sont plus fréquents chez les poules pondeuses. Pour les cestodes, étant donné que leur développement est lié à des populations d’hôtes intermédiaires, leur fréquence sera plus élevée au printemps et en été, saisons favorables au développement de ces hôtes. Ce qui aboutira alors à des pressions parasitaires fortes en fin d’été, du fait de la période prépatente.
Ces infestations sont cumulatives, avec une augmentation de la charge parasitaire au fil de l’ingestion des helminthes, amenant in fine à des mauvaises performances voire des troubles de santé.
Une maîtrise difficile
La lutte contre ces parasites est plus complexe en plein air. Tout d’abord, les parcours contaminés sont impossibles à décontaminer, comme on peut le faire via un vide sanitaire dans les élevages au sol, du fait de la résistance des œufs, et le réensemencement par la faune sauvage. Les pratiques de rotations des parcours ne sont pas suffisantes pour un contrôle total de l’infestation parasitaire. Seules des astuces d’aménagement du parcours aideront à réduire le risque d’exposition aux œufs de parasites, et à limiter l’attrait pour certains hôtes intermédiaires : drainer pour éviter les eaux stagnantes, empierrer les abords autour des trappes pour permettre le séchage des fientes et leur exposition aux UV qui détruisent les œufs, couper court les parcours herbeux pour exposer les œufs aux UV, etc. Par ailleurs, les méthodes de recherche et d’identification des parasites sont peu adaptées : l’analyse coproscopique ne permet, en effet, que de mettre en évidence des œufs de nématodes (et des oocystes de coccidies), et pas des cestodes, dont les segments ne sont pas visibles, sauf en cas de très fortes infestations. De plus, il est difficile de distinguer les œufs entre eux, notamment entre Ascaridia galli et Heterakis gallinarum, ce qui n’est pas sans poser problème étant donné qu’Ascaridia est pathogène, à la différence d’Heterakis (sauf via la transmission d’Histomonas). Une nouvelle méthode de recherche de vers, et pas uniquement d’œufs, la méthode tamisage, a été mise au point par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), avec l’institut technique des filières avicole, cunicole et piscicole (Itavi). Il est conseillé de l’utiliser en période de pic de ponte, en milieu et fin de lot, afin d’évaluer la pression parasitaire, et de mieux appréhender le risque pour le lot suivant, sachant bien que des élevages sans problème apparents ne sont pas forcément sans parasites (développement subclinique). Le niveau d’infestation est à contrôler systématiquement en cas de troubles cliniques ou de baisse de performance.
Contrôler par la vermifugation
Pour le traitement, l’objectif de la vermifugation est de contrôler la pression parasitaire, et non pas d’éradiquer les parasites, car les animaux continueront à se contaminer continuellement dans leur environnement. Le calendrier de vermifugation est à définir suivant les vers identifiés ; le renouvellement du traitement doit tenir compte de la période prépatente. Aucun vermifuge n’est indiqué contre les cestodes, le seul moyen de lutte étant donc de limiter les contacts avec les hôtes intermédiaires… qui ne pourront être connus qu’à la condition d’avoir bien identifié les vers en cause. Il n’a pas été démontré à ce jour de phénomène de résistance. Aucune méthode « alternative » n’a encore été validée scientifiquement.
Il est donc probable d’avoir des problèmes parasitaires allant en s’amplifiant, ainsi que le retour de parasitoses devenues rares.
Variabilité dans les parcours et risques associés
La typologie des parcours n’est pas uniforme. Elle peut être extrêmement variable d’un élevage à l’autre, suivant le secteur de productions, et le contexte géographique. L’utilisation du parcours varie également suivant les espèces animales : les galliformes auront notamment plus d’affinités pour les points d’eau, et un comportement plus grégaire que les ansériformes, impliquant un risque accru d’exposition à une contamination environnementale. Cette diversité des parcours apparaît donc comme un paramètre central à prendre en compte dans l’évaluation des risques sanitaires.