Gastro-entérologie
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Audrey Chevassu Conférencier Michael Bennaïm, diplômé du Collège européen de médecine interne des animaux de compagnie (ECVIM-CA) praticien au centre hospitalier vétérinaire Aquivet (Eysines, Gironde). Article rédigé d'après une visioconférence organisée par le Cerba Vet College le 24 mars 2022.
Les affections digestives peuvent se manifester par des signes cliniques très variés : vomissements et diarrhée, mais aussi perte de poids, crampes, ptyalisme, dysorexie, voire anorexie. Certaines manifestations cliniques moins classiques ont également été associées à des entéropathies (léchage de surface, « star-gazing » c'est-à-dire regarder en l’air, succion des flancs, ou encore « fly biting » à savoir gober les mouches). Il existe différents types de classement des entéropathies, l’un d’entre eux les classe selon la réponse aux traitements : entéropathie répondant à la nourriture, aux antibiotiques, aux immunosuppresseurs ou ne répondant à rien. L’objet de cette présentation est de décrire l’investigation des vomissements chroniques, définis comme des vomissements persistants ou intermittents observés sur une durée supérieure à trois semaines.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel des vomissements chroniques inclut des causes extradigestives et digestives. Les causes extradigestives sont l’insuffisance rénale, les hépatopathies, la pancréatite, l’hypercalcémie et la maladie d’Addison. Les causes digestives incluent les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin idiopathiques (Mici), les allergies alimentaires, les intolérances alimentaires, les corps étrangers, les anomalies congénitales, les tumeurs, le syndrome du vomissement biliaire et les gastrites à Helicobacter.
Examens complémentaires
Une biochimie peut permettre d’investiguer une grande partie des causes extra-digestives : insuffisance rénale, insuffisance hépatique, pancréatite, maladie d’Addison et hypercalcémie. Pour la pancréatite, le diagnostic se base à la fois sur les signes cliniques, les examens biologiques (cPLI, activité de la lipase mesurée par la méthode DGGR) et d’imagerie (échographie abdominale).
Les examens d’imagerie sont particulièrement intéressants pour les causes digestives, associés au dosage des folates et de la cobalamine. L’échographie permet d’observer directement le tractus digestif, d’exclure un corps étranger et d’évaluer aussi les autres organes. Une perte de structure des couches intestinales augmente la probabilité d’un processus tumoral. En supposant qu’un diagnostic n’ait pas pu être établi lors de la première série d’investigations, des investigations thérapeutiques supplémentaires ou des essais thérapeutiques (notamment alimentaires) sont alors envisagés en fonction des éléments recueillis.
Intérêt du dosage des folates et de la cobalamine
Ces deux paramètres sont intéressants à évaluer en cas de vomissements. Lorsque la folatémie est basse, une maladie de l’intestin grêle proximal est suspectée. Lors de cobalaminémie basse, différentes causes sont envisagées : maladie de l’intestin grêle distal (ou diffus), insuffisance pancréatique exocrine ou une hypocobalaminémie congénitale. La concentration sérique en cobalamine reflète imparfaitement le statut vitaminique B12. Pour cette raison, lorsque la cobalaminémie est sous ???, mais aussi dans la portion basse de l’intervalle de référence, une supplémentation doit être apportée, soit par voie parentérale (0,02 mg/kg IM, SC), avec les six premières semaines une injection par semaine, puis une injection à dix semaines et enfin un dosage à 14 semaines, soit par voie orale. Pour les animaux de moins de 20 kilos, la dose recommandée est de 0,025 mg/kg une fois par jour et 1 mg une fois par jour pour les animaux de plus de 20 kilos, pendant 12 semaines. Le contrôle de la cobalaminémie intervient une semaine après la dernière administration orale.
Le cas particulier des affections digestives répondant à un changement alimentaire
Un certain nombre d’affections digestives peuvent répondre à un changement alimentaire : allergie ou intolérance alimentaire, certaines Mici. Un régime d’éviction est alors être indiqué en l’absence de diagnostic établi ou critère de gravité (hypoalbuminémie, suspicion de processus tumoral) suite au bilan sanguin et aux examens d’imagerie et avant réalisation d’une endoscopie. Une transition alimentaire vers l’aliment choisi est effectuée pendant quelques jours. Une supplémentation en cobalamine doit être associée au régime d’éviction si nécessaire. Une réévaluation de l’efficacité du régime d’éviction peut avoir lieu dès 10 à 15 jours. Si aucune amélioration n’apparaît, un autre aliment peut être testé. Si l’amélioration est rapide, voire que les signes cliniques sont résolus, il est raisonnable de conclure à la présence d’une entéropathie répondant à la nourriture. Le régime d’éviction est efficace dans plus de 60 % des cas, chez les jeunes chiens atteints d’entéropathie chronique particulièrement, et mérite donc souvent d’être tenté.
Il existe trois types d’aliments utilisables : ceux contenant une nouvelle source de protéines (comme le d/d de Hill’s), ceux avec des protéines hydrolysées (5-15 kDa) (par exemple Hypoallergenic de Royal canin, z/d de Hill’s, Virbac Allergy, Purina HA) ou ceux ultra-hydrolysés avec des hydrolysats de protéines d’origine inhabituelle d’une taille inférieure à 1 kDa (Anallergenic de Royal canin). Bien qu’une proportion d’animaux présentant des troubles gastro-intestinaux chroniques répondra à une alimentation hyperdigestible (ex : Royal Canin Gastrointestinal, Hill’s I/D), les données actuellement disponibles dans la littérature suggèrent que cette proportion est inférieure comparé à une alimentation hydrolysée.
Les propriétaires attachés à leurs anciennes croquettes peuvent être rassurés, du fait qu’en cas de régime d’éviction, l’aliment n’est pas nécessairement maintenu à vie. En effet, l’ancienne alimentation peut être à nouveau introduite sans récidive des troubles digestifs chez une proportion de chiens, après trois mois de régime d’éviction.
Intérêt des protecteurs gastriques
Lors de gastrites ou de vomissements chroniques, les protecteurs gastriques sont parfois indiqués. Il en existe différents types. Les plus intéressants dans le traitement d’ulcérations ou d’érosions digestives sont les inhibiteurs de pompe à protons1, devant les antihistaminiques H2. Chez le chien, l’oméprazole1 peut être utilisé, à la dose de 1 mg/kg deux fois par jour et doit idéalement être administré une heure avant le repas.
Dans le cadre d’affection gastrique chronique non érosive, aucune donnée ne permet de conclure à un bénéfice de l’utilisation prophylactique des protecteurs gastriques. Il convient également de prêter attention à leurs effets secondaires possibles, comme les diarrhées, et aux interactions qu’ils peuvent avoir avec d’autres médicaments.
Focus sur les entéropathies chroniques inflammatoires idiopathiques
Le diagnostic est conclu après analyse histologique des biopsies réalisées à la suite d’une endoscopie. En supposant un échec préalable d’un ou plusieurs régimes d’éviction et exclusion de toute autre cause d’inflammation, l’administration de prednisolone à dose immunosuppressive au début (2 mg/kg une fois par jour) avant une progressive diminution est indiquée. En cas de Mici, il existe quelques facteurs pronostiques négatifs à évaluer : hypoalbuminémie, sévérité (clinique, endoscopique et histologique), cPLI élevée ou hypocobalaminémie.
En l’absence de réponse, d’autres immunosuppresseurs sont parfois employés, bien qu’il n’existe pas de données quant à leur efficacité.
Focus sur le syndrome de vomissement biliaire
Il concerne des chiens jeunes. Les vomissements sont majoritairement biliaires et tôt le matin. La cause est encore inconnue. Une possible dysmotilité de l’intestin est suspectée, un reflux duodéno-gastrique n’étant pas non plus exclu. Le diagnostic est clinique. Le traitement consiste en l’administration fréquente de petits repas, dont un dernier repas donné le plus tard possible dans la soirée, voire l’utilisation d’anti-acides ou de métoclopramide.