Initiative
COMMUNAUTE VETO
Auteur(s) : Par Tanit Halfon
À bord de leur voilier Pacha Mama, Inès, vétérinaire, et son conjoint Antoine, ingénieur aéronautique, se sont lancés dans un projet de médecine vétérinaire humanitaire. Leur objectif : parcourir le monde pendant trois ans, au gré des vents, et partager, là où il y en a besoin, des compétences vétérinaires.
Comment est né votre projet ?
Au début de mes études vétérinaires, mon objectif était de faire de la médecine équine. Mais au fil des stages, notamment à l’étranger, j’ai eu des désillusions sur le milieu équin, ce qui a bien failli me faire arrêter mes études ! En dernière année d’étude, j’ai eu l’opportunité de faire un stage dans un refuge thaïlandais, ce qui m’a réconcilié avec la médecine vétérinaire : je me suis de nouveau sentie épanouie, avec le sentiment d’apporter quelque chose d’utile aux animaux et aux Hommes. C’est à cette époque que j’ai rencontré Antoine, qui était passionné de bateau à voile. Ensemble, nous avons alors imaginé un projet qui pouvait concilier nos compétences respectives. Cela a abouti à l’association Sail of Solidarity. Le principe : parcourir le monde en bateau à voile, et proposer mes compétences vétérinaires à des refuges qui en ont besoin. Cela nous a pris quatre ans de préparation : apprendre à naviguer, épargner pour pouvoir acheter un bateau et disposer d’une trésorerie pour l’association, acquérir de l’expérience en tant que vétérinaire. J’ai travaillé en tant qu’urgentiste, j’ai fait aussi beaucoup de prophylaxie et de la médecine de reproduction en bovine. À ce stade, nous nous sommes donné trois ans pour mener ce projet.
Quels sont vos objectifs ? Comment vous répartissez-vous les rôles ?
L’idée est de se rendre dans des endroits isolés, où il y a peu de compétences vétérinaires disponibles, afin d’appuyer des associations locales, en participant à des campagnes de stérilisation de chats et chiens, et en prodiguant des soins de base. Nous faisons une veille active sur le Web pour trouver des missions : il existe notamment de nombreux groupes sur le réseau social Facebook, dans lesquels sont postées des annonces de demande d’aides vétérinaires.
Antoine est le capitaine du bateau, et il s’occupe de la logistique, de l’approvisionnement en matériels et de la recherche des sponsors. Je suis responsable de contacter des associations locales et de trouver des missions.
Quels types de mission avez-vous déjà entrepris ?
Nous sommes partis de France métropolitaine et avons fait des premiers arrêts dans les îles Canaries, et au Cap-Vert. Nous avions prévu de rester en mer Méditerranée, mais la période de Covid-19 a modifié nos plans. Nous avons alors mis le cap vers les Caraïbes, où nous avons débuté avec une première mission en Dominique en février dernier, dans le refuge Saint Nicholas Animal Rescue. Nous nous sommes ensuite ancrés en Martinique, où j’ai fait un remplacement de deux mois à des fins financières. Cet été, nous avons participé à des campagnes de stérilisation dans les Grenadines. Actuellement, nous sommes en Grenade. La suite du voyage se fera en Amérique centrale et puis, nous espérons en Polynésie.
Mes domaines de prédilection sont la médecine et chirurgie des carnivores domestiques, mais j’ai eu l’occasion en Dominique d’intervenir en médecine rurale, ayant été sollicitée par un éleveur de chèvres. En Amérique centrale, nous ferons une halte dans un sanctuaire de réhabilitation de la faune sauvage.
Qu’en est-il des aspects financiers ?
La majorité du financement provient de nos fonds propres. Nous avons pu obtenir environ 2 000 euros grâce à des campagnes de financement participatif, ce qui nous a aidés à acheter du matériel vétérinaire.
Qu’en est-il des aspects juridiques ?
Sur ce point, je m’en remets aux associations locales qui sont en contact avec les autorités compétentes du pays. Suivant les territoires, il y a des règles plus ou moins strictes : par exemple, le diplôme français de vétérinaire n’est pas accepté à Porto Rico. Mais souvent, il n’y a pas de démarches particulières à effectuer, en lien surtout avec le fait que nous intervenons en tant que bénévoles. De plus, nous ne faisons pas de concurrence aux vétérinaires locaux, les campagnes de stérilisation ne constituant pas leurs moyens de subsistance.
En tant que vétérinaire ou ASV, est-il possible de participer à votre projet ?
Bien sûr, et cela fait partie de nos objectifs ! Nous souhaiterions pouvoir fédérer un réseau de professionnels, afin de faire perdurer les liens que nous aurons pu tisser avec les associations locales. Il est, en effet, clair que le type d’actions que nous menons n’est véritablement utile que si cela s’inscrit sur la longueur. On pourrait par exemple imaginer pérenniser sur le long terme, des campagnes de stérilisation une fois par an. Pour ce faire, je suis notamment en contact avec le réseau étudiant de l’École vétérinaire de Toulouse et d’Oniris. Aujourd’hui, n’importe quel vétérinaire ou ASV peut venir nous prêter main-forte, ou/et s’inscrire dans un programme plus pérenne. Cela a déjà été le cas. Il est aussi possible de nous aider financièrement via notre cagnotte en ligne.
Est-ce finalement un projet de vie ?
Nous aimerions que cela soit le cas. Mais à ce stade, nous essayons de ne pas voir trop loin et de vivre au jour le jour cette expérience. Traverser l’océan Atlantique était déjà une aventure à part entière, et nous avons réussi à mener ce grand premier défi. Sur le terrain, on voit bien que nous répondons à un réel besoin mais je suis lucide sur la portée de nos actions, qui seraient plus utiles sur du long terme. C’est pour cela que nous préférons aller à moins d’endroits, pour se donner la chance de pouvoir construire un projet plus pérenne, de ce que je qualifie de solidarité internationale.
Pour en savoir plus, voir le site internet dédié au projet : urlz.fr/j55b
Pour soutenir leurs actions : urlz.fr/j55f